[Infoligue] « La numérisation facteur d’exclusion pour ceux qui cumulent précarité sociale et numérique »

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 7 Avr 14:21:08 CEST 2016


« La numérisation facteur d’exclusion pour ceux qui cumulent précarité 
sociale et numérique »

Publié par : LE MONDE ECONOMIE
Le : 07.04.2016


Ce texte est signé par un regroupement inédit d’une vingtaine de 
structures et personnalités, associations de solidarité, entreprises et 
entrepreneurs du Web: Gilles Babinet (entrepreneur du numérique), 
Catherine Barbaroux (Association pour le droit à l’initiative 
économique/Adie), Anne Charpy (Voisin Malin, Familles Rurales), Patrick 
Ferraris (Capgemini Consulting France), Fondation SFR, Louis Gallois 
(Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion 
sociale/FNARS), Marie-Thérèse Geffroy (Agence nationale de lutte contre 
l’illettrisme/Anlci), Google France, Thierry Kuhn (Emmaüs France), Le 
Groupe La Poste, Bernard Le Masson (Fondation Accenture), Philippe 
Lemoine (Fondation Internet nouvelle génération/Fing et de Debout), 
Mounir Mahjoubi (Conseil national du numérique), Guy Mamou-Mani (Syntec 
numérique), Olivier Mathiot (PriceMinister), Benoit Menard (Union 
nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés panitaires et 
sociaux/Uniopss), Kevin Polizzi (Jaguar Network), Secours catholique, 
Stéphane Soto (Aix-Marseille French Tech), François Soulage (Collectif 
Alerte), Benoît Thieulin (Agence d’innovation La Netscouade), Léa 
Thomassin et Ismaël Le Mouël (HelloAsso et Social Good Week), Patrick 
Weil (Bibliothèques sans frontières).


****************

La loi a introduit, dès 2016, et jusqu’en 2019, une généralisation 
graduelle de la déclaration de revenus en ligne. Cette année, les 
contribuables qui ont perçu plus de 40 000 euros de revenus imposables 
en 2014 doivent obligatoirement effectuer leur déclaration sur Internet. 
Quelques exceptions demeurent.

Collectif

Inscription à Pôle emploi depuis mars, prime d’activité lancée par la 
Caisse nationale d’allocation familiale depuis janvier, déclaration de 
revenus au mois de mai… Avec la dématérialisation totale de nombreux 
services publics essentiels, la République numérique se modernise.

Mais elle prend le risque de se construire sur un terrain inégalitaire. 
Car ces services 100 % en ligne, qui s’installent sans vraiment 
s’annoncer, font vaciller le pacte républicain pour tous ceux qui sont 
éloignés d’Internet. Nous, acteurs de la solidarité, entreprises 
privées, entrepreneurs du Web, réunis pour la première fois, faisons un 
seul et même constat : plus que jamais, l’autonomie numérique (ou 
littératie numérique) de tous devient une condition nécessaire de notre 
cohésion sociale. Chacun le devine, sans en mesurer l’importance.

Des perspectives uniques de modernisation

Nous en sommes convaincus, le numérique offre des perspectives uniques 
de modernisation de l’Etat. Cependant, si pour nombre d’entre nous la 
dématérialisation des services les plus essentiels facilite le 
quotidien, tous les Français ne sont pas encore armés pour affronter ces 
nouveaux usages.

Pour les plus de cinq millions de citoyens qui cumulent précarité 
sociale et numérique, la numérisation représente un facteur d’exclusion 
supplémentaire : une double peine pour des mères célibataires devenues 
subitement dépendantes des compétences numériques de leurs enfants, pour 
des personnes âgées isolées, pour des travailleurs peu qualifiés et des 
jeunes en recherche d’emploi.

Certains citoyens, en situation d’illettrisme par exemple, auront 
d’ailleurs toujours recours au guichet. Soulignons que la précarité 
numérique est protéiforme : difficultés d’accès liées à la bancarisation 
des personnes et au coût des équipements, méconnaissance des 
opportunités qu’Internet peut offrir, démotivation ou défiance face à un 
clavier… sont autant de freins à l’inclusion numérique – et donc sociale 
– des plus fragiles.

