[Infoligue] Le mauvais procès fait aux contrats aidés

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 24 Aou 08:56:19 CEST 2017


Le mauvais procès fait aux contrats aidés

Publié par : 
https://www.alternatives-economiques.fr//mauvais-proces-aux-contrats-aides/00080033
Par : Laurent Jeanneau
Le : 23/08/2017

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Haro sur les contrats aidés. La ministre du Travail Muriel Pénicaud a 
ouvert les hostilités le 9 août dans l’hémicycle de l’Assemblée 
nationale, juste avant les vacances parlementaires. Sans s’embarrasser 
de nuances : « Les études de la Dares 1, de l’OCDE, comme celles de la 
Cour des comptes, montrent trois choses. Premièrement, les contrats 
aidés sont extrêmement coûteux pour la nation. Deuxièmement, ils ne sont 
pas efficaces dans la lutte contre le chômage. Troisièmement, ils ne 
sont pas un tremplin pour l’insertion professionnelle. » Fermez le ban !

Quelques jours plus tard, le Premier ministre Edouard Philippe est lui 
aussi monté au créneau : « Si les emplois aidés avaient été un 
instrument efficace de lutte durable contre le chômage, ça se serait vu 
», a-t-il déclaré le 18 août lors d’un déplacement dans le Gers. Selon 
des informations publiées par Les Echos et par Libération, le 
gouvernement veut limiter à 110 000 le nombre de contrats aidés qui 
seraient financés au second semestre 2017, une baisse de 40 % par 
rapport à l’enveloppe qui a été accordée en début d’année et une 
division par deux comparé à ce qui avait été consenti au second semestre 
2016. Plus aucun contrat ne serait financé dans le secteur marchand, 
c’est-à-dire à destination des entreprises. Dans le secteur non-marchand 
(l’Etat, les collectivités locales et les associations), les contrats 
restant seraient ciblés en priorité sur l’Education nationale, 
l’outre-mer et le secteur sanitaire et social.

Socialement utiles

Un tel tour de vis est un coup dur pour les associations et risque de 
fragiliser de nombreux services publics. Surtout, ce coup de frein aura 
des conséquences sociales potentiellement dramatiques pour les 
bénéficiaires de ces emplois subventionnés, qui essayent tant bien que 
mal de reprendre pied sur le marché du travail. Car les contrats aidés 
ont incontestablement une utilité. Bien sûr, ils ne sont pas exempts de 
tout défaut, mais les sources dont on dispose soulignent toutes leurs 
effets globalement positifs 2. Y compris les services de la ministre du 
Travail ! Dans une note confidentielle que nous avons pu consulter, 
l’administration dresse un bilan nettement plus nuancé des contrats 
aidés que les déclarations à l’emporte-pièce de sa patronne.

     C’est à la fin des années 1990 et au début des années 2000 que le 
nombre de contrats aidés a atteint des sommets

Les contrats aidés font partie de l’arsenal de la politique de l’emploi 
depuis plus de trente ans maintenant. Une telle longévité serait 
surprenante s’ils étaient vraiment inefficaces. Le premier dispositif de 
ce type a en effet été créé en 1984 par Laurent Fabius, sous l’acronyme 
TUC ou « travaux d’utilité collective », afin de lutter contre la montée 
du chômage des jeunes. Les TUC n’existent plus aujourd’hui, mais ils ont 
été remplacés par un florilège de contrats différents, créés aussi bien 
par des gouvernements de droite que de gauche, à mesure que la courbe du 
chômage prenait son envol.

Le recours aux contrats aidés a fortement chuté en 15 ans

C’est à la fin des années 1990 et au début des années 2000 que le nombre 
de contrats aidés a atteint des sommets, avec notamment les fameux « 
emplois jeunes » du gouvernement Jospin. Leur nombre a ensuite nettement 
diminué, en rythme avec la baisse du chômage. Après l’éclatement de la 
bulle Internet, en 2001, le chômage est reparti à la hausse, mais la 
droite n’a pas immédiatement relancé cet outil une fois au pouvoir. Il 
faut attendre 2005 et le plan de cohésion social de Jean-Louis Borloo 3, 
au moment où le taux de chômage atteint le seuil symbolique des 10 %.

  Qu’est-ce qui distingue un contrat aidé d’un emploi aidé ?

