[Infoligue] CIJ du 3 juillet 2015 : un comité qui a écouté les "coups de gueule"
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 6 Juil 09:28:05 CEST 2015
CIJ du 3 juillet 2015 : un comité qui a écouté les "coups de gueule"
Publié par : http://www.localtis.info
Le : lundi 6 juillet 2015
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Réuni le 3 juillet à Besançon, le troisième comité interministériel pour
la jeunesse a synthétisé une série de mesures pour la plupart déjà
lancées. La vraie nouveauté réside dans la volonté affirmée de
co-construction. Co-construire avec les jeunes eux-mêmes, sans craindre
d'essuyer leurs "coups de gueule". Co-construire aussi avec les
collectivités territoriales, au premier rang desquelles les conseils
régionaux. Sans pour autant faire des régions les chefs de file de la
coordination des politiques de jeunesse, comme l'avait récemment
recommandé le Cese.
Le troisième comité interministériel pour la jeunesse (CIJ) du
quinquennat de François Hollande s'est déroulé vendredi 3 juillet à
Besançon, sous la présidence de Manuel Valls qui était accompagné de
huit ministres et secrétaires d'Etat (*). Comme le veut désormais
l'exercice, il y a eu peu d'annonces mais une "mise en cohérence" des
mesures prises par le gouvernement ou en voie de mise en place sur ces
sujets. Elles ont d'abord été discutées à huis clos puis présentées
devant une centaine de jeunes réunis dans une salle de spectacle de
musiques actuelles.
Car c'est sur la forme que le gouvernement a innové, en s'appuyant sur
la démarche "d'écoute et de co-construction avec les jeunes" qu'il avait
initiée lors des cinq "Rendez-vous de la jeunesse" organisés entre avril
et juin à Nantes, Avignon, Creil, Saint-Max, Nancy et Saint-Denis (celui
de la Réunion). "Pendant plusieurs semaines, et à travers cinq
rendez-vous dans cinq régions, j'ai rencontré plus d'un millier de
jeunes. Ils ont pu, librement, pousser des coups de gueule, faire part
de leurs aspirations et de leurs exaspérations", rapporte Patrick
Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. Ces milliers
de jeunes auraient nourri la réflexion du CIJ avec 150 propositions et
"toutes les propositions recueillies lors des rencontres ont alimenté
les réflexions du comité interministériel pour la jeunesse", assure
Matignon qui y a vu deux demandes principales : être informés des droits
et des dispositifs qui les concernent.
Une "boussole des droits"
De fait, parmi les mesures mises en avant, figure la mise en place d'une
"boussole des droits", sorte de "webservice offrant une information
personnalisée, des fonctions d'orientation et d'accompagnement adaptées
à chaque jeune", sur les thèmes du logement, de la santé et de l'emploi.
Il s'agissait, selon le gouvernement, d'une demande forte des
associations de jeunesse.
Par ailleurs, dès la rentrée 2015, un portail de la vie étudiante
(accessible depuis etudiant.gouv.fr) visant à simplifier les démarches
administratives sera mis en ligne. Une carte d'étudiant européenne pour
faire valoir ses droits dans les pays de l'Union européenne et la
possibilité de faire une année de césure dans le parcours universitaire
sont aussi annoncées, sans date de mise en œuvre.
La prime d'activité est également confirmée. Pôle emploi et le réseau
des missions locales sont missionnés pour augmenter le nombre de jeunes
créateurs d'entreprise et de jeunes candidats à la reprise. L'objectif
d'envoyer 70.000 jeunes en service civique dès 2015 est également
confirmé ainsi que la création de la réserve citoyenne déjà lancée par
Najat Vallaud-Belkacem.
Démocratie participative, démocratie représentative
Question vie associative, la mobilisation de 50 millions d'euros
supplémentaires est toujours d'actualité pour "conforter les
associations de proximité, d'éducation populaire et de sport". De même
que le soutien à la création de "fabriques d'initiatives citoyennes"
déjà annoncées lors du comité interministériel à l'égalité et à la
citoyenneté du 6 mars dernier (voir notre article ci-contre du 10 mars),
qui doivent s'articuler avec les conseils citoyens des contrats de
ville, lesquels peinent déjà à se mettre en place.
