[Infoligue] Loi Valls : un nouvel élu pour le département
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 22 Avr 10:09:47 CEST 2013
Loi Valls : un nouvel élu pour le département
Publié par : http://www.localtis.info
Le : mercredi 17 avril 2013
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C'est sans doute un tournant dans l'histoire du département que les
députés viennent de voter en approuvant définitivement, ce 17 avril, le
projet de loi sur les scrutins locaux : l'élection de "binômes"
paritaires et la réduction de moitié du nombre de cantons va renouveler
le visage de ces institutions. Par ailleurs, le texte réforme l'élection
des conseillers communautaires dans les communes de 1.000 habitants et
plus. De quoi modifier la nature, cette fois, des intercommunalités ?
A qui revient la paternité du "binôme paritaire" qui s'apprête à rentrer
dans la postérité ? A la présidente de la délégation sénatoriale aux
droits des femmes, comme le prétend le gouvernement ? Au groupe
majoritaire de l'Assemblée des départements de France, comme le
soutiennent des députés UMP ? Ou encore au "think tank" Terra Nova,
proche du parti socialiste, comme l'assure le sénateur radical Jacques
Mézard ? Pas facile de le savoir.
Quoi qu'il en soit, le "binôme" mis en place par le projet de loi Valls
sur les élections locales, que les députés ont définitivement adopté ce
17 avril par 273 voix pour (247 voix contre, 20 abstentions), va faire
évoluer profondément les conseils généraux, qui seront au passage
rebaptisées "conseils départementaux". "L'adoption définitive par le
Parlement du nouveau mode de scrutin marque une date importante dans
l'histoire de l'institution départementale", a d'ailleurs déclaré ce 17
avril Claudy Lebreton, le président de l'Assemblée des départements de
France.
Les "tickets" composés obligatoirement d'un homme et d'une femme seront
élus pour la première fois en 2015. L'élection aura lieu dans toute la
France, puisque les parlementaires ont mis fin au renouvellement par
moitié des élus départementaux. Deux noms figureront sur le bulletin de
vote, ce qui, dans le cadre d'un scrutin majoritaire, aura un caractère
totalement inédit en France et même dans le monde, a souvent répété
l'opposition. Elus ensemble, les membres du tandem paritaire
représenteront tous deux le même canton, mais de manière indépendante,
pouvant même être rattachés à deux partis différents, ce qui pourrait
être source de confusion, a pointé l'opposition de droite. S'il est vrai
que le conseiller territorial était un "être hybride", le conseiller
départemental le sera a fortiori, a-t-elle ironisé.
Redécoupage des cantons
Dès 2015, les conseils généraux seront composés pour moitié de femmes,
alors qu'aujourd'hui la présence féminine dans ces instances y est
marginale (14%). A l'image des instances exécutives régionales, celles
des conseils départementaux seront paritaires. Considérés comme l'un des
derniers bastions politiques des hommes, les conseils généraux vont
donc, d'un seul coup, devenir une institution exemplaire sur le plan de
la parité, en avance notamment sur les assemblées parlementaires.
Le changement de mode de scrutin va s'accompagner d'une profonde refonte
de la carte des cantons. Celle-ci est la conséquence de l'instauration
du binôme. En laissant quasi-inchangé le nombre des élus départementaux
(environ 4.000), les pouvoirs publics n'ont d'autre choix que de diviser
par deux le nombre des cantons. Par cette opération qu'il compte boucler
juste avant les élections municipales de mars 2014, le ministre de
l'Intérieur entend aussi réduire les très grands écarts de population
entre les cantons d'un même département - écarts qui, selon le Conseil
constitutionnel, remettent en cause l'égalité devant le suffrage.
Avec la nouvelle carte des intercommunalités et l'évolution probable des
limites de certains arrondissements, la nouvelle carte des cantons
servira de base à la réforme des services déconcentrés de l'Etat, y
compris à une nouvelle répartition des forces de gendarmerie, a indiqué
Manuel Valls.
Elus dans des territoires en moyenne deux fois plus grands, les
conseillers départementaux resteront des élus de proximité. Le ministre
en est convaincu, contrairement à l'opposition. D'autant que le projet
de loi l'autorise, par une liste d'"exceptions", à créer des cantons de
taille plus modeste dans les territoires ruraux. Accusé par la droite de
mettre à mal la représentation des territoires ruraux, le ministre sera
très attendu sur ce point lors de la mise en oeuvre de la réforme.
Un front d'oppositions
Les conseils départementaux hériteront des décennies passées un scrutin
majoritaire, auquel une majorité d'élus sont attachés dans la mesure où,
affirment-ils, il crée de forts liens avec l'électeur. Le gouvernement
tenait absolument à le conserver. D'où son rejet, tout au long de la
discussion parlementaire, d'un scrutin proportionnel défendu à la fois
par les écologistes, le Front de gauche et les centristes.
