[Infoligue] Plan social invisible et projets de marchandisation : les associations sous la menace

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 22 Déc 14:05:16 CET 2017


Plan social invisible et projets de marchandisation : les associations 
sous la menace

Publié par : http://www.regards.fr
Le : 22/12/17

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La mobilisation contre la baisse des emplois aidés se poursuit. En 
novembre, le premier ministre a présenté un Plan de développement pour 
la vie associative, centré sur “l’innovation sociale”. S’y dessine la 
silhouette d’un modèle à l’anglo-saxonne, ultralibéral.


« De mémoire de militant associatif, on n’a jamais vu cela ! », affirme 
Jean-Baptiste Jobard du Collectif des associations citoyennes, à propos 
du nombre d’associations qui ont pris position contre la baisse des 
contrats aidés depuis l’été. « Il y a eu une avalanche de communiqués de 
presse, précise-t-il. Des structures dont les points de vue s’opposent 
se sont retrouvées d’accord. »

Les salariés associatifs ont aussi manifesté dans la rue, en particulier 
lors de la mobilisation nationale du 18 octobre lancée par le syndicat 
Asso et le Collectif des associations citoyennes (qui regroupe 1.500 
membres dont la Cimade et AC !), puis lors de la journée du 10 novembre, 
avec Union Solidaires. Des manifestants en noir brandissaient des 
potences pour symboliser les dégâts humains de la diminution des crédits 
pour les contrats aidés.

Des compensations très insuffisantes

Si le gouvernement persiste, près de 260.000 emplois seront supprimés 
dans les secteurs jugés "non prioritaires", d’ici à la fin 2018 : un 
vrai plan social invisible. Début décembre, le syndicat Asso recensait 
déjà la disparition annoncée de 2.300 emplois d’avenir et contrats 
d’accompagnement dans l’emploi (CAE) – les contrats du secteur 
non-marchand (voir sa Carto Crise.

Le 9 novembre, le premier ministre a finalement rencontré des 
représentants des associations et lancé un "Plan de développement pour 
la vie associative". Celui-ci comprend quelques financements présentés 
comme compensatoires, dont 25 millions d’euros affectés en priorité au 
Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA). « Cela reste 
insuffisant », estime Frédérique Pfrunder, déléguée générale du 
Mouvement associatif qui représente près de 600.000 associations.

L’ensemble des fédérations d’associations réclame une politique 
ambitieuse pour l’emploi associatif, qui soit dissociée de 
l’accompagnement vers l’emploi des bénéficiaires des contrats aidés. Une 
politique avec des financements pérennes qui permette des CDI, des CDD 
non dérogatoires au code du travail (comme le sont les contrats aidés) 
et des titularisations – dans la fonction publique. S’inspirer du Fonds 
de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (Fonjep) qui 
finance déjà environ 5.000 postes de permanents qualifiés est l’une des 
pistes avancées.

Le service civique, substitut à l’emploi

Les contrats aidés sont en majeure partie utilisés par le secteur 
non-marchand : surtout par les collectivités territoriales, et ensuite 
par les associations (à hauteur, respectivement de 60% et de 40 %). 
Cette dernière part représente 110.000 salariés, une poignée sur 
l’ensemble des 1,8 millions de salariés associatifs.

Pourtant, ces professionnels jouent un rôle capital au sein de 
structures souvent minuscules, dotées d’un ou deux permanents. Ils 
assurent des actions d’intérêt général : crèches, aide sociale (enfants, 
sans-logis, réfugiés...), accès aux soins, aide judiciaire, droits des 
femmes, lutte contre les discriminations, solidarité internationale, 
laïcité, agriculture paysanne, protection de la nature...

Les structures dont les activités relèvent de "l’urgence sociale, du 
handicap et des quartiers prioritaires" continueront à bénéficier de 
contrats aidés. Et les autres ? Dans l’art et la culture, 
particulièrement visés, 75% des associations concernées seraient mises 
en danger selon l’Union fédérale d’intervention des structures 
culturelles (Ufisc) (voir son enquête). Devront-elles se tourner vers 
les "services civiques" ?

Le gouvernement veut, en tous cas, financer davantage de jeunes 
volontaires, indemnisés 570 euros par mois. Il veut atteindre la barre 
des 150.000 services civiques en 2018 (contre 92.000, en 2016). Le 
risque est de voir confier une fiche de poste à des 16-25 ans, certes en 
mission pour servir l’intérêt général, mais d’abord en "apprentissage 
civique" – une pratique relevant du travail dissimulé (lire "Service 
civique : éducation populaire ou sous-marché de l’emploi ?".