Le million d'euros annoncé pour la création de médias de proximité est
également confirmé.
Après la démocratie participative, la démocratie représentative : le CIJ
annonce la mise en place dans les universités, lors des semaines
d'inscription des étudiants en septembre 2015, de bureaux d'inscription
"délocalisés" assortis d'une campagne de sensibilisation des jeunes à
l'intérêt d'aller voter. Pour les jeunes devenant majeurs entre deux
tours de scrutins, il leur sera désormais possible de voter au second
tour. Enfin, les jeunes pourront s'inscrire en cours d'année sur les
listes électorales. Et cela, car le gouvernement est persuadé que "une
partie de l'abstention des jeunes et des étudiants s'explique par leur
mobilité : n'étant pas souvent inscrits sur les listes électorales de la
ville où ils étudient, la démarche du vote peut s'avérer complexe".
"Sécurisation locative" pour les étudiants et les jeunes actifs
En matière de logement, le gouvernement annonce le dispositif
d'encadrement des loyers à Paris pour le 1er août 2015 (alors qu'il a
supprimé cette obligation - pourtant inscrite dans la loi Alur - pour
toutes les autres grandes agglomérations).
Il se félicite également de "développer des dispositions de sécurisation
locative" pour les étudiants et pour les jeunes actifs. Le dispositif
CLE permet aux étudiants de bénéficier d'une garantie de l'Etat et
d'être dispensés du paiement de caution (soit à peu de choses près la
garantie universelle des loyers prévue par la loi Alur et elle aussi
abandonnée par Manuel Valls). Pour les jeunes actifs, la caution
solidaire "Visale", financée par Action Logement, verrait le jour début
2016 (voir notre article ci-contre du 28 novembre 2014).
Le CIJ exige par ailleurs que les bailleurs sociaux fassent un effort de
construction de petits logements et confirment le projet de rénovation
énergétique de Foyers de jeunes travailleurs (FJT) et de résidences
sociales jeunes.
Gouvernance régionale : éloge du PAJ
En annexe du CIJ, le rapport 2014 pour la "Priorité Jeunesse" du
gouvernement consacre un long chapitre aux plans territoriaux. Car pour
le gouvernement, "le pilotage du plan pour la jeunesse en région doit
s'appuyer sur une large mobilisation des acteurs de la jeunesse afin de
garantir la concertation et la co-construction de l'action publique".
Le rapport débute par un véritable éloge des plans d'action pour la
jeunesse (PAJ) en région, pilotés par l'Etat et lancés en 2013. Ils
seraient "des leviers importants pour rendre plus lisible l'action de
l'Etat". Ils seraient même devenus, en deux ans, de véritables "outils
de pilotage de l'action publique territoriale" réellement "inscrits dans
des dynamiques de gouvernance partagée" avec les collectivités
territoriales, les associations et les jeunes.
Selon le rapport, avec le PAJ, "une politique coordonnée et
intersectorielle est ainsi en train de se construire au sein des
territoires, prenant en compte l'ensemble des champs intéressant la
jeunesse (emploi, logement, éducation, santé, loisirs, culture, sports...).
Il observe qu'entre 2013 et 2014, toutes les régions ont élaboré un PAJ
"comprenant pour une part la déclinaison de mesures issues du plan
Priorité Jeunesse national (une moyenne de 20 mesures nationales sont
reprises) et pour l'autre des actions issues des travaux conduits au
niveau local sur la base des diagnostics et priorités définis en région".
Le mérite en reviendrait aux directions régionales de la jeunesse, des
sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) désignées comme service
coordonnateur du PAJ.
Renforcer le partenariat avec les collectivités
Le rapport 2014 est formel : "La consolidation et la valorisation de ce
travail interministériel est l'une des composantes essentielles de la
construction d'une politique territoriale de la jeunesse renouvelée."
Pour autant, le rapport recommande que le partenariat avec les
collectivités soit "renforcé", en citant moults exemples qui tendraient
à montrer que l'on est sur la bonne voie. Par "collectivités", il entend
d'abord le conseil régional, mais observe avec satisfaction que sont
déjà mobilisés "certains conseils départementaux et plus rarement des
EPCI ou des communes".
