[Infoligue] Instaurer la confiance entre collectivités territoriales et associations

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 20 Oct 17:26:38 CEST 2016


Instaurer la confiance entre collectivités territoriales et associations

Publié par : LE MONDE
Le : 18.10.2016

Par :

* Hugues Sibille est président de la Fondation Crédit coopératif, du 
think tank Le Labo de l’économie sociale et solidaire, et président 
d’honneur de l’Avise.
* Viviane Tchernonog est chercheuse au Centre d’économie de la Sorbonne 
(CNRS, université Paris-I).

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Depuis le désengagement de l’Etat, les collectivités locales ont pris le 
relais du financement du monde associatif. Ces nouveaux partenaires 
doivent apprendre à travailler ensemble.

La tectonique des plaques susceptible de rapprocher le continent des 
associations et celui des collectivités locales a plusieurs causes. La 
première poussée vient du désengagement financier de l’Etat, tombé à 11 
% des financements associatifs. Les collectivités locales ont répondu 
présent pour prendre le relais en augmentant leur participation à 
hauteur de 27 %. L’Etat ne pèse plus que le tiers des collectivités 
locales ! De même la décentralisation continue des compétences depuis 
les années 1980 a poussé à un rapprochement, certes questionné de 
nouveau aujourd’hui par le regroupement des régions et la loi portant 
sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

Plus que ces raisons budgétaires ou ins­titutionnelles, c’est un 
mouvement de fond, l’émergence d’écosystèmes territoriaux agissant pour 
une économie de proximité face à la mondialisation, pour la 
­coconstruction de nouvelles solidarités, pour l’invention de 
citoyennetés actives, qui accentue l’enjeu du partenariat entre 
associations et collectivités locales. Face aux crises, le territoire 
devient un labo­ratoire d’innovations ­sociales et citoyennes, au sein 
duquel cette ­alliance doit jouer un rôle ­majeur pour reformuler 
l’intérêt général.

Les collectivités locales ont besoin des associations : elles 
représentent la totalité des accueils d’urgence pour personnes en 
­détresse, les trois quarts de l’hébergement médico-social privé, la 
moitié des crèches, la ­totalité des activités périscolaires. Quelque 
3,5 millions de bénévoles encadrent 17 millions de sportifs et 450 000 
associations de loisirs ou de culture quadrillent le territoire.

Au-delà de ces chiffres, l’association 1901 reste qualitativement 
l’acteur le plus proche des populations pour ­repérer des besoins ou 
mettre en œuvre des politiques publiques. Qui peut, entre autres, 
accompagner la réforme des rythmes scolaires, lutter contre la fracture 
numérique, accueillir les migrants, agir contre la radicalisation, 
­répondre à la dépendance ou prévenir le diabète ? Les associations !

L’argent, le nerf de la guerre

Hélas, si associations et collectivités locales ont besoin les unes des 
autres, cela ne signifie pas qu’elles sont « partenaires de confiance ». 
Le ­baromètre 2014 de La Gazette des communes sur le sujet montrait que 
24 % des collectivités estimaient que les relations avec les 
associations étaient plus difficiles qu’auparavant. Autre ­signe : les 
réticences des élus locaux à signer la nouvelle Charte d’engagements 
réciproques avec l’Etat et le mouvement associatif en février 2014, et 
le peu d’engouement des collectivités pour la décliner localement. 
Seules quelques dizaines de chartes ont été signées. C’est peu.

La cause de ces difficultés : l’argent, nerf de la guerre. Les 
collectivités locales représentent 28 milliards d’euros du total du 
budget associatif estimé à 104 milliards par l’Insee. Mais ces chiffres 
colossaux ne disent rien de l’essentiel : le passage du système de la 
subvention à celui de la commande publique avec mise en concurrence. 
Aujourd’hui, plus de la moitié des financements passent par des 
commandes publiques ou des appels d’offres.

Ce mouvement a plusieurs ­motifs, parmi lesquels la pression des ­règles 
européennes concernant la concurrence et l’insécurité juridique du 
recours à la subvention, avec des risques de requalification, voire des 
risques pénaux pour les fonctionnaires. Mais aussi une volonté de gérer 
« au moins ­disant » dans un contexte de difficultés budgétaires 
croissantes pour les collectivités. Et, pourquoi ne pas le dire, leur 
souci d’avoir une visibilité plus grande au niveau local. Les 
associations vivent mal ce passage massif à la commande ­publique (qui 
exclut d’ailleurs les petites et moyennes), estimant que cette 
systématisation conduit à une baisse de la qualité du service, une 
précarisation des personnels et une incapacité à être force de 
proposition et d’innovation.