Un « laboratoire d’innovation pour la précarité »

Le Plan de développement pour la vie associative apporte une réponse 
paradoxale à la question de l’emploi associatif en mettant à l’honneur 
la "société de l’engagement" – autrement dit le bénévolat. Le numéro un 
du gouvernement a, en effet, annoncé la création d’une semaine nationale 
de l’engagement en été, d’un compte d’engagement citoyen (pour convertir 
le temps de bénévolat en heures de formation professionnelle), ou encore 
de plateformes numériques « afin de favoriser les nouveaux usages en 
matière d’engagement »...

Deux groupes de travail sont également mis en place, dont les premières 
réunions ont eu lieu le 13 décembre. Leur mission : faire des 
propositions en conseil des ministres avant fin avril, sur la "stratégie 
de développement des acteurs de l’économie sociale" et sur "l’innovation 
sociale". Ce dernier concept, en vogue, est porté par Christophe Itier, 
le haut-commissaire à l’économie sociale et solidaire et à l’innovation 
sociale, nommé en septembre dernier.

« Dans la novlangue néolibérale, l’innovation sociale, c’est celle du 
profit et de la concurrence, écrit le syndicat Asso dans un communiqué. 
La société civile, c’est celle des entrepreneurs (sociaux parfois). Tant 
pis pour ceux, y compris les travailleurs associatifs, qui pensent la 
solidarité comme une réalité, non-marchandable. » C’est ainsi que le 
secteur associatif est devenu un « laboratoire d’innovation pour la 
précarité des travailleurs », selon Florian Martinez du syndicat Asso.

Les Contrats à impact social apparaissent comme l’un des fers de lance 
de cette "innovation" à la sauce start-up. Ils consistent en une 
nouvelle forme de partenariat public-privé, calquée sur les Social 
Impact Bonds anglo-saxons : des associations qui mènent, par exemple, 
des programmes d’aide à l’enfance, de solidarité avec des personnes 
âgées ou encore d’insertion d’anciens détenus voient leur activité 
devenir une source de profit, notamment pour les banques (voir le 
document réalisé par le Collectif des associations citoyennes). Une 
façon d’imposer une logique de rentabilité à un secteur non-lucratif par 
définition, selon la loi 1901.

Construire « une conscience politique associative »

D’un point de vue global, le contexte est difficile pour les 
associations. « Il y a eu les baisses des dotations aux collectivités 
territoriales, nos premiers partenaires publics, rappelle Frédérique 
Pfrunder. Ensuite, la suppression de la réserve parlementaire qui 
permettait de financer des projets locaux. Enfin, la baisse des crédits 
d’intervention des différents ministères. »

Ajoutons à cela des politiques régionales parfois hostiles à 
l’indépendance des associations. Ainsi, Laurent Wauquiez en 
Rhône-Alpes-Auvergne a sabré dans les aides aux associations d’éducation 
à l’environnement ou au Planning familial, tout en offrant près de trois 
millions d’euros sur trois ans... à la Fédération régionale des chasseurs.

Le Collectif des associations citoyennes estime que le secteur 
associatif est attaqué en tant que tel. « La logique des ultralibéraux, 
explique Jean-Baptiste Jobard, est de réduire le nombre d’associations 
qui sont à leurs yeux trop nombreuses et ’’ingouvernables’’. En 
supprimant les contrats aidés, on détruit les petites et les moyennes 
associations, qui ne collent pas au schéma du marché. On aurait alors, 
d’un côté, d’énormes associations qui fonctionnent comme des entreprises 
et, de l’autre, des petites associations qui reposent sur le bénévolat. »

D’où la nécessité de construire une « conscience politique associative 
», au-delà des champs d’activité de chaque association. En 
Rhône-Alpes-Auvergne, le collectif inter-associatif Vent d’Assos s’y 
emploie depuis 2016. Un collectif Vent d’Assos Île-de-France lui a 
emboîté le pas.

Cet hiver, les associations poursuivent leurs actions pour conserver 
leurs salariés en contrat aidé. Certains comptent bien se rapprocher des 
collectivités territoriales et des mobilisations contre la loi Travail. 
Déjà, on annonce pour le printemps l’organisation d’un contre-forum en 
parallèle du premier Forum de la vie associative que vient de lancer le 
premier ministre.

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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