[Infoligue] Note d’analyse / Evolutions des associations gestionnaires

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 12 Jan 09:43:42 CET 2016


Note d’analyse / Evolutions des associations gestionnaires

Auteur : Jean Bastide
Publié par : 
http://www.fonda.asso.fr/Note-d-analyse-Evolutions-des-1418.html
Le : 08/01/16

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Ce document fait suite à la publication de la note "Evolutions des 
associations non gestionnaires" que vous pouvez consulter en cliquant 
ici : http://www.fonda.asso.fr/Note-d-analyse-Evolutions-des.html



Evolutions des associations gestionnaires

La loi de 1901 a créé un espace de liberté largement ouvert à toute 
sortes d’initiatives, elle irrigue tous les secteurs de la vie sociale 
et n’implique ni partage de valeurs, ni pratiques identiques pour mettre 
en œuvre une extrême diversité de projets. C’est ce qu’Henry Noguès 
appelle la « biodiversité associative », élément structurel qu’il faut 
accepter. Face à cette diversité, différentes typologies des 
associations ont été réalisées. Certes, au regard des tendances qui 
traversent la société, elles ne sont pas à égalité, que ce soit pour 
profiter d’opportunités ou pour faire face à de nouvelles contraintes. 
Cette remarque sur la diversité ne saurait cependant interdire la 
distinction que l’on doit opérer entre la majorité des associations qui 
n’ont pas d’activité de production régulière de service – que nous 
appelons « associations d’expression » (83,6 %) – dont le modèle 
économique repose essentiellement sur le bénévolat, sur les dons privés 
ou publics sous forme de subvention en nature ou en espèces, et les « 
associations gestionnaires  », très minoritaires (16,4 %), mais dont le 
budget est à hauteur de 58 % du budget total des associations (1) et 
dont le modèle économique est plus complexe notamment pour faire face à 
une concurrence qui se développe de plus en plus. Nous sommes conscients 
que la frontière entre les deux catégories doit rester poreuse dans la 
mesure notamment où certaines associations d’expression peuvent avoir 
recours à du personnel salarié sans pour autant avoir à subir d’une 
manière aussi forte les pressions économiques qui s’exercent 
particulièrement sur les associations gestionnaires.

Associations gestionnaires et réalité économique

C’est à la fois sous la pression de besoins non pris en compte, et 
souvent sur incitation des pouvoirs publics que les secteurs social, 
médico-social, éducation, formation et insertion, tourisme ont connu un 
fort développement, le plus souvent pour mettre en œuvre des politiques 
publiques.

Selon Viviane Tchernonog c’est la fonction « employeur » qui demeure le 
critère prédominant ; ses recherches démontrent que le budget moyen des 
associations employeuses (gestionnaires) est 34 fois supérieur à celui 
des associations sans salarié (la majorité des associations 
d’expression). De ce fait les logiques d’action et les modes 
d’organisation des deux catégories d’associations ont des différences 
majeures. En terme d’emplois salariés, 86 % des associations ne 
fonctionnent qu’avec des bénévoles et seulement 14 % (2) recourent à 
l’emploi salarié.

Les principales évolutions constatées

1 - La domination de l’idéologie libérale

Si la raréfaction des ressources publiques touche l’ensemble des 
associations, c’est le modèle économique des associations gestionnaires 
qui se trouve le plus bouleversé. Depuis deux décennies on assiste à une 
domination progressive de l’idéologie libérale (après les années 
Thatcher et Reagan), la réflexion sur des modèles alternatifs demeurant 
très modeste, l’action publique emprunte de plus en plus la voie de la 
gestion quasi-marchande avec accentuation de la privatisation de 
services publics. Ces mutations entraînent les associations de gestion 
dans une dynamique de marchandisation caractérisée par la prolifération 
des appels d’offre et la tarification à l’activité dans un contexte de 
mise en concurrence généralisée. Les domaines « réservés » au monde 
associatif disparaissent rapidement, les politiques de « solvabilisation 
» des personnes ont abouti à une diversification de l’offre de service 
où le privé non lucratif est confronté de plus en plus au privé 
lucratif. A terme, un autre effet de la généralisation des appels 
d’offre, c’est le déplacement de l’initiative qui bascule 
progressivement de l’association à la puissance publique. C’est aussi ce 
qui peut constituer, si les associations sont essentiellement 
préoccupées par la recherche de l’équilibre économique, un frein à une 
de leurs principales caractéristiques : l’innovation sociale et sociétale.