Il valorise les collectivités "pilotes ou copilotes d'actions aux côtés
des services de l'Etat". Le conseil régional de Haute-Normandie est
ainsi "pilote" de l'action "réduire le taux de rupture des contrats
d'apprentissage", "partenaire associé" de l'action visant à "diversifier
et accroître la mobilité internationale des jeunes" et "interlocuteur
essentiel" de la Dreal sur l'amélioration des conditions d'hébergement
des jeunes en alternance. Celui du Languedoc-Roussillon est "le pilote"
du chantier relatif au service public de l'orientation et "participe" à
des actions relatives au service civique et aux écoles de la deuxième
chance ainsi qu'aux chantiers de jeunes bénévoles.
La région chef de file ? Il n'en est pas encore question…
"Les démarches de collaboration sont ainsi entamées à peu près dans
toutes les régions et sont parfois formalisées par des engagements
réciproques", se félicite encore le rapport. Il cite le fait que, en
Paca, le préfet de région, le président de région et les recteurs des
académies d'Aix-Marseille et de Nice, ont signé en janvier 2014 un
"pacte pour les jeunes" comprenant 10 chantiers prioritaires et des
engagements sur trois enjeux : "offrir à tous les jeunes un parcours
vers la qualification et l'emploi", : "faciliter l'accès à l'autonomie
dans toutes ses dimensions", "promouvoir la citoyenneté, l'engagement et
la mobilité internationale".
Il montre son intérêt pour la mise en place d'une plateforme jeunesse
Etat/région en région Centre, suite à un "travail de convergence" entre
le plan Priorité Jeunesse de l'Etat et le PAJ de la région. Il semble
regretter que "les conseils départementaux soient encore peu impliqués
dans la démarche".
Le Conseil économique social et environnemental (Cese), recommandait,
quant à lui, dans un avis émis en mars dernier, de faire de la région
"le chef de file de la coordination des politiques de jeunesse". Sans se
prononcer sur cette suggestion, Patrick Kanner avait alors souhaité,
partout en France, en milieu rural, dans les quartiers de la politique
de la ville et en outre-mer, "une gouvernance élargie entre
collectivités, associations et jeunes eux-mêmes" (voir notre article du
27 mars 2015).
Des forums pour "asseoir le dialogue avec les jeunes"
Le rapport non plus n'a pas oublié les associations, ni les "jeunes
eux-mêmes". Car la "gouvernance partagée", c'est aussi avec les acteurs
associatifs. Il cite quelques exemples (en Auvergne, Bourgogne,
Basse-Normandie, Alsace), mais reconnaît que ce n'est qu'un début.
Quant à la participation directe des jeunes, le rapport se félicite des
multiples "assises" ou "forums" organisés au niveau local en vue
"d'asseoir le dialogue avec les jeunes". Il est persuadé que la
participation des jeunes à l'action publique est amenée à se développer
dans les mois à venir "à la faveur des diverses démarches comme les
conseils de citoyens dans les quartiers de la politique de la ville ou
encore les expérimentations qui se mettront en place suite à l'appel à
projets du Fonds d'expérimentation pour la jeunesse (FEJ) "organisations
de jeunes dirigées par les jeunes". A ce propos, il n'hésite pas à
parler d'"empowerment" et de "pouvoir d'agir des jeunes".
Le rapport ne dit pas, en revanche, comment gérer les plus ou moins
sympathiques "coups de gueule" d'une jeunesse spontanée et choyée, pour
rebondir sur de la co-construction réellement constructive.
Valérie Liquet avec AFP
(*) Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Education nationale, François
Rebsamen, ministre du Travail, Sylvia Pinel, ministre du Logement,
Christiane Taubira, garde des Sceaux et ministre de la Justice, Fleur
Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, Patrick Kanner,
ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Laurence Rossignol,
secrétaire d'Etat chargée de la famille, de l'enfance, des personnes
âgées et de l'autonomie, et Myriam El Khomri, secrétaire d'Etat chargée
de la politique de la ville.
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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