[Infoligue] Alexandre Jardin, une volonté de faire
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 27 Mar 14:05:49 CET 2015
Alexandre Jardin, une volonté de faire
Publié par :
http://www.terraeco.net/Alexandre-Jardin-une-volonte-de,59095.html
Le : 26/03/15
****************
Le romancier laisse l’écriture de côté pour un moment. Il veut désormais
se frotter au réel, agir pour la France, avec son mouvement Bleu Blanc
Zèbre.
Il arrive en retard. S’excuse d’un sourire fatigué : « J’ai 58 vies ! »
Ouvre la porte d’une maisonnette du XVIIe arrondissement, son studio de
travail blanc et impersonnel. Tire vers nous son modeste bureau de bois
peint, sur lequel sont nés ses livres. S’assied, sérieux, presque
sévère. Pas le temps de sortir un carnet, il embraye : « Je sors un
nouveau livre intitulé Laissez-nous faire (Robert Laffont, avril 2015).
C’est ce que les commerçants disaient déjà à Colbert (contrôleur général
des finances sous Louis XIV, ndlr). » Il est chez lui, il prend les
rênes. Le recadrer poliment ? Il s’agit de faire son portrait, pas sa
promo. Mais, puisqu’il ne cesse d’exhorter ses semblables à « sortir du
cadre », oublions le nôtre et laissons-le faire.
Alexandre Jardin ne nous aura au final que très peu parlé de lui. Il l’a
déjà tant fait à travers ses écrits : l’amour qu’il porte à Pascal
Jardin, son père croqueur de femmes mort trop jeune ; le dégoût que lui
inspirent les agissements de Jean Jardin, son grand-père directeur du
cabinet de Pierre Laval sous Vichy ; la fascination pour sa grand-mère,
acharnée à jouir ; l’admiration pour de Gaulle, Sacha Guitry et
Casanova. L’écrivain à succès est passé à autre chose. Maintenant qu’il
a « lâché les peurs » en se débarrassant par la prose de son honteux
héritage – Des gens très bien (Grasset, 2011) – ce père de cinq enfants
peut dire, presque timidement : « Ça y est, je suis devenu moi. Et je me
préfère à avant. » Bien sûr, il inventera toujours des histoires
d’amour, « trop besoin ». Mais l’auteur entame un nouveau chapitre du
roman de sa vie, qui va l’éloigner un temps – au moins jusqu’à la fin de
l’année 2017 – de ce petit cocon protecteur où il reçoit. Alexandre
Jardin renaît donc, à presque 50 ans, en homme politique. « Un homme du
politique et non de la politique », tient-il à préciser. La politique,
celle des partis, est « constituée par le marché de la promesse,
complètement carbonisé ». Le politique, « c’est le marché de l’action.
Nous n’allons rien promettre, nous allons faire et n’embarquer avec nous
que ceux qui passent à l’acte ». Ce « nous » agissant désigne la tribu
des « faizeux » qu’il a constituée autour de son « do tank » (l’inverse
d’un think tank) : le mouvement Bleu Blanc Zèbre (BBZ), fondé après les
élections européennes de 2014. « Quand on a su que le Front national
(FN) allait arriver en tête, j’ai observé la réaction des partis
républicains. Et j’ai compris, horrifié, que leur logiciel resterait
intact. » Le temps était venu de remplir la promesse « d’agir pour la
France » faite, à 15 ans, à son père mourant.
