[Infoligue] Vers un pacte pour les territoires "hyper-ruraux" ?
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 21 Aou 10:27:11 CEST 2014
Vers un pacte pour les territoires "hyper-ruraux" ?
Publié par : Localtis.info
Le : mercredi 30 juillet 2014
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Dans un rapport remis à Sylvia Pinel, ministre du Logement et de
l'Egalité des territoires, le sénateur Alain Bertrand plaide pour un
"pacte pour la mise en capacité des territoires hyper-ruraux". Parmi ses
préconisations : une révision de la péréquation et des dotations, une
fiscalité dérogatoire sur le bâti vacant, ou encore l'instauration de
corps attractifs pour les fonctionnaires...
Il y a eu la "compétitivité des territoires", du jus de crâne produit
par le cabinet McKinsey. Puis l'introduction de la psychanalyse avec
l'arrivée de la "résilience" pour panser les plaies des territoires
meurtris par la mondialisation… L'heure est à présent à la "capacité des
territoires", thème qui fleure cette fois-ci la patte des pédagogues, et
fait l'objet d'une direction à part entière dans le tout nouveau
Commissariat général à l'égalité des territoires. On a une première
application du "concept" avec le rapport sur l' "hyper-ruralité" du
sénateur de la Lozère Alain Bertrand (RDSE), remis, mercredi 30 juillet
à Sylvia Pinel, la ministre du Logement et de l'Egalité des territoires.
Le sénateur, également maire de Mende, passe pour être le père de
l'"hyper-ruralité". Expression qui a fait florès ces derniers mois dans
un climat de grogne des territoires ruraux face à l'absence de vision
claire du gouvernement en matière d'aménagement du territoire, renforcée
par la décision de supprimer les départements.
Un quart du territoire national
De quoi s'agit-il ? Des territoires qui se "distinguent, outre la faible
densité de la population, par le vieillissement, l’enclavement, les
faibles ressources financières, le manque d’équipement et de services,
le manque de perspectives, la difficulté à faire aboutir l’initiative
publique ou privée, l’éloignement et l’isolement sous toutes ses
formes", précise le sénateur. Tous ces territoires éloignés des
services, des centres de décision, des métropoles, "sortis de l'écran
radar républicain"… Ce qui, selon le rapporteur, concerne 250 bassins de
vie, 3,4 millions d'habitants sur un quart du territoire national. Cette
définition restreinte de la ruralité aurait l'avantage, en période de
disette budgétaire, de concentrer les crédits.
On les trouve essentiellement au centre des Alpes, sur la partie Est des
Pyrénées, la partie nord du Languedoc-Roussillon, le Massif central…
Quelques départements sont quasiment en totalité hyper-ruraux. C'est le
cas de la Creuse, du Lot, du Cantal, de la Lozère, de la Nièvre, des
Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence et des départements corses.
Alors que ces territoires ont subi de "plein fouet" la crise de 2008, le
rapport dresse un réquisitoire implacable des politiques menées
jusqu'ici. Une décentralisation qui a reproduit les effets du
parisianisme à l'échelle des capitales régionales. "Cela tourne au
foutage de gueule, avait vertement tancé le sénateur dans un débat
mouvementé au Sénat, cet automne. Voilà trente ans, il nous a été dit :
on fait de la décentralisation, ce qui implique de quitter Paris. Or,
désormais, tout est entassé dans les capitales régionales !" Le rapport
se montre forcément plus pondéré. "Les collectivités territoriales se
sont développées en reproduisant à leur échelle le modèle globalisant et
centralisateur de l’Etat. Ce faisant, elles ont renforcé le pouvoir et
les atouts des métropoles, capitales régionales et grandes villes, au
détriment du reste du territoire", peut-on y lire. Il dénonce aussi un
"florilège" de dispositifs d'aide (ZRR, PER, DETR, FNADT…)
"insuffisamment ciblés et inefficaces", souvent méconnus des élus
eux-mêmes. Quant aux différentes lois de programmation (santé,
enseignement supérieur, recherche…), elles se sont avérées
"systématiquement défavorables" à ces territoires. Sans parler des
réformes territoriales de l'Etat, la RéATE puis la MAP, qui ont mis "en
danger le signal républicain".
Pas une approche "victimiste"
Le sénateur qui était favorable il y a quelques mois à une loi pour la
ruralité notamment pour "inventer des procédures, revoir les problèmes
de dotation, de mise en œuvre des deniers publics, et de zonage", se
limite dans son rapport définitif à six mesures et quatre
recommandations (la question de l'avenir des zones de revitalisation
rurale fait l'objet d'une réflexion à part). Il plaide pour un "pacte
pour la mise en capacité des territoires hyper-ruraux" s'inspirant de la
politique nationale de ruralité du Québec lancée en 2001 et reconduite
en 2007 et 2013. Alain Bertrand refuse dans cette optique une approche
"victimiste". Il propose d'aider ces territoires à se prendre en main, à
surmonter leurs handicaps et les surcoûts qu'ils impliquent pour eux, en
portant l'effort sur les centres-bourg qui doivent jouer leur "rôle
vital de centralité". Il se montre adepte, en somme, de l'idée que
"quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui
donner un poisson". Ce pourrait être cela la capacité des territoires.
Démétropolisation
Le sénateur recommande de constituer des "intercommunalités fortes" d'au
moins 20.000 habitants et d'y "assurer la représentation des maires et
des élus de l’hyper-ruralité".
Il invite le gouvernement à "engager, le cas échéant dans le cadre
d’états généraux de la ruralité, une révision des dotations de l’Etat
pour permettre aux territoires hyper-ruraux de bénéficier d’une
péréquation plus juste prenant en compte les services qu’ils rendent
effectivement à la collectivité nationale".
Alain Bertrand juge "intéressante" la politique d'appel à projets lancée
par le gouvernement pour les centres-bourg, le mois dernier, mais estime
qu'elle "n’est pas ciblée spécifiquement sur les territoires les plus
nécessiteux". Il recommande ainsi "une politique énergique pour
revitaliser l’habitat ancien des petites villes et centres-bourg de
l’hyper-ruralité", assortie d'une fiscalité dérogatoire sur le bâti
vacant, "afin d’inciter les propriétaires à remettre leur bien en état
et de le valoriser, ou le vendre".
A rebours des politiques actuelles, souvent inspirées du New Public
Management, le sénateur propose d'instaurer une règle de
"démétropolisation" des implantations des services de l'Etat. Il demande
que l'hyper-ruralité soit prise en compte dans toutes les lois, en
particulier celles de programmation, et dans les futurs contrats de plan
Etat-région en cours de négociation.
Afin d'assurer un niveau de services indispensables et "non
négociables", un sous-préfet pourrait piloter, dans chaque département
concerné, un "guichet unique hyper-ruralité".
Enfin, le rapporteur propose de s'inspirer de ce qui a été fait en
outre-mer pour rendre ces territoires plus attractifs en termes de
carrière pour les fonctionnaires. Il envisage ainsi "la création d’un ou
plusieurs corps attractifs de fonction publique dédiés aux territoires
hyper-ruraux, susceptibles d’accueillir par voie de détachement des
agents des fonctions publiques d’Etat et territoriale".
Selon le ministère du Logement et de l'Egalité des territoires, "ses
propositions seront rapidement expertisées par le Commissariat général à
l'égalité des territoires, et pourront utilement enrichir les Assises
des ruralités qui se tiendront à l'automne".
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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