[Infoligue] Les salariés associatifs, entre engagement et précariat

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 6 Juil 09:43:42 CEST 2015


Les salariés associatifs, entre engagement et précariat

Publié par : LE MONDE ECONOMIE
Le : 05.07.2015
Par Catherine Quignon

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L’affaire a sévèrement écorné l’image du secteur associatif. Début juin, 
le dévoilement d’un rapport choc de l’inspection du travail concernant 
les salariés de la Croix-Rouge française révélait que plus de 3  000 
infractions à la législation sur le temps de travail avaient été 
commises en 2014 au siège parisien de l’établissement. Les salariés se 
voyaient régulièrement effectuer des journées marathon de plus de dix 
heures, avec des durées de travail hebdomadaires dépassant régulièrement 
les 48 heures.

Ces révélations ont fait boule de neige : à leur tour, les salariés de 
dix établissements de la Croix-Rouge en Midi-Pyrénées ont fait grève le 
25 juin pour dénoncer leurs conditions de travail. « On doit travailler 
la nuit et le week-end, sans compter les heures supplémentaires, le tout 
pour le smic, pointe Joël Saint-Viteux, le délégué du personnel des 
établissements concernés. On a obtenu 0,01 % d’augmentation en deux ans, 
contre 7 % pour les plus gros salaires. Nous sommes du sous-prolétariat, 
une variable d’ajustement pour la direction. »

Ce n’est pas la première fois que de tels conflits ébranlent le milieu 
associatif. En 2010, les salariés d’Emmaüs s’étaient déjà mis en grève 
pour dénoncer leurs conditions de travail. « La Croix-Rouge n’est pas un 
cas isolé, confirme Matthieu Hély, sociologue spécialiste du travail 
associatif. Dans leur ensemble, les salariés du secteur associatif 
évoluent dans des conditions plus difficiles que dans le privé. »

« Se sacrifier par générosité »

Salaire a minima, horaires à rallonges… Une dure réalité qui semble la 
norme au sein des associations, tous secteurs et tailles confondus. 
Selon une enquête menée par le réseau Recherches & Solidarités publiée 
début 2015, le salaire moyen annuel d’un salarié du secteur associatif 
s’établit à environ 20 000 euros. Soit 5 000 euros de moins par an que 
la moyenne des Français. Alors qu’il représente un emploi privé sur dix, 
les contrats précaires pullulent dans ce secteur : la part d’embauche en 
CDI n’était que de 4 % en 2013, indique Recherches & Solidarités.

Sans surprise, cette précarité finit même par user les salariés les plus 
engagés. « On s’entend dire que nous devons accepter de nous sacrifier 
par générosité », fustige Guillaume Ferré, délégué syndical au sein 
d’Espoir 35, une association d’une vingtaine de salariés qui accompagne 
des personnes en situation de handicap psychique. Malgré l’attachement à 
son métier, le responsable exprime une « réelle fatigue » face à la 
dégradation de ses conditions de travail. En 2014, les salariés de 
l’association se sont mis en grève après s’être vu supprimer dix-huit 
jours de congés sans concertation avec la direction. « Il est désormais 
question d’augmenter le nombre d’accompagnés par salarié, explique-t-il. 
On se retrouve à devoir accélérer les rendez-vous, sans tenir compte des 
besoins des personnes. On vient quantifier ce qui est difficilement 
quantifiable lorsqu’il s’agit d’accompagner l’humain.  »

A ses yeux, le problème vient du décalage entre les souhaits des 
instances dirigeantes et les contraintes de terrain : «  Les relations 
avec le conseil administratif peuvent être assez compliquées, 
estime-t-il. Ses membres ont des ambitions pas toujours réalisables.  »

Dans les associations, c’est généralement le conseil d’administration 
bénévole qui possède les pouvoirs disciplinaires de l’employeur. Ses 
membres se retrouvent à gérer des salariés, presque à leur corps 
défendant. « Dans les petites structures, les employeurs sont peu formés 
au management et à la gestion, souligne Frédéric Amiel, secrétaire 
général du syndicat Asso. L’encadrement des salariés est rarement 
formalisé. Cette situation peut générer des conflits quand les tâches de 
chacun sont mal définies, notamment lorsque se côtoient salariés et 
bénévoles. »

Les contraintes économiques sont également source de tensions au sein 
des associations, petites et grandes. Ainsi 15 % des responsables 
associatifs interrogés se disaient dans une position financière très 
difficile, contre 10 % un an avant, dans l’enquête menée par Recherches 
& Solidarités. En cause : une mauvaise gestion, mais aussi une baisse de 
moyens.

Comme des entreprises

« Nos financements sont fixés par l’Etat, rappelle Alain Vancapernolle, 
président du conseil de surveillance des établissements méditerranéens 
de lutte contre l’exclusion de la Croix-Rouge. Nous sommes dans un 
contexte financier contraint, qui nous impose d’optimiser notre 
organisation. »

A l’instar de la Croix-Rouge, les associations sont de plus en plus 
appelées à se gérer comme des entreprises, avec des indicateurs de 
performance et des objectifs chiffrés à la clé. « La baisse des 
dotations aux collectivités locales se répercute sur les associations, 
souligne M. Amiel. Il leur est demandé de toujours faire plus avec 
moins. Cette situation pèse d’abord sur les salariés. »

Dans les organisations à but non lucratif, ces contraintes de 
rentabilité sont encore plus mal acceptées lorsque s’ajoute le sentiment 
d’être dans une grande structure déshumanisée, loin des valeurs 
recherchées. « Alors que les associations sont de plus en plus amenées à 
compenser l’affaiblissement de la fonction publique, ces conflits 
salariaux posent la question de la place du travail non marchand dans 
notre société », conclut M. Hély.

     Catherine Quignon


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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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