[Infoligue] « Les besoins des jeunes ne vont pas disparaître, il faudra bien y répondre ! »

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 27 Aou 09:35:28 CEST 2015


Entretien - Politiques jeunesse

Julien Vaillant, conseiller régional de Lorraine, chargé de la jeunesse 
 > « Les besoins des jeunes ne vont pas disparaître, il faudra bien y 
répondre ! »

par Marion Esquerré
Publié par : http://www.courrierdesmaires.fr
Le : 25/08/2015

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Pour Julien Vaillant, conseiller régional en charge de la jeunesse en 
Lorraine, l'Etat se méprend s'il considère que la jeunesse est une 
politique publique échappant à la sphère locale. A ce titre, le silence 
de la loi Notre sur les politiques jeunesse pourrait constituer un frein 
à la représentation des jeunes et à leur participation aux outils qui 
favorisent leur autonomie et engagent leur avenir.

Au cours des débats sur la loi Notre, des élus jeunesse, en partenariat 
avec des réseaux associatifs, ont lancé un mouvement(1) pour tenter de 
faire inscrire la jeunesse comme une compétence partagée dans le texte.

Malgré la signature d’amendements en ce sens par plus d’une cinquantaine 
de députés et le soutien individuel de quelques ministres, cette 
revendication n’a pas été entendue.

Julien Vaillant, conseiller régional en charge de la jeunesse en 
Lorraine, cosignataire avec Philippe Meirieu, vice-président de 
Rhône-Alpes et président de la commission jeunesse de l’ARF, du texte 
ayant servi de support à ce mouvement, revient sur les enjeux du débat 
et les conséquences de l’absence de la jeunesse dans le texte de loi.


Courrierdesmaires.fr. Quel était l’enjeu de voir la compétence jeunesse 
inscrite dans la loi ?

Julien Vaillant. Si l’on part du principe qu’il ne faut pas aborder la 
jeunesse comme une classe d’âge, mais comme une période de transition 
entre la sortie du système scolaire et l’accès à l’autonomie, alors 
mener une politique jeunesse c’est donner les moyens aux jeunes de 
franchir tous les obstacles – logement, formation, permis de conduire, 
santé, etc. – vers cette autonomie. Ces moyens existent, mais, selon les 
sujets, ils relèvent des compétences et politiques de différents 
territoires et de l’Etat.

Le jeune, lui, se moque bien de savoir qui est derrière chaque 
dispositif. L’important, c’est qu’il puisse accéder à la bonne 
information au bon moment. Les régions avaient déjà l’apprentissage, la 
formation professionnelle, les TER, les lycées… Elles avaient des bouts 
de compétence. Au cours du dernier mandat, elles ont fait en sorte de 
dépasser cela, de mettre de la logique dans cet ensemble de compétences, 
dans une approche transversale avec les acteurs et collectivités 
impliqués et l’Etat.

Nous souhaitions que l’engagement des collectivités dans les politiques 
jeunesse, bien au-delà de leurs compétences, soit reconnu et gravé dans 
le marbre au travers d’une compétence partagée. Cela n’était pas dans 
les revendications collectives. Mais les régions revendiquaient aussi un 
chef-de-filat car c’est une bonne échelle de coordination des politiques 
locales. La plupart de nos partenaires y étaient favorables.


Comment expliquez-vous que vous n’ayez pas obtenu gain de cause ? L’Etat 
veut-il reprendre la main sur les politiques jeunesse ?

J. V. On n’a pas du tout compris l’argument du gouvernement et du 
rapporteur selon lequel la jeunesse ne serait pas une compétence mais 
une politique publique. Comme si les compétences ne relevaient pas de la 
politique publique. C’est une nuance… « subtile », disons.