Il est difficile de s’y retrouver dans la jungle des contrats aidés. 
D’autant que c’est le paradis des acronymes : CES, CEC, CEV, CAE, 
CI-RMA, CUI-CIE, CUI-CAE, EA… Les pouvoirs publics font parfois preuve 
d’une imagination sans borne pour qualifier les dispositifs qu’ils 
inventent, sans que cela ne soit très explicite. De quoi parle-t-on au 
juste ? Une récente note de la Dares, un service d’études et de 
statistiques rattaché au ministère du Travail, propose une définition 
assez claire : un contrat aidé est un « contrat dérogatoire au droit 
commun, pour lequel l’employeur bénéficie d’aides, sous forme de 
subventions à l’embauche, d’exonérations de certaines cotisations 
sociales ou d’aides à la formation ; l’accès à ces contrats est réservé 
aux personnes rencontrant des difficultés particulières d’accès à 
l’emploi, et le volume de contrats est piloté par les pouvoirs publics 
». A ne pas confondre avec l’emploi aidé, une notion beaucoup plus 
large, qui englobe des exonérations de cotisations et autres avantages 
fiscaux moins ciblés, c’est-à-dire que toutes les embauches répondant 
aux critères de ces emplois aidés perçoivent les aides, sans qu’il y ait 
de pilotage politique du volume de ces aides. Ainsi, de nombreux 
dispositifs aidant les entreprises à embaucher des jeunes, comme le 
contrat de génération ou l’exonération de cotisation chômage pour 
l’embauche de jeunes en CDI, sont en réalité des emplois aidés, et non 
des contrats aidés. Même chose pour les contrats en alternance, parce 
qu’ils ne s’adressent pas à des publics en difficulté.

En 2007, le gouvernement de Nicolas Sarkozy commence par réduire 
fortement le nombre de contrats aidés, avec un discours très critique 
sur ce type de dispositif, qui rappelle les arguments aujourd’hui 
avancés par Edouard Philippe et Muriel Pénicaud. Mais l’éclatement de la 
crise et l’explosion du chômage l’obligeront à être pragmatique et à 
mettre de l’eau dans son vin. Les contrats aidés sont réhabilités. Très 
rapidement, ils retrouvent le niveau qu’ils avaient début 2007. En 2010, 
une réforme tente alors de simplifier les dispositifs issus de la loi 
Borloo 4

     La fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy se traduit par une baisse 
importante du nombre de contrats aidés, alors même que la courbe du 
chômage continue son ascension

Mais ce rebond ne dure pas. La fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy se 
traduit par une baisse importante du nombre de contrats aidés, alors 
même que la courbe du chômage continue son ascension. Ce n’est qu’en 
2012, à la faveur de l’alternance, que les contrats aidés seront 
remobilisés, avec la création des emplois d’avenir par François 
Hollande. Mais il n’y a pas pour autant d’explosion du nombre d’emplois 
aidés. Fin 2015, on retrouve tout au plus les niveaux enregistrés en 
2010 ou début 2007. Deux fois moins que ce qui prévalait au début des 
années 2000.

Un outil de lutte à court terme contre le chômage

Ce rapide historique – qui est loin d’être exhaustif 5 –, montre bien 
que les contrats aidés ne sont pas seulement mobilisés « à la veille 
d’élections présidentielles » de façon « opportune et politique », comme 
l’a indiqué Edouard Philippe le 18 août. C’est même plutôt l’inverse : 
leur nombre a baissé en 2016, mais aussi en 2011, en 2006, et même en 
2001. Bref, les années préélectorales n’ont jamais été de bons crus en 
termes de contrats aidés. Ils sont plus sûrement utilisés comme outil de 
lutte à court terme contre le chômage. Avec une certaine efficacité. 
D’abord parce qu’ils créent des emplois nets.

     En 2015, les 60 000 contrats aidés supplémentaires ont permis une 
création nette d’environ 21 000 emplois, explique la Dares
     Twitter

En 2015, les 60 000 contrats aidés supplémentaires ont ainsi permis une 
création nette d’environ 21 000 emplois, estime la Dares. Mais aussi 
parce qu’ils jouent un rôle contra-cyclique, comme disent les 
économistes, c’est-à-dire qu’en période de ralentissement économique, 
ils ont un effet positif sur l’activité. Et cela parce qu’ils permettent 
d’améliorer rapidement les conditions de vie de leurs bénéficiaires, en 
leur distribuant du pouvoir d’achat.

