[Infoligue] Réforme territoriale : le mouvement sportif sur la ligne de départ
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 2 Fév 09:30:30 CET 2016
Réforme territoriale : le mouvement sportif sur la ligne de départ
Publié par : http://www.localtis.info
Le : mardi 2 février 2016
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La réforme territoriale oblige les fédérations sportives françaises à
revoir leur organisation déconcentrée. Si ce nouveau cadre constitue
pour beaucoup une opportunité pour mettre en oeuvre une nouvelle
gouvernance, voire une nouvelle stratégie, les défis à relever ne
manquent pas : équilibre entre les territoires, implications fiscales
dues aux actifs immobiliers, gestion délicate des ressources humaines,
etc. Le match est lancé et le coup de sifflet final sera donné dans deux
ans.
Le lien fort existant en France entre l'Etat et le mouvement sportif,
qui se traduit – outre les subventions et mises à disposition de
personnel formalisées par des conventions d'objectifs – par une
délégation de service public accordée aux fédérations sportives par le
ministère des Sports, entraîne actuellement un bouleversement de
l'organisation des fédérations. La réforme de l'administration
territoriale de l'Etat liée à la constitution des grandes régions (loi
du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions) leur est en
effet applicable dès 2016 et doit être finalisée au plus tard le 31
décembre 2017.
La décision de calquer l'organisation des fédérations sportives sur
celle de l'Etat découle de l'annexe I-5 de l'article R131-11 du Code du
sport : "La fédération peut constituer […] des organismes régionaux ou
départementaux […] dont le ressort territorial ne peut être autre que
celui des services déconcentrés du ministère chargé des sports que sous
réserve de justifications et en l'absence d'opposition motivée du
ministre chargé des sports."
Dans la réalité, cette obligation n'était jusqu'à présent pas respectée
par plusieurs fédérations. Des comités départementaux pouvaient, ici,
s'asseoir sur des territoires relevant de deux départements différents,
là, correspondre à la moitié seulement d'un département. Encore
ailleurs, une région voyait deux ligues différentes la représenter. En
rappelant aux fédérations leur obligation en matière d'organisation
territoriale, le ministère des Sports entend faire correspondre les
ressorts des ligues sportives régionales aux contours des nouvelles
régions, mais aussi éviter toute singularité en la matière.
Une opportunité pour les fédérations
Cette obligation, Joël Delplanque, président de la Fédération française
de handball (FFHB), la comprend, même s'il tient à en anticiper des
dérives : "Il faut que les nouveaux exécutifs régionaux aient des
interlocuteurs. Mais dans certaines collectivités territoriales, le
grand danger est de perdre pied avec le terrain et la proximité."
Globalement, cette réforme est vue comme une opportunité. Jean-Michel
Brun, secrétaire général du Comité national olympique et sportif
français (CNOSF) plaide dans ce sens auprès des 96 fédérations que son
organisation accompagne depuis six mois : "J'ai mis en place une
plateforme de mutualisation et un vade-mecum d'aide à la décision autour
de six thèmes. Le premier concerne le projet fédéral. Quand le
législateur impose de revoir sa gouvernance, c'est une opportunité : n'y
a-t-il pas de nouvelles synergies à trouver, de nouveaux modes de
développement ? pourquoi ne pas faire évoluer les statuts pour être plus
efficients ?" Joël Delplanque abonde dans ce sens : "Cela va être
l'occasion de revisiter les missions des uns et des autres, de mettre en
place la meilleure stratégie." Même discours du côté de Jean-Lou Charon,
président de la Fédération française de golf (FFG) : "C'est une
opportunité pour moderniser nos statuts et nos organes déconcentrés.
Nous avons un peu ignoré la communication digitale. Dans le cadre de
cette réforme, nous devons favoriser la mise en place de moyens de
communication nouveaux."