2 – Des mutations sociétales

Dans une société de plus en plus gangrénée par le chômage de masse et de 
longue durée qui touche toutes les catégories sociales, où la 
représentation démocratique est en crise, et les corps intermédiaires en 
perte de crédibilité, l’engagement bénévole ou militant change de nature 
: de longue durée il devient plus ponctuel et changeant. Si le « 
bénévolat direct » (sans intermédiaire) accuse une croissance, le 
bénévolat « institué » a tendance à décroître. Est lointain le temps où 
professionnels (appelés permanents) et bénévoles étaient issus du même 
milieu ; l’ampleur des projets et leur poids économique a donné 
naissance à une technostructure très exigeante en matière de guidance 
politique. Ces phénomènes contribuent à déstabiliser de nombreuses 
associations gestionnaires qui souffrent plus que d’autres d’une 
difficulté à renouveler leurs dirigeants administrateurs dont beaucoup 
craignent de ne pas être en capacité d’assumer leur fonction. La plus 
grande mobilité des individus (géographique, emploi …) contribue à 
accentuer ce phénomène qui conduit parfois à des faillites (difficulté à 
changer de modèle). Sans oublier que le même phénomène peut aussi créer 
un climat propice à des regroupements associatifs (fusions, 
absorptions…) aboutissant à des « entreprises » associatives de grande 
taille (3) . Ce qui n’est pas toujours favorable au développement d’une 
dynamique associative car cela suppose, en amont, une réflexion 
approfondie – ce qui est rarement le cas – sur les conséquences de ces 
transformations en matière de ressources humaines, ainsi que 
l’instauration d’une nouvelle gouvernance.

3 – Gouvernance et associations gestionnaires

Disponibilité. La crise profonde du renouvellement des dirigeants 
associatifs constatée depuis plusieurs années concerne au premier chef 
les associations gestionnaires. Celles-ci, plus que les autres 
impliquent des contraintes de durée d’engagement qui favorisent 
l’implication de retraités – risque de gérontocratie - au détriment des 
actifs peu disponibles.
Contraintes de gestion. Gérer une association gestionnaire est souvent 
aussi complexe si ce n’est plus que celle d’une entreprise vue la 
multiplication des sources de financement et la complexité de certaines 
voies pour y parvenir (financements européens…).
Fonction managériale. Ces exigences aboutissent souvent à l’omniprésence 
de la fonction technicienne, au détriment de la fonction et de la 
responsabilité politique, celle des administrateurs.

Disponibilité, contraintes de gestion, fonction managériale non 
maitrisée peuvent rapidement aboutir à l’oubli du projet associatif et à 
la banalisation de la structure.

Une autre difficulté guette l’association gestionnaire : si le bénévolat 
concerne au premier chef les dirigeants administrateurs, il peut aussi 
concerner les services ou les activités de l’association. Si la 
fidélisation de ces « bénévoles d’activité » dépend de la qualité de 
l’accueil et du rôle qui leur est attribué, l’association doit veiller à 
ce que le bénévole ne prenne pas la place d’un salarié. Il s’agit aussi 
d’une question managériale qui implique une distinction très nette des 
fonctions pour éviter la confusion et favoriser la complémentarité.

4 – Autonomie

Le risque d’instrumentalisation des associations gestionnaires croît 
avec la non prise en compte du projet associatif dans le cadre de la 
commande publique. A titre d’exemple, on fera ici référence à une 
proposition de loi d’un sénateur qui stipulait que si contribution 
financière des pouvoirs publics il devait y avoir, celle-ci devait aller 
exclusivement à l’activité ou au service proposés, mais en aucun cas au 
projet associatif qu’ils n’avaient pas à connaître ! La relation qui 
s’installe est alors celle d’un donneur d’ordre à un sous-traitant. Si à 
cette pratique s’ajoute la concurrence des associations entre elles et 
avec le secteur marchand, l’autonomie de l’association n’est au mieux 
qu’une affaire de marge. Mais c’est précisément sur cette marge, si 
étroite soit-elle, que repose la capacité ou non des dirigeants à 
fournir une offre différente, imprégnée des valeurs annoncées dans le 
projet. Encore faut-il que le projet associatif n’ait pas été victime 
des contraintes économiques et d’un enterrement précoce.

Hypothèses pour l’avenir à 10 ans ?

Sur la base de ces principaux constats quelles sont les évolutions 
possibles pour les associations gestionnaires ?

1 - La régression

Le tournant de la marchandisation a été pris, aucun retour en arrière 
n’est possible, l’économie plurielle se disloque car les interventions 
régulatrices des pouvoirs publics se font de plus en plus rares. Les 
associations, par nature financièrement fragiles (interdiction de faire 
des excédents (4) ), n’ont plus les moyens de résister à la pression des 
marchés et les conseils d’administration constitués sur la base de 
valeurs ne sont pas familiers, et encore moins préparés, à affronter une 
logique de concurrence dont ils perçoivent les effets pervers. Ils 
envisagent désormais de passer le relais. Les plus lucides – pour ne pas 
dire responsables – n’attendent pas la limite du dépôt de bilan pour 
accepter de fusionner avec des associations de secteurs plus solides au 
plan économique, ou se tourner vers des entreprises d’économie sociale 
et solidaire ; pour d’autres on assiste à des reprises d’activité par 
des collectivités territoriales ou le plus souvent par des organismes 
lucratifs.