Ne tolérant aucune concession sur la parité et le scrutin majoritaire –
donc sur le binôme –, le gouvernement ne pouvait que rencontrer
l'hostilité de ces partis, alliés de circonstance de l'UMP aussi bien au
Sénat qu'à l'Assemblée nationale. Résultat : le Sénat a rejeté le texte
à chacune des lectures, tandis qu'à l'Assemblée, seuls les socialistes,
majoritaires, l'ont approuvé. "C'est la première fois dans la Ve
République qu'un gouvernement imposera un mode de scrutin contre l'avis
de tous les partis politiques en dehors de la majorité", a dénoncé
François Sauvadet, député UDI de Côte-d'Or et héraut de l'opposition à
la réforme.
Le gouvernement Fillon avait rencontré en 2010 de grosses difficultés à
faire approuver la réforme territoriale qui conduisait à la création du
conseiller territorial. On aurait pu penser le projet de loi Valls plus
consensuel, parce que ne s'attaquant pas à un niveau de collectivité et
parce que guidé par de louables intentions, comme le renforcement de la
parité. Finalement, le parcours législatif aura donc été tout de même
assez chaotique.
On notera que le vote de la réforme intervient un an avant la date
prévue pour l'examen du projet de loi de développement des solidarités
territoriales et de la démocratie locale (le troisième texte de réforme
de la décentralisation), qui doit traiter des compétences des départements.
Scrutin de liste à partir de 1.000 habitants
L'autre grand volet du projet de loi, concernant l'élection des
conseillers municipaux et communautaires, intervient, lui, moins d'un an
avant les élections municipales de mars 2014. Il était temps que les
modalités du scrutin de l'an prochain soient connues. Il aura fallu
ainsi attendre plus de deux ans après la loi de réforme des
collectivités territoriales, qui a instauré le principe de l'élection au
suffrage universel direct des délégués communautaires, pour qu'elles
soient adoptées par le Parlement.
L'an prochain, 85% des électeurs seront en droit d'élire leurs
conseillers communautaires. Le scrutin de liste actuellement en vigueur
dans les communes de 3.500 habitants et plus sera en effet appliqué à
toutes les communes de 1.000 habitants et plus. Ce qui conduit à
maintenir le scrutin majoritaire avec panachage dans 74% des communes.
Fallait-il étendre au plus grand nombre possible de communes la parité
et l'élection directe des conseillers communautaires par le choix d'un
seuil de 500 habitants ? Ou fallait-il se prémunir contre les risques de
politisation et les difficultés pour constituer des listes complètes et
paritaires ? La première option a convaincu les députés, tandis que la
seconde a été jugée plus réaliste et prudente par les sénateurs. La
volonté de donner des gages au Sénat et le lobbying efficace de
l'Association des maires de France (AMF) ont finalement permis à la
position défendue par les sénateurs de l'emporter.
Dans les communes de 1.000 habitants et plus, les électeurs trouveront
sur leur bulletin de vote deux listes distinctes de candidats. L'une
pour le conseil municipal et l'autre pour le conseil communautaire. Une
présentation qui "suscitera l'incompréhension des modalités du scrutin
par les électeurs comme par les candidats", critique l'AMF.
L'association regrette, en outre, "la dissociation" qui est faite entre
des fonctions pourtant "complémentaires". A l'inverse, l'Assemblée des
communautés de France (ADCF) salue une solution qui renforcera "la
visibilité de l'élection intercommunale et des futurs élus". Les deux
mouvements d'élus s'accordent toutefois sur les modalités du fléchage
imaginées par le Sénat, qui laisseront aux candidats à l'élection une
relative souplesse, contrairement à l'option retenue au départ par le
gouvernement, qui consistait à orienter automatiquement les candidats
têtes de liste aux élections municipales vers l'intercommunalité. Les
candidats au conseil communautaire ne seront donc pas forcément le maire
et ses adjoints.
De nouvelles évolutions en 2020 ?
Dans les communes de moins de 1.000 habitants, le panachage, qualifié
parfois de "tir aux pigeons", subsistera et les délégués communautaires
seront désignés, comme maintenant, par le conseil municipal, dans
l'ordre du tableau. Mais contrairement à aujourd'hui, il faudra
nécessairement être candidat pour être élu – les candidatures devant
être déposées à la préfecture ou à la sous-préfecture. Dans les communes
de moins de 100 habitants, sept conseillers seront élus, au lieu de neuf
aujourd'hui, ce qui facilitera un peu la constitution des équipes
municipales.
L'élection en 2014 selon les modalités du scrutin en vigueur aujourd'hui
à Paris, Lyon et Marseille est considérée comme un premier pas. Le
gouvernement ne se dit pas opposé à une élection directe des conseillers
communautaires des plus grandes agglomérations et ce, dans une seule et
même circonscription correspondant au territoire de la communauté. Des
parlementaires pourraient être tentés, dès l'examen du projet de loi sur
les métropoles qui qui commencera fin mai au Sénat, d'inscrire cette
perspective dans la loi.
Thomas Beurey / Projets publics
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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