La direction générale de l’emploi et de la formation professionnelle 
(DGEFP) l’écrit noir sur blanc dans une note à destination de la 
nouvelle ministre du Travail qui n’a pas été rendue publique : « les 
contrats aidés sont un des outils les plus efficaces pour diminuer à 
court terme le chômage », peut-on lire dans ce document. C’est 
particulièrement frappant quand on croise la courbe du chômage avec 
celle du nombre de contrats aidés, comme dans le graphique ci-dessous.

Les contrats aidés, un outil efficace contre le chômage

Dans cette note interne, la DGEFP ne manque d’ailleurs pas d’avertir la 
ministre : « Une baisse du nombre de bénéficiaires de contrats aidés au 
second semestre 2017 au niveau des seuls renouvellements aurait des 
effets sur le chômage élevé : + 62 000 demandeurs d’emploi sur le second 
semestre. » Visiblement, le gouvernement souhaite aller encore plus 
loin. Au risque de casser la dynamique de baisse du chômage, qui reste 
très fragile.

Quels sont les principaux types de contrats aidés ?

Certains contrats aidés sont dédiés au secteur non marchand, 
c’est-à-dire qu’ils peuvent être utilisés par l’Etat, les collectivités 
locales ou les associations. C’est le cas des contrats uniques 
d’insertion – contrats d’accompagnement dans l’emploi (CUI- CAE), dont 
la durée peut varier de 6 mois à 2 ans, voire 5 ans pour les plus de 50 
ans. Les contrats uniques d’insertion – contrats d’initiative emploi 
(CUI- CIE), en revanche, sont destinés au secteur marchand. L’aide y est 
conditionnée à une embauche en CDI ou en CDD pour six mois minimum.

Les emplois d’avenir ont pour objectifs de proposer des solutions aux 
jeunes de 16 à 25 ans sans emploi peu ou pas qualifiés, de leur ouvrir 
l’accès à une qualification et à une insertion professionnelle durable. 
Ce sont prioritairement des emplois à temps complet conclus à durée 
indéterminée ou déterminée, pour 1 à 3 ans. Les emplois d’avenir peuvent 
être déclinés dans le secteur marchand et le secteur non marchand.

Le secteur de l’insertion par l’activité économique dispose par ailleurs 
de contrats spécifiques, mobilisables dans 4 types de structures : les 
associations intermédiaires, les ateliers et chantiers d’insertion, les 
entreprises d’insertion et les entreprises de travail temporaire 
d’insertion.

Tous les contrats aidés n’ont cependant pas le même impact. Ce sont en 
effet les contrats à destination de l’Etat, des collectivités locales ou 
des associations qui ont « l’effet emploi » le plus important.

     Dans le secteur non marchand, « financer un contrat aidé permet de 
créer un emploi supplémentaire », note la Dares

Dans le secteur non marchand, « financer un contrat aidé permet de créer 
un emploi supplémentaire », explique la Dares. En revanche, dans le 
secteur marchand, le bilan est moins reluisant : financer un emploi y 
crée moins d’un emploi, car une partie des recrutements en contrats 
aidés correspond en réalité à des « effets d’aubaine », l’employeur qui 
bénéficie de l’aide aurait embauché même en l’absence d’aide.

Un effet sur la file d’attente des chômeurs

Pour autant, ce n’est pas une raison pour enterrer trop vite les 
contrats aidés du secteur marchand, comme veut le faire le gouvernement. 
Car ces dispositifs ont d’autres objectifs que la création nette 
d’emploi. Ils visent avant tout à insérer professionnellement les 
personnes éloignées du marché du travail. L’aide financière octroyée (de 
20 à 36 % du Smic pour les CUI-CIE) permet de flécher l’emploi vers les 
personnes les moins bien loties sur le marché du travail (les jeunes, 
les seniors, les peu qualifiés, etc.). Ce qui permet de modifier la file 
d’attente du chômage. « Ces personnes, plus éloignées du marché du 
travail, moins productives à un moment donné, coûteraient trop cher à 
l’employeur et risqueraient alors d’entrer dans un processus d’exclusion 
durable du marché du travail », note la Dares. En subventionnant leur 
emploi, les contrats aidés permettent de « rééquilibrer » quelque peu le 
marché du travail en leur faveur. Cet « effet profil » est d’ailleurs 
plus important dans le secteur marchand.