Agréger nos forces

Parce qu’en 2016 la dématérialisation des services publics fait 
d’Internet un passage obligé pour accéder à ses droits et à sa 
citoyenneté, ces publics en difficulté affluent déjà vers les guichets 
d’aide sociale. Ils viennent chercher de l’aide pour s’inscrire aux 
services de la protection sociale ou pour actualiser leurs droits. Les 
effectifs étant insuffisants pour traiter ces demandes croissantes 
d’accompagnement, ils sont redirigés vers les associations de solidarité 
et auprès des professionnels de l’accompagnement social.

Une étude conduite en 2015 par Emmaüs Connect montre que l’action 
sociale subit de plein fouet la dématérialisation totale de services de 
première nécessité : 75 % des professionnels interrogés par 
l’association sont contraints à faire les démarches « à la place de » la 
personne qu’ils accompagnent. Pourtant, seuls 10 % d’entre eux déclarent 
être formés pour accomplir cette tâche. Les acteurs de la solidarité 
signalent que les équipes de bénévoles sont confrontées aux mêmes 
demandes, et au même manque de cadre et de solutions pour y répondre 
sereinement.

Pourtant, pour accompagner ces publics fragilisés par la 
dématérialisation, il existe de nombreuses initiatives publiques et 
associatives, portées par les acteurs de la solidarité ou de la 
médiation numérique. Ils sont, malgré leur engagement indéfectible, 
atomisés sur les territoires et dépendants de financements insuffisants.

Au final, leurs réponses sont sans commune mesure avec la masse des 
personnes concernées par la précarité numérique et donc potentiellement 
en rupture de droits.

Convaincus que le numérique peut-être à la fois vecteur d’égalité des 
chances et source de développement économique, les signataires de cette 
tribune, saisis par l’urgence, souhaitent s’unir autour d’une grande 
initiative citoyenne qui vise à mettre l’action sociale, les médiateurs 
numériques, les acteurs publics, les opérateurs de la protection 
sociale, le secteur privé et même chaque citoyen en capacité 
d’accompagner les plus fragiles vers l’autonomie numérique. Pour 
moderniser, sans exclure.

Outil indispensable d’éducation

Partout où l’enjeu est soulevé, chacun perçoit la profondeur du sujet : 
comment expliquer alors l’absence d’un plan national qui prendrait la 
mesure de l’urgence, et l’absence de ligne budgétaire associée ? Un plan 
« Usages » qui viendrait compléter le plan Très Haut Débit – 20 
milliards d’euros d’ici à 2020 – et qui, au même titre que ce dernier, 
représenterait un véritable investissement, à la fois réaliste et 
salutaire, pour l’avenir.

Conscients de nos responsabilités, nous, signataires, nous engageons à 
nous organiser en formant des réseaux d’accompagnement au numérique sur 
le territoire. Ces réseaux sont déjà en partie existants : ce sont les 
nôtres, il faut les outiller, les démultiplier et les animer. C’est pour 
cette raison que nous plaçons une partie de nos espoirs dans le 
développement de ressources pédagogiques et de parcours de formation en 
ligne, gratuits et collaboratifs, autour desquels nous pourrons agréger 
nos forces et nos ressources.

Cette plate-forme Web pour le développement de la littératie numérique 
permettrait également à une communauté de citoyens, moins formelle mais 
néanmoins massive et solidaire, d’aider un ami, un parent, un voisin. 
Nous n’inventons rien, nous nous inspirons directement du succès de pays 
qui, de l’Australie à la Scandinavie en passant par le Royaume-Uni, ont 
investi dans cet outil indispensable d’éducation au numérique pour 
accompagner les publics fragiles à grande échelle. Un défi que nous 
relèverons collectivement, car nous avons tout et tous à y gagner.

-- 

-----------------------
Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
-----------------------
Nos sites :
http://www.laligue-alpesdusud.org
http://www.laligue-alpesdusud.org/associatifs_leblog
-----------------------





Plus d'informations sur la liste de diffusion Infoligue