Je ne crois pas que l’idée du gouvernement soit de faire des politiques 
jeunesse une chasse gardée. Il n’en a pas les moyens. En revanche, 
l’urgence de faire de la jeunesse un sujet prioritaire des politiques 
publiques – locales comme nationales – a été sous-estimée. Et, dans le 
même temps, tout ce qui est fait en la matière dans les territoires, de 
façon innovante et partenariale, fait l’objet d’une totale méconnaissance.

Enfin, il y a eu tellement de lobbying sur la loi Notre de la part des 
diverses associations d’élus sur des gros sujets comme le développement 
économique ou le tourisme, que la jeunesse est devenue un sujet secondaire.


N’est-ce pas un peu paradoxal alors que le gouvernement porte un plan 
Priorité jeunesse ?

J. V. Si, évidemment, d’autant que l’on était dans un contexte post 
événements Charlie Hebdo, où les jeunes ont été souvent pointés comme 
étant de mauvais citoyens. Or, on ne naît pas citoyen, on le devient… à 
condition d’en avoir les moyens.

C’est un sujet fondamental sur lequel l’ensemble des collectivités a 
beaucoup avancé en travaillant sur la représentation des jeunes. Au 
niveau des régions, on était même en train de passer un cap en créant 
des dispositifs de coconstruction.

Mais cela implique de mettre à la disposition des jeunes des outils pour 
agir en toute autonomie. Ce n’est pas au niveau de l’Etat que cela 
s’organise. Dans le contexte de demain, celui des fusions des régions, 
on peut craindre que la place laissée à ces politiques de participation 
se réduise faute d’avoir inscrit la jeunesse comme une compétence des 
collectivités.


L’absence de compétence jeunesse dans la loi aura pour effet de 
restreindre les politiques « jeunesse » ?

J. V. Avec, d’un côté la suppression de la clause de compétence 
générale, de l’autre côté, le renforcement de certaines compétences et 
le contexte de rigueur budgétaire, qu’on le veuille ou non, les 
collectivités vont devoir se recentrer sur leurs métiers.

C’est encore plus vrai pour les régions qui vont devoir gérer 
politiquement et techniquement leurs fusions. Tous les élus régionaux 
vous expliquent que ça prendra au moins un mandat.

Malgré tout, les besoins des jeunes ne vont pas disparaître, bien au 
contraire… Et il faudra bien y répondre ! Comme tout ce que l’on fait 
dans ce domaine est partenarial, je pense que l’on peut compter sur 
l’intelligence des différents acteurs pour que le travail engagé se 
poursuive.

Par contre, on va prendre un peu de retard, le temps de caler les 
nouveaux grands ensembles. Et l’inconnu, c’est l’effet qu’aura un 
changement de couleur politique dans de nombreuses régions sur cet 
engagement.



Vous estimez toutefois que la loi offre quelques leviers d’action. 
Pouvez-vous expliquer comment ?

J. V. La loi prévoit que les politiques jeunesse pourront faire l’objet 
d’un débat au sein de la conférence territoriale de l’action publique 
(CTAP)(2). C’est un point positif : même si ce n’est pas une obligation, 
la notion de compétence jeunesse ne disparaîtra pas des écrans radars. 
On pourra s’en servir pour maintenir le travail partenarial mené depuis 
longtemps par les collectivités.

Par ailleurs – c’est la note d’optimisme –, dans le cadre du plan 
Priorité jeunesse, le dernier conseil interministériel de la jeunesse(3) 
a décidé de mettre l’accent sur l’information jeunesse, avec des outils 
nationaux et locaux. On croit beaucoup en cela. Les régions elles-mêmes 
avaient déjà avancé sur ce sujet.

Puisque le service public régional de l’orientation (SPRO) va être 
confié aux régions, notre objectif est d’élargir ce service à une 
information globale sur tous les outils à disposition des jeunes sur les 
territoires d’une région.

Entre ce service public d’orientation élargi et la possibilité de 
coordonner les politiques jeunesses dans le cadre des CTAP, on peut 
envisager de reprendre la main, sans perdre de vue les principes du 
partenariat, de la territorialité, de la transversalité.


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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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