[Infoligue] Quelle efficacité pour les contrats aidés ?

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 28 Mar 08:35:49 CET 2013


Quelle efficacité pour les contrats aidés ?

Publié par : http://www.localtis.info
Le : mercredi 27 mars 2013

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Le chômage a augmenté de près de 11% sur un an. Le gouvernement a 
maintenu, mercredi, son engagement à inverser la tendance avant la fin 
de l'année. Le Premier ministre invite les collectivités et les 
associations à faire usage de la panoplie de contrats financés par 
l'Etat. S'il est trop tôt pour juger de l'efficacité des emplois 
d'avenir et des contrats de génération, celle des contrats aidés 
classiques est sujette à caution.

Le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A (demandeurs d'emploi 
sans emploi) s'établit en février ainsi à 3.187.700, soit 18.400 de plus 
que le mois précédent, d'après les chiffres publiés par Pôle emploi le 
26 mars 2013. La progression est de 10,8% en un an. Face à cette 
situation, le gouvernement a rappelé, mercredi, son engagement à 
inverser cette tendance qui dure depuis cinq ans d'ici la fin de l'année 
2013. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a ainsi appelé à "une 
mobilisation générale pour l'emploi", lors de la séance des questions 
d'actualités au gouvernement, mardi 26 mars. Il a invité "les 
collectivités locales, les associations, le monde de l'économie sociale 
et solidaire" à utiliser les emplois financés par l'Etat, dont les 
contrats aidés et les nouveaux emplois d'avenir, que le gouvernement met 
à leur disposition. Le Premier ministre a aussi appelé les entreprises à 
recruter des jeunes via le nouveau contrat de génération et le crédit 
d'impôt compétitivité emploi.
Les contrats aidés (CUI-CAE* dans le secteur non-marchand, CUI-CIE* dans 
le secteur marchand) sont souvent présentés comme une variable 
d'ajustement. Ils ont été fortement développés dans les années 2000 
(800.000), puis leur nombre a diminué (600.000 en 2005, 265.000 fin 
2008). Ils ont ensuite connu un rebond lié à la crise (414.000 à la 
mi-2010) mais sont retombés à 370.000 en janvier 2012. En juin 2012, le 
gouvernement a mobilisé 80.000 contrats de ce type supplémentaires pour 
le second semestre, histoire de relancer le dispositif, et de faire en 
sorte qu'il ait un effet sur les chiffres de l'emploi. En octobre 2012, 
Michel Sapin, ministre du Travail, a annoncé une nouvelle rallonge de 
40.000 emplois aidés pour l'année. Et en janvier 2013, le gouvernement a 
majoré de deux milliards d'euros la réserve de précaution du budget 
français pour 2013. Une enveloppe qui permettrait de financer un 
éventuel surcoût des politiques gouvernementales en faveur de l'emploi, 
dont les contrats aidés. Outre ces contrats aidés "classiques", le 
gouvernement mise aussi sur les nouveaux emplois d'avenir, créés dans le 
cadre de la loi du 26 octobre 2012. Ces contrats de trois ans ciblent 
les jeunes peu ou pas qualifiés, et sont réservés au secteur 
non-marchand. Ils sont financés à hauteur de 75% du Smic par l'Etat. 
L'objectif du gouvernement est d'atteindre 100.000 emplois d'avenir 
d'ici fin 2013, et 50.000 de plus en 2014. Pour le moment, d'après le 
compte présenté par le ministère du Travail en Conseil des ministres le 
27 mars, à la fin du mois de mars, 15.000 jeunes auront été recrutés par 
l'intermédiaire de ces nouveaux contrats (plus de 11.500 jeunes pas ou 
peu diplômés et 3.500 jeunes en emploi d'avenir professeur). Une montée 
en puissance lente, puisque cela correspond seulement à 15% de 
l'objectif visé, mais "la montée en charge va se poursuivre et 
s'accélérer dans les mois à venir", a souligné le ministre du Travail 
dans sa communication en Conseil des ministres.