Enjeux territoriaux et humains
Les obstacles, pourtant ne vont pas manquer. Les premiers sont
matériels. Partout où les fédérations possèdent des biens immobiliers,
des questions vont se poser. En attirant l'attention des fédérations
mais aussi des pouvoirs publics sur l'aspect juridique et fiscal – par
exemple en faisant prendre au gouvernement un décret définissant le
niveau à partir duquel les apports d'actifs doivent être visés par un
commissaire aux apports dans un cadre associatif –, Jean-Michel Brun
s'est rendu compte que certains n'étaient pas au point : "Je suis tombé
sur une ligue qui occupait des locaux en vertu d'un bail précaire datant
de… 1992. Or, passé le délai de 24 mois, on n'est plus dans la précarité
mais dans un bail commercial. Pour quitter les lieux, cette ligue devra
donc respecter un préavis qu'elle n'avait pas anticipé." A la FFG, en
revanche, une solution originale a été trouvée en ce qui concerne
l'immobilier : "Nous gardons les locaux que nous possédons dans les
nouvelles capitales régionales, et nous conservons un bureau dans les
anciennes ligues de façon à bénéficier de lieux de réunion", explique
Jean-Lou Charon.
Autre volet à régler : le personnel. Dans des organisations où le lien
interpersonnel est souvent plus fort que dans une entreprise ou une
association lambda – de nombreux salariés étant d'anciens sportifs issus
des clubs locaux – "la gestion humaine reste le noyau dur du
dispositif", selon Jean-Michel Brun. Dans un entretien accordé au
Télégramme le 20 novembre 2015, Noël Le Graët, président de la
Fédération française de football (FFF), le reconnaissait : "Le problème,
ce sont surtout les neuf ligues qui doivent être supprimées (passage de
22 à 13). Facile sur le papier mais pas facile humainement."
Enfin, le dernier nœud de difficulté relève de l'équilibre des forces...
"Il peut y avoir des oppositions de culture, décrypte Jean-Lou Charon.
Dans le Grand Est, la Lorraine a une grande ligue de golf, tant en
superficie qu'en nombre de clubs, l'Alsace est plus petite mais
dynamique, et Champagne-Ardenne, plus pauvre en termes de nombre de
clubs et de pratiquants. La crainte pour cette dernière est d'être noyée
dans une masse où elle ne trouverait plus de place pour ses licenciés.
Le but est donc que les plus forts tirent les autres vers le haut." Dans
la même région, la Fédération française de billard se retrouve dans une
situation similaire, avec un déséquilibre des moyens engagés par les
composantes de la nouvelle région. Sollicité, Jean-Michel Brun y est
allé de son conseil : "La ligue d'Alsace apporte 200.000 euros, contre
100.000 à la Lorraine et 80.000 pour Champagne-Ardenne. Etant donné que
les collectivités alsaciennes ont subventionné plus que les autres, j'ai
suggéré que les formations aient lieu en Alsace afin que l'économie
locale récupère une quote-part."
L'organisation sportive non impactée... en principe
En revanche, l'aspect sportif n'est pas concerné par la réforme. "Dans
la gestion sportive fédérale, il existe une marge de manœuvre, par
exemple pour laisser un centre de formation performant dans un ancien
chef-lieu de région", souligne Jean-Michel Brun. Ainsi, le golf devrait
mettre en avant des économies en termes de temps et de coûts de
déplacements pour garder les anciens formats compétitifs, quitte à
instaurer, en fin de saison, une finale au niveau de la nouvelle grande
région. Quant à la FFHB, elle envisage de ne rien toucher à son système
de formation. "Nous avons un pôle par région en matière de
renouvellement de notre élite. Nous venons d'être champions du monde en
cadets et en juniors. Ce système fonctionne, on ne peut pas trouver
mieux. Il faut le préserver", avance Joël Delplanque. En revanche, la
Fédération française de cyclisme (FFC) envisage de mettre en place dès
2017 un championnat en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes. "Mais on
autorisera peut-être des sélections interdépartementales ou des phases
qualificatives selon la taille des nouvelles régions de façon à ne pas
écarter trop de licenciés", confie Christophe Lavergne, directeur
juridique de la FFC.
Enfin, les fédérations ont encore toute latitude pour identifier en leur
sein des commission ou entités correspondant à des zones territoriales
différentes du nouveau découpage territorial. Là encore, le cyclisme
envisage les choses avec pragmatisme : "On recherche une certaine
homogénéité, mais il faut écouter le terrain et laisser une marge de
manœuvre aux nouvelles régions. Le siège de la nouvelle ligue pourra
donc avoir des antennes pour garder la proximité avec les clubs", ajoute
Christophe Lavergne. Toutefois, de telles entités ne pourront ni
prétendre à une reconnaissance institutionnelle ni recevoir de
subventions du CNDS (Centre national pour le développement du sport).
Jean Damien Lesay
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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