Pour promouvoir un cadre juridique plus favorable au partenariat, l’Etat 
a pris des initiatives à travers trois véhicules juridiques : charte, 
loi et circulaire. La Charte d’engagements réciproques entre l’Etat, le 
monde associatif et les collectivités territoriales proposée en février 
2014, s’inspirant de celle signée lors du Centenaire de la loi de 1901, 
eut le mérite d’élargir aux collectivités locales un engagement 
jusqu’ici réduit à l’Etat et aux associations. Elle spécifiait que « 
l’Etat et les collectivités territoriales reconnaissent la diversité, 
l’indépendance et la fonction d’interpel­lation du monde associatif. 
Leurs relations partena­riales doivent être fondées sur des ­conventions 
d’objectifs permettant la conduite de projets dans la durée ». C’est 
bien la convention, le partenariat et la durée qui sont mis en avant par 
une charte qui n’emporte aucun caractère contraignant pour les 
collectivités.

Sécuriser les collectivités

En revanche, l’article 59 de la loi relative à l’économie sociale et 
solidaire, dite « loi Hamon », de juillet 2014 a force législative et 
vise à sécuriser les collectivités qui veulent pratiquer la subvention 
en édictant que « (…) ces actions, projets ou activités sont initiés, 
définis et mis en œuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires. 
Ces contributions ne peuvent constituer la rémunération de prestations 
individualisées répondant aux besoins des autorités ou organismes qui 
les ­accordent ».

La distinction entre marché public et subvention est claire et met fin à 
l’insécurité juridique des collectivités. Une circulaire du premier 
ministre de septembre 2015 (dite circulaire Valls) complète le 
dispositif, en abrogeant la circulaire Fillon précédente, et en 
transformant en principes d’action les orientations de la charte.

Ce cadre charte-circulaire-loi est cohérent. ­Règle-t-il pour autant les 
problèmes ? Non, pour deux raisons. La première tient à la difficulté 
des finances publiques territoriales. Sécuriser juridiquement la 
subvention ne remplit pas les caisses des collectivités. Le récent 
conflit entre l’Etat et les départements à propos du revenu de 
solidarité active (RSA) en témoigne. De nombreux départements risquent 
la cessation de paiement et la sécurisation de la subvention ne 
sécurisera pas le modèle économique des associations.

La seconde tient à la nouvelle organisation territoriale, peu simple à 
gérer pour les associations. Le renforcement par la loi NOTRe des 
niveaux « métropoles » et « régions » correspond mal à l’ancrage 
territorial et aux habitudes des associations. Les départements étaient 
d’ailleurs devenus le premier financeur des associations. Qu’en 
adviendra-t-il ? Si les associations ont échappé à la suppression de la 
clause de compétence générale pour de vastes secteurs les concernant 
­(culture, sport, tourisme, éducation populaire), la carte qui se 
dessine sera complexe pour les partenariats entre associations et 
collectivités.

Inventer de nouveaux outils

Dans cette transition délicate, que peuvent faire les associations ? 
Trois pistes méritent d’être explorées. La première réside dans 
l’instauration d’un état des lieux des financements et le renforcement 
de leur capacité de dialogue avec les collectivités territoriales, 
incluant le niveau intercommunal et régional. Les associations ont plus 
que jamais besoin d’accompagnement stratégique, tel que le leur 
apportent le dispositif local d’accompagnement (DLA), l’Association pour 
le développement de l’accompagnement à la stratégie et à l’innovation de 
l’intérêt général (Adasi), et leurs fédérations. Il faut mettre plus de 
cohérence dans cet accompagnement et en diversifier le modèle économique.

La deuxième ­consiste à élargir le partenariat entre association et 
collectivités locales à ce que certains appellent des communautés 
d’action et d’autres des alliances d’intérêt général. Dans ces 
communautés doivent notamment figurer ès qualités les ­citoyens et les 
milieux économiques. Les pôles territoriaux de coopération économique 
(PTCE) en sont une première illustration. Il faut aller plus loin. 
Inventer de nouveaux outils comme les fondations territoriales.

Une troisième piste consiste à travailler conjointement pour passer, 
dans des cas précis, d’une dépense publique ­considérée comme une charge 
à un investissement avec retour dont on mesure l’impact. C’est à cette 
aune qu’il faut expérimenter les contrats à impact social (CIS) promus 
par le gouvernement. Il n’y aura pas d’innovation sociale sans 
­innovation financière et changement de logiciel.

Ces trois pistes peuvent, avec d’autres, contribuer à ce que les 
associations ne soient pas traitées comme de vulgaires prestataires 
soumis à la rationalisation budgétaire, mais deviennent aux côtés des 
collectivités et d’autres parties prenantes, des constructeurs de biens 
communs.



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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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