La durée des contrats aidés allongée à douze mois

Par ailleurs, Michel Sapin a annoncé, mercredi 27 mars, en Conseil des 
ministres que les autres contrats, les contrats aidés "classiques", 
verront leur durée progressivement allongée pour atteindre douze mois 
(contre six mois actuellement), suite à une décision du gouvernement 
datant de janvier 2013. "Il s'agit d'offrir une solution professionnelle 
aux personnes les plus éloignées de l'emploi dans une durée qui permette 
une meilleure insertion professionnelle", a souligné le ministre dans sa 
communication.
Mais qu'en est-il réellement de l'efficacité de ces contrats aidés ? 
Pour une grande majorité de demandeurs d'emploi, c'est un bon moyen de 
reprendre contact avec le monde du travail. Plus de 60% d'entre eux 
considèrent qu'une expérience en contrat aidé peut être considérée comme 
un atout par les employeurs, et dans l'ensemble, ils ont une opinion 
favorable des contrats aidés, selon une note de la Dares de mars 2013, 
réalisée à partir de deux enquêtes (fin 2008 et fin 2009). Cette 
affirmation est d'autant plus vraie que les demandeurs d'emploi ont 
passé un contrat aidé du secteur marchand (privé). Ceux-ci estiment plus 
fréquemment que ce type de contrat permet de retrouver un emploi non 
aidé, en lien notamment avec une meilleure insertion sur le marché du 
travail à l'issue de leur contrat.
Dans son rapport de janvier 2013, la Cour des comptes se montre en 
revanche plus sceptique avec les contrats du secteur non-marchand 
(public). D'après les évaluations disponibles sur le sujet, moins de 40% 
de personnes en contrat aidé non-marchand sont en emploi six mois après, 
contre plus de 70% pour les personnes qui ont bénéficié de contrats dans 
le secteur marchand. Ce qui amène l'institution à préconiser de revoir 
l'équilibre entre contrats du secteur marchand et contrats du secteur 
non-marchand au bénéfice des premiers et à réserver l'accès aux contrats 
aidés aux seuls bénéficiaires qui ne peuvent pas être orientés vers les 
dispositifs dont l'efficacité apparaît mieux fondée.

Outils d'insertion ou de régulation des politiques de l'emploi ?

Pour Michel Abhervé, professeur associé à l'université de Paris Est 
Marne-la-Vallée, ce n'est pas qu'une question de secteur mais plutôt 
d'utilisation des contrats aidés. "Il y a un vrai problème, c'est que 
les contrats aidés ne sont pas considérés comme des outils en tant que 
tels de la politique de l'emploi, mais comme des outils d'ajustement, 
explique-t-il. Dès qu'il y a une détérioration du marché du travail, on 
lance des contrats de ce type car ce sont les plus faciles à mettre en 
œuvre. Il faudrait qu'ils redeviennent ce qu'ils étaient initialement : 
des outils d'insertion et non de régulation de la politique de 
l'emploi." Autre critique du chercheur : la course aux chiffres. "Si on 
veut que ces contrats soient réellement efficaces, il ne faut pas mettre 
en avant l'aspect quantitatif mais être attentif à l'encadrement, la 
qualité du projet…"
Bernard Gomel, chercheur au Centre d'études de l'emploi (CEE) considère 
quant à lui que les contrats aidés classiques sont des contrats 
"cycliques", "critiquables mais indispensables". Il positionne en 
revanche différemment les emplois d'avenir, "qu'on appelle à tort 
contrats aidés alors qu'ils correspondent davantage à une aide à 
l'emploi des jeunes". Pour lui, les emplois d'avenir peuvent servir de 
levier de l'intervention publique auprès des jeunes. "En s'adressant aux 
jeunes, on réalise une transition entre l'école (surtout quand il y a 
échec scolaire) et l'emploi, d'autant plus si les missions locales sont 
bien intégrées dans le processus", souligne-t-il. Autre avantage de ces 
emplois : ils offrent aux jeunes une rémunération (plus de 1.100 euros 
par mois pendant au moins un an) qui leur permet d'être autonomes et 
d'améliorer immédiatement leur situation économique.
Reste aussi le nouveau contrat de génération, qui cette fois-ci 
s'adresse au secteur marchand, et propose d'organiser la transmission 
entre les jeunes et leurs aînés, avec des aides financières pour le 
recrutement d'un jeune et le maintien d'un senior dans l'entreprise. Le 
dispositif instauré par la loi du 1er mars 2013 est entré en vigueur 
après la publication d'un décret n°2013-222 du 15 mars 2013. Le 
gouvernement table sur 500.000 contrats de ce type d'ici 2017. Les 
premiers accords ont été signés début mars. Difficile donc de préjuger 
de son efficacité. Mais Bernard Gomel est déjà dubitatif. "On part sur 
l'idée qu'il y aurait de la part des seniors un transfert d'expérience 
vers les jeunes… Ce n'est pas sûr que cela se passe ainsi, on a déjà 
tenté l'expérience avec les plans seniors…"

Emilie Zapalski

* Contrat unique d'insertion-contrat d'accompagnement vers l'emploi 
(CUI-CAE), contrat unique d'insertion-contrat initiative emploi (CUI-CIE).

Références : décret n°2013-222 du 15 mars 2013 relatif au contrat de 
génération, loi n°2013-185 du 1er mars 2013 portant création du contrat 
de génération, loi n°2012-1189 du 26 octobre 2012 portant création des 
emplois d'avenir.

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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