Moins d’effets d’aubaine dans le secteur non marchand

Comme le souligne la DGEFP dans sa note interne, cet effort de ciblage 
sur les publics éloignés du marché du travail « est un objectif central 
pour éviter tout risque d’éviction et d’utilisation non efficiente des 
masses financières sous-jacentes au profit d’individus dont l’insertion 
professionnelle pourrait passer par des contrats de droit commun ». Or 
cet objectif « a été atteint » juge la DGEFP. En 2015, neuf nouveaux 
bénéficiaires d’un contrat unique d’insertion sur dix présentaient des 
difficultés particulières pour trouver un emploi. Une part qui a 
sensiblement augmenté ces dernières années, a en croire la DGEFP. Même 
constat pour les récents emplois d’avenir, qui ont bénéficié à 79 % à 
des jeunes peu ou pas diplômés.

     Les emplois d’avenir ont bénéficié à 79 % à des jeunes peu ou pas 
diplômés

Si à court terme les contrats aidés permettent de créer des emplois et 
de modifier la file d’attente du chômage, quels sont leurs effets à 
moyen terme ? Autrement dit, que deviennent les bénéficiaires de ces 
dispositifs ? Accèdent-ils à un emploi durable, ou retournent-ils 
grossir les rangs de Pôle emploi ? La réponse diffère selon le type de 
contrat. Le taux d’insertion dans l’emploi à moyen terme est nettement 
plus élevé pour les contrats aidés du secteur marchand que pour les 
contrats aidés du secteur non marchand. En 2014, six mois après la fin 
du contrat aidé, 67 % des personnes qui ont bénéficié d’un CUI-CIE 
étaient en emploi, contre 41 % pour les personnes sorties d’un CUI-CAE.

Une insertion dans l’emploi variable

Mais ces comparaisons sont trompeuses. « Ces taux d’insertion ne 
permettent cependant pas d’estimer et de comparer l’efficacité de ces 
dispositifs », avertit la Dares. Si les performances en terme 
d’insertion dans l’emploi des contrats aidés du secteur non marchand 
(les CUI-CAE) sont plus faibles, c’est parce que ces contrats 
s’adressent à un public nettement plus en difficulté que les contrats du 
secteur marchand (les CUI-CIE). La part des allocataires de minima 
sociaux est notamment plus élevée pour les CUI-CAE.

Un risque d’enfermement ?

Il existe néanmoins un risque d’« effet d’enfermement » pointé par la 
Dares pour les contrats aidés du secteur non marchand, même si les 
auteurs de l’étude soulignent que leurs résultats sont fragiles et 
mériteraient d’être davantage documentés. Ce risque d’enfermement peut 
pénaliser à long terme les bénéficiaires de contrats aidés et réduire 
leurs chances d’accéder à un emploi non aidé. Pourquoi ? Parce qu’il 
peut y avoir un décalage entre les postes proposés par ce type de 
contrat et les métiers sur lesquels les entreprises du secteur privé 
cherchent à recruter. A cela peut s’ajouter un signal négatif envoyé aux 
employeurs, qui peuvent stigmatiser les bénéficiaires de contrats aidés. 
Enfin, une personne en contrat aidé peut réduire son effort de recherche 
pendant la durée du contrat.

Ces écueils sont néanmoins atténués si cette personne a pu bénéficier 
d’une formation digne de ce nom pendant le dispositif. Or de ce point de 
vue, la qualité des contrats aidés du secteur non marchand s’améliore : 
la part des personnes en CUI-CAE déclarant avoir bénéficié d’une 
formation pendant son contrat est passée de 35 % en 2011 à 46 % en 2014. 
Mais ce sont surtout les récents emplois d’avenir qui ont changé la 
donne : plus de 90 % des jeunes en emploi d’avenir bénéficient 
d’engagement de formation.

     53 % des emplois d’avenir sont des contrats longs

Par ailleurs, pour que les formations proposées soient qualifiantes, il 
faut que la durée du contrat ne soit pas trop courte. Or depuis 2013, 
des efforts sont faits en ce sens : la durée moyenne des conventions de 
CUI-CAE est ainsi passée de 6 à 7 mois en 2012 à 10,7 mois en 2016. Là 
encore, les emplois d’avenir sont exemplaires, puisqu’ils ne peuvent pas 
être signés pour moins de 12 mois et que 53 % des emplois d’avenir sont 
des contrats longs (CDI ou CDD de trois ans). Enfin, un soin particulier 
est apporté à la qualité de l’accompagnement dans les emplois d’avenir.