« Fabriquer un peuple providentiel »
A ce jour, une centaine de mouvements citoyens, d’entrepreneurs et
d’associations ont déjà rejoint BBZ. « Mon rôle est de marier la carpe
et le lapin, les compétences et les légitimités, explique-t-il. De faire
se rencontrer le Medef (Mouvement des entreprises de France, syndicat
patronal, ndlr), les écolos faizeux, la Ligue de l’enseignement… pour
trouver comment, ensemble, sortir la France du guêpier. » On y trouve
pêle-mêle Véronique Debue, adjointe au maire d’une commune du Vaucluse
qui a lancé la première mutuelle collective ; des notaires qui se
rendent chaque mois dans des quartiers populaires afin d’y proposer des
conseils gratuits ; des entrepreneurs de l’économie sociale et solidaire
; l’association Lire et faire lire, fondée par l’écrivain en 1999 et qui
compte 15 000 bénévoles retraités, etc. « On est en train de fabriquer
un peuple providentiel, un peuple d’adultes qui se prennent en main »,
s’emballe-t-il. On croit déceler un accent populiste ? L’amoureux du
verbe trouve la parade : « Le populisme, c’est mentir dans ses
promesses, c’est une aigreur, une vindicte. La troupe des zèbres, c’est
l’altruisme et la joie de faire ensemble. »
« Alexandre a une capacité à emmener les gens mais il faut le canaliser
», reconnaît Guillaume Bapst, son ami depuis trois ans, avec qui il a
cofondé BBZ. Le directeur de l’Association nationale de développement
des épiceries solidaires se souvient qu’« au début, Alexandre disait
qu’on ne pouvait faire confiance à aucun élu. Or, dire cela, c’était
prendre le risque de renforcer le FN, alors même que la lutte contre ce
parti est le moteur de notre action. » Pour Jean-Paul Enthoven, son
éditeur chez Grasset, son « très cher Alexandre » a un problème : « Il
croit que l’accumulation de petits prodiges locaux peut changer le
monde. En cela, le sens de la politique, qui part du général pour
éventuellement s’illustrer dans le détail, lui échappe. J’espère qu’il
se recentrera très vite sur les livres. »
« Alliances avec la société »
Ce n’est pas à son programme. L’écrivain préfère écouter les conseils de
Guillaume Bapst qui « lui répète sans cesse qu’il est nécessaire de
structurer BBZ ». Les membres doivent désormais démontrer l’utilité et
la reproductibilité de leur action, intégrée dans des boîtes à outils
thématiques (logement, accès à l’emploi, éducation, etc.) dans
lesquelles les maires, « les seuls élus qui ont vraiment du pouvoir et
qui sont proches des gens, à portée de baffe », sont invités à picorer.
Dans l’optique de la présidentielle de 2017, BBZ va tâcher d’obtenir des
partis républicains – « et donc pas du FN », précise Jardin – qu’ils
signent des contrats de mission. Par ces « alliances avec la société »,
le futur chef de l’Etat s’engagera à « laisser faire les faizeux ». «
L’objectif de BBZ est ainsi d’arracher 30 ou 40 sujets à la gestion des
énarques », poursuit Alexandre Jardin. Une démarche à l’inverse de celle
de Nicolas Hulot et son Pacte écologique lancé en 2006 : « Lui a dit
‘‘signez et faites-le’’, ce qui était une erreur tactique car ces gens
sont incapables de faire. Nous, nous disons : ‘‘Signez et laissez-nous
faire’’. » A défaut d’obtenir l’engagement des principaux partis, BBZ
désignera son candidat à la présidence de la République, « moi ou un
autre », précise le romancier. S’il se représente mal « dans la fonction
de leader charismatique », Alexandre Jardin ne craint pas les coups. «
J’ai commencé à publier à 21 ans. Je suis habitué aux moments de
lynchage public. Ça blesse l’ego mais on n’en meurt pas », dit-il dans
une cascade de rires. « Ce rire m’angoisse, admet Jean-Paul Enthoven.
C’est un drap d’allégresse sur sa profonde gravité. Alexandre a quelque
chose à expier : il veut réparer la France que son grand-père a abîmée.
Cette songerie dévore toute son énergie. Il est drogué à l’espérance et
à l’enthousiasme, deux drogues terribles, car il risque d’aller de
déception en déception. » « Est-ce que j’ai le choix ? », balaie
Alexandre Jardin. Et il se remet à rire.
Alexandre Jardin en dates
- 1965 Naissance à Paris
- 1980 Mort de son père, Pascal Jardin
- 1985 Publie Bille en tête, couronné du prix du Premier roman l’année
suivante
- 2011 Publie Des gens très bien (Grasset)
- 2014 Cofonde le mouvement Bleu Blanc Zèbre
--
-----------------------
Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
-----------------------
Nos sites :
http://www.laligue-alpesdusud.org
http://www.laligue-alpesdusud.org/associatifs_leblog
-----------------------
Plus d'informations sur la liste de diffusion Infoligue