[Infoligue] Faut-il développer un service civique obligatoire pour les jeunes ?

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 5 Mar 09:33:59 CET 2015


Faut-il développer un service civique obligatoire pour les jeunes ?

Entretiens croisés réalisés par 
Dany Stive
Publié par : 
http://www.humanite.fr/faut-il-developper-un-service-civique-obligatoire-pour-les-jeunes-566275
Le : Vendredi, 20 Février, 2015


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Face-à-face avec Nadia Bellaoui, secrétaire nationale 
de la Ligue de 
l’enseignement, présidente 
du Mouvement associatif et Fabienne 
Ferrerons, secrétaire nationale 
aux relations extérieures 
de la 
Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC).

Emplois précaires déguisés, outil d’insertion, risque de substitution 
d’emplois… Peut-on résumer ainsi les effets de l’actuel service civique ?

Pour la JOC, l’idée initiale de valoriser l’engagement des jeunes reste 
très pertinente. Malheureusement, de nombreux jeunes ont fait les frais 
de dérives du service civique actuel. La JOC ne considère pas que 
l’indemnité actuelle (573 euros) permette aux jeunes de vivre un 
engagement sans voir leur situation se précariser. Avec une indemnité 
qui les place bien en dessous du seuil de pauvreté, les seuls jeunes qui 
peuvent vivre une mission de service civique sont ceux qui peuvent 
s’appuyer sur des personnes ressources, ce qui en exclut beaucoup. En 
écoutant les témoignages de jeunes en service civique, il nous semble 
que le contrôle des organisations recevant un agrément et des missions 
proposées devrait être renforcé afin d’éviter la création d’emplois 
déguisés sous-payés. Cette dérive est notable dans le domaine 
associatif, et elle s’explique par des financements en baisse constante. 
Les jeunes du milieu ouvrier évoluent dans un contexte de chômage de 
masse (45 % de chômage des jeunes dans les zones urbaines sensibles, 
selon le rapport 2013 de l’Observatoire des zones urbaines sensibles), 
et ils sont de plus en plus contraints à accepter une mission de service 
civique qu’ils voient comme une ­expérience professionnelle sous-payée 
spécialement créée pour eux. Dans ce contexte, la JOC souhaite que 
chaque jeune bénéficie d’un ­accompagnement vers l’emploi afin que leur 
mission constitue un réel tremplin pour leur insertion professionnelle. 
De même, chaque jeune en service civique doit pouvoir suivre une 
formation poussée lui permettant de s’impliquer dans sa mission et de 
s’épanouir.

Parmi les jeunes engagés, certains vous diront qu’ils font un service 
civique parce qu’ils n’ont pas trouvé de job. Personne ne conteste cette 
réalité. Mais il ne faut pas confondre le symptôme et la cause ; il ne 
s’agit pas là des effets du service civique mais bien du contexte dans 
lequel il se développe. Dans ces circonstances, les acteurs du service 
civique doivent redoubler d’efforts pour préserver sa singularité. La 
loi pose un certain nombre de garde-fous : accueillir des jeunes en 
service civique nécessite un agrément à renouveler tous les deux ans ; 
une mission de service civique ne peut remplacer un emploi supprimé 
(pour des motifs économiques) ; les volontaires ne peuvent être comptés, 
comme des salariés, dans les taux d’encadrement légaux prévus pour un 
certain nombre d’activités… Mais je considère qu’il est de la 
responsabilité des associations, qui accueillent plus de 80 % des jeunes 
en service civique, de faire mieux. C’est dans cet esprit que les 
principales associations qui accueillent des volontaires ont créé, avec 
des experts de l’évaluation, une association indépendante, le Comité du 
service civique associatif (www.service-civique-associatif.fr), qui 
fonde son action autour d’une charte déontologique. Une évaluation 
statue, tous les deux ans, sur le respect de la charte par la délivrance 
ou le maintien de ce label qualité. De telles démarches devraient, à mon 
avis, progressivement concerner tous les organismes d’accueil.

Le service civique obligatoire peut-il être le creuset républicain d’un 
peuple ?

Nadia Bellaoui Qui peut croire que le service ­civique, aussi pertinent 
soit-il, puisse être, à lui seul, le creuset de notre République ? 
Pourquoi faudrait-il que l’une des décisions les plus épanouissantes 
qu’un jeune puisse prendre, celle de se consacrer aux autres pendant 
quelques mois, soit transformée en une obligation de plus qui incombe à 
une génération déjà oppressée ? À mon sens, une société qui n’est pas 
capable d’offrir un emploi à tous ses jeunes ne peut pas les contraindre 
à accomplir un service civique. Des élites qui ne sont pas exemplaires 
ne sont pas crédibles pour enjoindre la masse au civisme. Ce qui est 
sûr, c’est qu’une société qui s’engage est une société qui va mieux et 
le service civique peut en devenir, progressivement, le point de passage 
obligé. Encore faut-il qu’il reste une véritable expérience 
d’engagement, qu’il favorise le don de soi qui me paraît indissociable. 
Sa forme actuelle relève ce défi. Le « juste milieu » recherché entre 
les besoins de la mission et les envies des volontaires, 
l’accompagnement individuel qui permet de « mettre de soi-même » dans la 
mission tout en respectant un cadre qui sécurise, les rencontres 
organisées avec d’autres jeunes qui font prendre conscience qu’on n’est 
pas tout seul et pas si différent… En ce sens, un service civique 
universel pourrait contribuer à renouveler le creuset républicain, lui 
donner une nouvelle jeunesse !

Fabienne Ferrerons Un service civique obligatoire pourrait permettre à 
tous les jeunes de pouvoir vivre cet engagement, avec une réelle mixité 
sociale. Dans le contexte sociétal actuel où les jeunes témoignent d’un 
manque de transmission de valeurs collectives et se sentent rejetés 
(emploi, politique…), cela permettrait à tous les jeunes de vivre un 
engagement collectif et d’avoir le sentiment d’être utiles pour la 
société. Mais ces objectifs ne pourraient être atteints que s’ils 
étaient poussés par une réelle volonté politique avec des moyens et un 
encadrement suffisants. Associer l’engagement à une obligation pose 
cependant question sur le sens qui lui est donné. Il pourrait être 
considéré comme un cadeau fait aux jeunes, alors que l’engagement des 
jeunes en service civique est avant tout un service qu’ils rendent à la 
société. On ne peut pas non plus considérer le service civique comme un 
moyen de les obliger à une solidarité et à un engagement quand la 
société ne se montre ni solidaire, ni engagée pour améliorer leurs 
propres conditions de vie.

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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