     « Les emplois d’avenir sont la formule la plus aboutie des contrats 
aidés », juge la DGEFP dans une note interne non publique

Résultat : « Les emplois d’avenir sont la formule la plus aboutie des 
contrats aidés », juge la DGEFP dans sa note interne, avant d’ajouter : 
« Ils reposent sur le triptyque emploi-formation-accompagnement avec un 
niveau d’exigence sur chacun de ces volets jusque-là inédit pour les 
contrats aidés ». Dans ses recommandations à la ministre, la DGEFP 
propose même de transposer les caractéristiques des emplois d’avenir aux 
autres contrats aidés. Des préconisations qui sont tombées dans 
l’oreille d’un sourd, puisque contre toute logique, le gouvernement 
envisage au contraire de ne pas créer de nouveaux emplois d’avenir et se 
contente de renouveler les contrats en cours au second semestre 2017…

Le bilan positif des emplois d’avenir

Plus de 325 000 jeunes bénéficiaient d’un emploi d’avenir fin 2016. 53 % 
de ces emplois sont des contrats longs (CDI ou CDD de trois ans) et plus 
de la moitié des CDD sont renouvelés. Près de 80 % des bénéficiaires ne 
sont pas titulaires du baccalauréat, 40 % sont issus des zones 
prioritaires, ce qui correspond aux objectifs initiaux que le 
législateur s’était fixés. Trois quarts des jeunes auraient bénéficié 
d’une formation au cours de leur première année de contrat et une 
formation sur deux serait certifiante. Le taux d’insertion dans l’emploi 
(58 %) est meilleur que pour les CAE pour les emplois d’avenir du 
secteur non marchand qui ont duré trois ans. Pour les contrats plus 
courts, le taux d’insertion est comparable. Sauf que l’insertion après 
un emploi d’avenir se fait davantage vers un emploi non aidé.

Au vu de tous ces éléments, il est difficile de dire que « les contrats 
aidés ne sont pas un tremplin pour l’insertion professionnelle », comme 
l’a pourtant affirmé Muriel Pénicaud. Certains d’entre eux sont plus 
efficaces que d’autres. Mais si des efforts sont faits en termes de 
formation et d’accompagnement des salariés en insertion, ils ont des 
effets positifs indéniables.

     Les exonérations de cotisations sociales ou le CICE coûtent bien 
plus cher

Reste la question de leur coût. Sont-ils « extrêmement coûteux pour la 
nation » comme le juge la ministre ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? 
Selon le document de la DGEFP, la facture globale des contrats aidés 
prévue pour 2017 s’élève à 2,4 milliards d’euros. Ce qui est loin d’être 
négligeable. Mais ce n’est pas le poste le plus onéreux de la politique 
de l’emploi. Les exonérations de cotisations sociales coûtent bien plus 
cher : 36 milliards d’euros en 2016. De même que le crédit impôt 
compétitivité emploi (CICE) : 22,7 milliards d’euros en 2017. Si les 
effets des exonérations de cotisations sociales sur l’emploi font débat, 
ce n’est pas le cas de l’impact du CICE, qui est très faible. « De 
l’ordre de 50 000 à 100 000 emplois [auraient été] créés ou sauvegardés 
sur la période 2013-2014 » grâce au CICE, estime le comité de suivi de 
ce dispositif. Etant donné que le CICE a coûté 11,3 milliards d’euros en 
2013 et 17,2 milliards en 2014, cela donne une fourchette de 286 000 à 
570 000 euros par emploi créé. A titre de comparaison, le coût d’un 
emploi d’avenir estimé par la Cour des comptes s’élève à 11 000 euros 
par an et par jeune, celui d’un CUI-CAE à 9 500 euros et d’un CUI-CIE à 
7 000 euros ! Autant dire que ce ne sont pas les mêmes ordres de grandeur…

Le yo-yo du financement

Cela ne veut pas dire que le financement des contrats aidés va de soi. 
Plus que leur coût, ce qui pose problème c’est la manière dont les 
enveloppes sont définies et distribuées. Les budgets votés en loi de 
Finances sont rarement sincères et presque systématiquement dépassés. Et 
d’un semestre à l’autre, le nombre de contrat aidés financés comme le 
montant de l’aide prise en charge par l’Etat peuvent varier 
significativement. Un yo-yo qui ne facilite pas le travail des 
associations d’insertion sur le terrain et qui fragilise les parcours 
des bénéficiaires qui ont au contraire besoin de continuité et de 
stabilité pour se raccrocher aux wagons du marché du travail. Ces « 
phénomènes de stop-and-go ont pour conséquence des consignes 
contradictoires auprès des prescripteurs, une difficulté à mobiliser des 
employeurs et un déploiement dans l’urgence des dispositifs au détriment 
de la qualité », note la DGEFP. La coupe claire envisagée par le 
gouvernement va à coup sûr accentuer ces difficultés.

