[Infoligue] La fracture sociale jusque dans les colos d'été
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 16 Juil 15:41:12 CEST 2013
La fracture sociale jusque dans les colos d'été
Publié par : Le Monde.fr
Le : 16.07.2013
Par Claire Rainfroy
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Haro sur la colo. Les enfants issus des classes moyennes ont tendance à
déserter les colonies de vacances. Très fréquentés par les enfants
défavorisés, ces centres sont aussi très appréciés des familles aux
revenus aisés.
Un grand écart social que les "colos" ont du mal à tenir, et une mixité
sociale en passe d'être reléguée au rang de lointain souvenir. Car
désormais, à chaque classe sociale, sa colo d'été. Ce sont les
conclusions auxquelles aboutit un récent rapport parlementaire, corédigé
par Michel Ménard, député socialiste de Loire-Atlantique, qui déplore la
disparition progressive de la mixité sociale dans les colonies de vacances.
Cause de la désaffection massive des classes moyennes pour les colos,
l'arrêt des subventions des caisses d'allocations familiales (CAF).
"L'Etat a progressivement réorienté ses aides au départ en vacances vers
les centres de loisirs, qui sont très utiles, mais qui n'assurent pas la
même mixité sociale : les enfants restent dans leurs quartiers, avec
leurs voisins, dans le même environnement, et sont moins susceptibles de
rencontrer d'autres jeunes", regrette Michel Ménard.
Dans le même temps, les aides sociales au départ en vacances destinées
aux classes moyennes ont fortement diminué. Depuis la fin des années
1990, les CAF ont réduit leurs enveloppes budgétaires dédiées aux
vacances. Même chose pour les bons vacances, progressivement abandonnés.
En 1994, la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) avait
alloué plus de 75 millions d'euros de subventions aux centres de
vacances. Dix ans plus tard, en 2004, ces dépenses tombaient à 40
millions euros. Conséquence directe, le prix des colos a fortement
augmenté pour les classes moyennes, dont les vacances des enfants ne
sont plus subventionnées.
IPAD CONTRE CHÂTEAUX DE SABLE
En moyenne, le prix d'une semaine en colo coûte entre 400 et 600 euros
par enfant. Une somme bien moindre pour les plus défavorisés, grâce aux
subventions. Dans un centre agréé par la CAF, un séjour de douze jours
revient en moyenne à 574 euros, montant que les caisses prennent en
charge à 41 %. En 2011, 8 % des enfants âgés de 5 à 19 ans dont le
revenu familial était inférieur à 1 000 euros par mois partaient en
colonie. Pour ces enfants des classes populaires, qui sont ceux qui
partent le moins en vacances, les colonies restent une solution
privilégiée pour ces familles.
A l'autre bout de l'échiquier social, les parents aux revenus
confortables plébiscitent aussi les colonies de vacances. Mais ils
rechignent de plus en plus à envoyer leurs enfants dans les centres
traditionnels, et leur préfèrent des offres de séjours haut de gamme. A
l'image de l'organisateur Educational First, qui propose des voyages
linguistiques dont la moyenne de prix varie entre 2 500 et 3 500 euros.
"Forcément, le montant de nos séjours opère une sélection par le prix,
explique Damien Lamy-Preto, responsable marketing de l'entreprise.
Toutes les familles ne peuvent bien sûr pas s'offrir nos services. Mais
nous offrons de la qualité : pour que les jeunes assimilent mieux les
cours, nous leur distribuons des iPads." Bien loin des associations
traditionnelles, labellisées "éducation populaire", qui misent plutôt
sur des activités classiques, moins onéreuses.
SÉGRÉGATION DES OFFRES
Une ségrégation des offres qui répond, selon le rapport, à une demande
des familles aisées. "Les organisateurs de séjours ont tout intérêt à
séparer nettement les colonies pour les enfants pauvres issus de
banlieue (...) et les séjours haut de gamme qui sont financés par une
clientèle aisée, parce que ces derniers craindraient d'y envoyer leurs
enfants s'ils devaient côtoyer ceux des quartiers pauvres", affirment
crûment les députés.
La crainte des "mauvaises fréquentations" et des "violences entre
jeunes" apparaît parmi les principales explications données à cette
recherche de l'entre-soi. Une violence exacerbée par l'absence des
classes moyennes, selon Agnès Bathiany, directrice générale des PEP
(pupilles de l'enseignement public), réseau associatif estampillé
"éducation populaire", label nécessaire pour être partenaire du
ministère de la jeunesse. "Leur défection exacerbe les écarts culturels,
mais aussi les différentes manières d'être entre ces enfants.
L'équilibre des catégories sociales est important, car les colos sont un
lieu d'apprentissage du civisme, qui ne peut avoir pleinement lieu sans
toutes les parties prenantes", explique la directrice.
Cette année, plus de trois millions d'enfants ne partiront pas en vacances
Salariée dans une association qui organise des colonies, Jocelyne
témoigne de la réticence de certains parents à faire vivre la mixité
sociale. "Lors d'une présentation des colos dans une grande ville des
Hauts-de-Seine, j'ai vu des parents grimacer quand nous avons annoncé
que l'autre moitié du groupe venait d'une ville de l'Essonne. Dans un
autre cas, une maman a annulé le séjour de sa fille, car un petit groupe
originaire de Seine-Saint-Denis y était intégré. La pression existe bel
et bien pour que nous évitions la mixité sociale au sein des séjours",
raconte-t-elle.
Un état de fait que déplore le rapport, qui pointe les bénéfices de la
mixité sociale de la colo. Entraide collective, solidarité entre jeunes,
tolérance, responsabilisation ou bien encore émancipation : les
bienfaits éducatifs sont nombreux, et reconnus des parents. Selon un
sondage réalisé en 2011, 80 % d'entre eux pensent que les colonies
contribuent à l'épanouissement, à la sociabilisation et à l'autonomie
des enfants. Ce taux de satisfaction monte à 93 % parmi les parents qui
envoient leur progéniture en centre de vacances.
3 MILLIONS D'ENFANTS NE PARTIRONT PAS EN VACANCES
Pour faire revivre la mixité sociale au sein des colonies, Michel Ménard
esquisse plusieurs pistes. D'abord, réhabiliter les aides des CAF aux
départs en colo afin de permettre le retour des enfants issus des
classes moyennes. Le rapport propose également d'étendre la distribution
des chèques vacances aux petites et très petites entreprises, qui ne
disposent pas de comités d'établissement.
Autre proposition, le rapport préconise d'instaurer un fonds
spécialement dédié aux centres de vacances, financé par une taxe sur
l'hôtellerie de luxe. "Prélever 2 % sur une nuitée à 400 euros
permettrait de dégager 8 euros", avance Michel Ménard. Une proposition
qui a déjà fait bondir les professionnels du secteur, qui s'insurgent
déjà contre une fiscalité jugée punitive.
"Les enfants qui partent en vacances sont les touristes de demain",
rappelle Anne Carayon, directrice du collectif Jeunesse en plein air.
Cette année, 3 millions de jeunes âgés de 5 à 19 ans ne partiront pas en
vacances, soit 25 % d'une classe d'âge. Parmi eux, 2 millions ne
passeront pas plus d'une nuit hors de leur domicile.
Claire Rainfroy
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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