[Infoligue] "Lutter contre les stéréotypes" par Jean-Marc Roirant - Secrétaire général de la Ligue de l'enseignement

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 6 Fév 10:42:48 CET 2014


Lutter contre les stéréotypes

Publié par : LE MONDE
Le : 06.02.2014
Par Jean-Marc Roirant (Secrétaire général de la Ligue de l'enseignement)

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La rumeur n'est jamais innocente. Notre histoire en est riche 
d'exemples. On a montré comment elle a accompagné le coup d'Etat de 
Napoléon III face à de prétendues tentatives d'attentat. Comment, après 
la défaite de 1870, des rumeurs de cannibalisme ont traversé certains 
villages de Dordogne à la recherche de boucs émissaires, justifiant des 
actes de barbarie. Cent ans plus tard, à Orléans, une rumeur antisémite 
a laissé croire que les cabines d'essayage de certains magasins de 
vêtements féminins étaient des pièges pour les clientes, livrées à la 
traite des Blanches. Cette « rumeur d'Orléans » continue de courir sous 
diverses formes.

Quand la rumeur s'est installée, l'ampleur du mensonge n'importe guère. 
Si la rumeur a pris, c'est que ses colporteurs ont suscité un réflexe de 
protection des familles, le plus souvent en créant une inquiétude 
irrationnelle. Une inquiétude telle que la diffusion de la vérité est 
rarement d'un secours suffisant. Une fois que la rumeur devient un 
phénomène social, nourri des conversations croisées, alors elle 
s'entretient elle-même, crépitant de son petit feu. Dans nos sociétés 
dans lesquelles certains médias sont chaque jour avides de nouvelles 
actualités et font peu de tri, ce feu s'allume vite et devient parfois 
un incendie. C'est le cas lorsque cette rumeur s'attaque à l'école publique.

Celle qui s'est propagée fin janvier dans plusieurs collèges à propos 
des modules ABCD de l'égalité a été une attaque organisée contre la 
République. Elle a été transportée par des SMS, envoyés en masse aux 
parents, appelant au boycottage de l'école, avec pour seul objectif de 
saper la confiance dans notre école publique. Les messages sont de pures 
élucubrations.

Rappelons les faits. Les modules se déroulent au primaire (et pas au 
collège) dans 600 classes volontaires. Ils prennent place dans les 
enseignements existants sur les savoirs de base. Ils sont adaptés selon 
les niveaux. Ils ont été conçus par des professionnels et des mouvements 
éducatifs, dont la Ligue de l'enseignement, pour permettre aux élèves de 
s'interroger sur leurs différences, dans divers contextes 
d'apprentissage : Est-ce qu'un chevalier a le droit d'avoir peur du noir 
? Est-ce que les princesses peuvent aussi jouer un rôle dans leur propre 
histoire ? Comment organiser des jeux de ballon mixtes ? Voici les 
enjeux de ces modules.

LE RESPECT MUTUEL ET LE REFUS DE LA VIOLENCE

L'idée est de permettre aux enfants de s'émanciper des rôles que la 
société a tendance à leur assigner par avance et développer le respect 
mutuel et le refus de la violence. Les enseignants et les animateurs 
sont formés pour cela. Les contenus pédagogiques des ABCD et de bien 
d'autres programmes d'éducation à l'égalité filles-garçons s'intègrent 
pleinement à l'apprentissage des savoirs fondamentaux des jeunes élèves 
figurant dans le socle commun des compétences de base et de culture.

L'égalité et le respect ne sont pas une nouvelle matière, une nouvelle 
case à cocher dans les programmes. Ils sont une nouvelle dimension dans 
l'apprentissage des savoirs de base dans le cadre d'une école laïque. On 
est loin de la désinformation grossièrement mensongère, souvent 
haineuse, de ces derniers jours.

Des attaques de ce type, il en existe chaque semaine. Mais celle qui a 
concerné les ABCD de l'égalité n'est pas un épisode ordinaire pour deux 
raisons. La première, c'est que cette rumeur a eu une perfide 
efficacité, parce que plusieurs personnalités publiques ne se sont pas 
contentées de la diffuser, mais l'ont accréditée en alimentant un faux 
débat sur la prétendue théorie du genre. Il y a sans doute beaucoup de 
paresse dans les commentaires que nous avons subis pendant plusieurs 
jours sur ce nouvel épouvantail.

A l'école publique, les enseignants et les personnels ont pour mission 
de faire découvrir, partager et faire vivre les valeurs de la 
République. Ils l'ont fait de manière exemplaire en réponse aux rumeurs, 
et ce, le plus souvent, avec la confiance des parents, des élus locaux 
et avec le concours de nombreuses associations d'éducation populaire.

L'enjeu est de taille, car faire reculer les stéréotypes et les 
violences sexistes, c'est combattre les violences conjugales, qui 
frappent 400 000 femmes chaque année. Il s'agit également de faire 
disparaître les souffrances d'enfants victimes d'insultes sexistes dans 
les cours de récréation. C'est enfin faire progresser la mixité 
professionnelle et reconnaître que la diversité est une richesse, y 
compris pour les entreprises. C'est un combat qui mérite que chacun se 
mobilise et assume ses responsabilités.

     Jean-Marc Roirant (Secrétaire général de la Ligue de l'enseignement)

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Denis Lebioda
Chargé de mission
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