     « Ces contrats sont-ils faits d’abord pour les personnes qui en 
bénéficient ou pour alléger le coût du travail de certains employeurs ? »

Une réforme de ce pan de la politique de l’emploi est pourtant légitime, 
et il n’est pas forcément absurde de réduire le volume des contrats 
aidés si le chômage baisse, à condition de ne pas se précipiter pour ne 
pas fragiliser la reprise actuelle. Mais il aurait fallu engager un vrai 
débat et se poser les bonnes questions, comme le pointe Michel Abhervé, 
spécialiste de la politique de l’emploi, sur son blog. Pour lui, la 
principale question qu’il faut se poser est l’objectif principal que 
l’on assigne à ces contrats : « Sont-ils faits d’abord pour les 
personnes qui en bénéficient afin de leur donner une opportunité d’être 
dans une relation de travail qui ne leur serait pas fournie sans cela ? 
Où sont-ils faits pour alléger le coût du travail de certains employeurs 
? Dans l’histoire de ces contrats qui a maintenant une trentaine 
d’années sous des formes diverses, nous avons vécu une tendance 
constante à ce que l’objectif premier, fondateur dans un contexte de 
chômage de haut niveau, soit perverti par le deuxième. » De fait, il 
existe des dérives, des cas où les contrats aidés sont détournés de leur 
mission originelle et servent à financer des postes qualifiés dans 
certaines associations ou collectivités locales. L’Education nationale, 
en particulier, a été épinglée pour sa gestion des contrats aidés. Elle 
est pourtant épargnée par les coupes à venir.

Derrière les acronymes, des anonymes

Il y a donc du tri à faire. La DGEFP préconise d’ailleurs dans sa note 
interne « une plus grande sélectivité concernant les recruteurs ». « La 
logique d’insertion professionnelle doit passer par une plus forte 
sélection des structures en fonction de leur capacité à proposer des 
emplois qui améliorent concrètement l’employabilité du bénéficiaire », y 
est-il écrit. Comment ? En privilégiant les structures qui offrent des 
parcours de formation qualifiante et en plafonnant le nombre d’emplois 
aidés par établissement, par exemple.

Ce qui est frappant, dans ce débat, c’est que l’on raisonne à coup 
d’enveloppe, de coût, de taux d’insertion, de volume, comme s’il ne 
s’agissait que d’une ligne dans un bilan comptable. On oublie trop vite 
que derrière les acronymes, il y a des anonymes, des personnes engagées 
dans un parcours d’insertion. Et ces personnes sont plutôt satisfaites 
de leur passage dans ces dispositifs tant décriés. Six mois après leur 
sortie de contrat unique d’insertion, 74 % des anciens bénéficiaires 
trouvaient que le contrat aidé leur avait permis de se sentir utile et 
de reprendre confiance. Ce qui n’est pas le moindre de leur mérite.



     1. La Dares est la direction de l’animation de la recherche, des 
études et des statistiques, un service rattaché au ministère du Travail.
     2. Nous n’avons pas retrouvé l’étude de l’OCDE citée par Muriel 
Pénicaud qui démontrerait l’inefficacité des contrats aidés. La seule 
mention aux contrats aidés que nous avons trouvée concerne une étude 
économique sur la France qui date de 2015 et qui explique au contraire 
que le développement des contrats aidés dans le secteur non marchand a 
permis à l’emploi de résister face à une conjoncture morose..
     3. Le plan de cohésion sociale a créé les contrats d’avenir (CA) et 
les contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) et a réformé les 
contrats initiative emploi (CIE) destinés aux entreprises privées.
     4. C’est à ce moment que sont créés les contrats uniques 
d’insertion – contrats d’accompagnement dans l’emploi (CUI-CAE) pour le 
secteur marchand et les contrats uniques d’insertion – contrats 
initiative emploi (CUI-CIE) pour le secteur non-marchand.
     5. On aurait pu aussi évoquer les contrats emploi solidarité 
(1990-2005), les contrats emploi consolidé (1992-2005), les contrats 
emploi-ville (1996-1997), les contrats de retour à l’emploi (1990-1995), 
les contrats d’insertion - revenu minimum d’activité (2004-2010) ou 
encore les dispositifs spécifiques à l’insertion par l’activité 
économique (IAE).


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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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