2 - Les associations s’adaptent

La marchandisation se poursuit, la concurrence est toujours aussi sévère 
et la commande publique ne fait pas de distinction entre les différents 
statuts d’entreprises. Les conseils d’administration, sous l’impulsion 
de professionnels aguerris aux méthodes de gestion modernes, réagissent 
et ne baissent pas les bras. On n’est plus au temps pas si lointains 
(années 1980) d’une gestion associative amateure ; désormais en matière 
de gestion une association n’a rien à envier à la gestion d’une 
entreprise. L’adaptation à cette situation est rendue possible par la 
convergence de deux phénomènes : le recrutement de professionnels de 
haut niveau de formation ayant suivi des cursus très diversifiés, et des 
employeurs souvent issus des mêmes milieux et de catégories sociales 
élevées. Des partenariats se développent notamment avec des fondations 
d’entreprises encouragées par des avantages fiscaux sur la base 
gagnant/gagnant. Les rapports s’intensifient avec les autres familles de 
l’ESS, ce qui ouvre des perspectives nouvelles en matière de gestion de 
trésorerie. La compétence des dirigeants les conduit à absorber de 
nombreuses associations de gestion en difficulté, ce qui aboutit à des 
entreprises associatives de grande envergure.
La culture gestionnaire a fortement progressé, est-ce au détriment de la 
fonction tribunitienne qui devient seconde ?

Ces deux derniers scenarii sont ceux de la disparition de nombreuses 
associations gestionnaires, mais aussi de la consolidation par 
absorption de certaines qui sont désormais de véritables entreprises où 
les « spécificités associatives » sont sensiblement atténuées.

3 – Les associations innovent… les regroupements

Marché et concurrence sont toujours les moteurs principaux de l’activité 
économique, mais les pouvoirs publics interviennent pour maintenir une 
diversité d’acteurs et éviter ainsi l’institution d’une société de 
marché. Les associations acceptent la modernisation de leurs méthodes 
(vers l’uniformisation ?) ; elles évoluent dans une économie plurielle 
de concurrence, et constatent que les ressources publiques mises à leur 
disposition se réduisent. Si leur mode de gestion implique rigueur, 
transparence, elles s’appuient sur une implication accrue de toutes les 
parties prenantes. L’innovation institutionnelle gagne du terrain au 
sein de groupements constitués dans un même secteur d’activités 
(économie d’échelle, partage…), jusqu’à la constitution plus structurée 
de Groupements d’économie solidaire qui, tout en respectant la 
personnalité et l’identité de chaque structure, favorisent de larges 
mutualisations et organisent le partage des souverainetés. Ces 
groupements contribuent fortement à accroître les compétences 
collectives des associations, d’où des capacités de négociation qui leur 
permettent de rivaliser avec les entreprises classiques. Ces groupements 
favorisent aussi les alliances au sein de l’ESS où les associations 
gestionnaires sont de plus en plus reconnues. La relative souplesse de 
l’organisation associative, et la facilité avec laquelle une association 
peut être créée sont des atouts pour l’innovation et l’expérimentation 
rendues possibles par le partenariat qu’elles entretiennent avec les 
fondations d’entreprises, notamment les entreprises de l’ESS.

De nombreux jeunes professionnels à la recherche d’activités ou de 
services faisant « sens » sont attirés par ce type d’organisation qui 
leur offre des opportunités d’engagements professionnels.

Dans cette hypothèse, la dynamique associative est présente, 
l’association gestionnaire garde sa spécificité et son développement se 
poursuit dans une société, certes dominée par le marché, mais qui fait 
droit à la diversité économique soutenue par les pouvoirs publics et 
souhaitée par la population.

Conclusion

La troisième hypothèse apparaît comme la plus vraisemblable mais il ne 
faut pas négliger les éléments majeurs soulignés au sein des deux autres 
qui seront à l’œuvre, notamment la disparition de nombreuses petites 
associations gestionnaires, la croissance des absorptions et le 
développement d’une technostructure associative. La « famille 
associative », constituée par les associations d’expression et les 
associations gestionnaires ne peut que gagner de la reconnaissance 
mutuelle de ces deux composantes. S’il ne s’agit pas de les confondre, 
car elles ont des caractéristiques propres, chacune d’elles peut être 
porteuse de sens, de réalité collective et d’engagement solidaire.

décembre 2015

(1) Viviane Tchernonog, Le paysage associatif français, ed. 
Juris/Dalloz, 2013, p31.
(2) Id. p. 28, sur les 14 % seulement 2 % recourent à un emploi 
occasionnel ou exceptionnel
(3) Viviane Tchernonog, op. cit,. p. 148
(4) Aujourd’hui cette interdiction est officiellement levée mais les 
habitudes ont la vie dure.

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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