[Infoligue] Fin des emplois aidés : veut-on d’une société où les politiques sociales sont décidées par les multinationales ?

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 17 Nov 16:34:01 CET 2017


Fin des emplois aidés : veut-on d’une société où les politiques sociales 
sont décidées par les multinationales ?

Publié par : 
https://www.bastamag.net/Fin-des-emplois-aides-veut-on-d-une-societe-ou-les-politiques-sociales-sont
Par : Jérôme Polidor
Le : 10 novembre 2017

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Ce 10 novembre, les associations organisent une seconde « journée noire 
» pour protester contre la suppression des emplois aidés, qui met à mal 
leurs activités d’utilité sociale. Dans cette tribune, Jérôme Polidor, 
réalisateur du film Merci les jeunes !, interroge la logique 
gouvernementale et sa politique visant à faire du « social low cost », 
synonyme d’abandon des populations bénéficiant de l’action des associations.

Merci les jeunes ! raconte la vie d’une association du 93, dans ses 
relations avec les institutions, dans les rapports et enjeux de pouvoir 
entre les salariés, les bénévoles, avec ses amitiés, ses histoires 
d’amour et de haine. Un modèle d’organisation contre lequel l’État a 
lancé une charge inédite à l’été 2017, avec la suppression des emplois 
aidés, et l’annulation de 50 millions d’euros de crédits « politique de 
la ville » pourtant déjà promis aux structures.

Les associations sont les premières à reconnaître que le modèle est 
imparfait : car comment se se satisfaire d’emplois jetables comme les « 
contrats d’accompagnement dans l’emploi » (CAE) et les « contrats 
initiative emploi » (CUI) ? Mais la suppression de ce dispositif aggrave 
encore la situation, a des conséquences directes sur des dizaines de 
milliers de personnes, salariées ou usagères des associations. Et met en 
péril l’existence d’un nombre incalculable de petites associations, 
atomisées dans toute la France, qui n’ont pas les moyens de se fédérer 
pour se défendre alors qu’elles doivent trouver des solutions d’urgence 
pour survivre et assurer leurs activités.




La fin de la mauvaise conscience du capitalisme

« La diversité ce n’est pas une critique du capitalisme ; c’est sa bonne 
conscience. » L’universitaire Walter Ben Michaels – professeur de 
littérature à l’université de l’Illinois à Chicago – explique aux 
personnages fictifs de Merci les jeunes ! comment les concepts 
américains d’égalité des chances et de diversité sont des outils de 
légitimation des inégalités. Car ce qui est injuste, ce n’est pas un 
système de domination, de reproduction sociale et de captation de la 
richesse par une élite, mais c’est que les minorités ethniques et 
sexuelles ne soient pas assez représentées parmi cette élite… Alors il 
suffit de plus de femmes, plus de personnes issues des « minorités 
visibles » parmi les célébrités et les dirigeants, et la société sera 
mécaniquement plus juste…

Ce fut l’une des réponses apportées à la suite des émeutes survenues 
dans les banlieues à l’automne 2005. Le tissu associatif fut considéré 
comme un relai de la « politique de la ville » chargée, entre autre, de 
faire la promotion de la diversité.

Du social « low cost »

Dix ans plus tard, le passage à l’acte meurtrier de jeunes fanatiques 
religieux ayant grandi dans les quartiers « prioritaires » a changé la 
donne. La confiance de la classe politique dans les associations de 
terrain s’est émoussée. A la suite de l’OPA de M. Macron et de ses 
acolytes sur l’État, la mauvaise conscience semble s’être évaporée. La 
méritocratie serait-elle répandue au point que « ceux que ne sont rien » 
ne méritent plus d’assistance ? Les associations seraient-elles devenues 
inefficaces, inutiles ?

Faut-il rappeler que nombre des actions proposées par les associations 
viennent combler des lacunes des services publics ? Il s’agit d’aide aux 
devoirs, d’alphabétisation, de projets éducatifs, artistiques, 
sportifs…. Alors l’indépendance des associations n’est que très relative 
et surtout synonyme de précarité de l’emploi et de conditions de travail 
dégradées. Combien coûteraient à l’État et aux collectivités locales 
toutes ces actions de terrain si elles n’étaient pas sous-traitées aux 
associations mais menées par des fonctionnaires décemment payés et avec 
une vraie sécurité de l’emploi ?

Le modèle de l’entreprise transposé sans nuances

Le modèle de l’entreprise est appliqué progressivement aux associations. 
Prenons l’exemple de la « politique de la ville ». Des cabinets de 
conseils privés réalisent, de loin, des audits sur les territoires et 
dictent les nouveaux objectifs et critères d’évaluations. Ceux-ci sont 
repris dans des appels à projets, calqués sur le principe de l’appel 
d’offre commercial, mettant en concurrence les associations pour assurer 
à moindre coût les missions de service public identifiées. Les appels à 
projets sont annuels, ce qui plongent les associations dans une 
incertitude permanente, renforcée depuis l’été 2017 par le fait inédit 
que l’État puisse revenir sur les décisions d’attribution de subventions 
sans préavis ni justification.

Les méthodes d’évaluations se complexifient, les contrôles sont 
renforcés. On demande ainsi aux associations de produire plus de 
documents administratifs, plus détaillés, tout en réduisant chaque année 
le montant des subventions. On leur demande de mesurer des « taux de 
sortie favorables » comme si la valeur ajoutée d’un atelier d’écriture, 
d’une sortie culturelle ou d’un goûter partagé était immédiatement 
quantifiable. C’est encore la logique entrepreneuriale du « faire plus 
avec moins », comme si une association intervenant dans le champ de 
l’action sociale pouvait générer des gains de productivité réguliers.

Privatisation de l’action sociale

Solliciter des fondations d’entreprise devient quasiment obligatoire 
pour compenser les baisses de fonds publics et assurer l’équilibre 
financier d’une association. C’est l’un des points de départ de la 
discorde entre les personnages de Merci les Jeunes !. Car si l’on 
pouvait déjà s’inquiéter d’un contrôle croissant des projets par les 
institutions, que dire de la montée en puissance des fondations ?

Elles aussi émettent des appels à projet, mais cette fois, ce sont les 
entreprises à laquelle elles sont adossées qui définissent les champs 
d’action, les critères d’éligibilité, les modalités des aides, en 
fonction d’une stratégie de communication visant à embellir l’image de 
la marque. Ainsi la fondation Orange soutient prioritairement des 
projets basés sur les outils numériques, la fondation du bâtisseur Vinci 
soutient les projets liés à l’accès au logement, etc. Veut-on d’une 
société où les politiques sociales sont décidées par les multinationales ?

Fin du salariat, aidé ou non…

Dans cette même logique, le premier ministre Édouard Philippe a déclaré 
les emplois aidés « coûteux et inefficaces ». Il est vrai que la plupart 
du temps les associations sont incapables de pérenniser ces emplois. 
Mais comment pourrait-elle le faire alors que les subventions fondent de 
toute part ? En vendant des prestations de services, des produits 
dérivés ? Elles sont donc obligées de renouveler leurs salariés à chaque 
fois que l’aide arrive à son terme, repartant à zéro avec de nouveaux 
salariés pendant que les anciens sont laissés sur le carreau…

Mais par qui vont être remplacés ces coûteux salariés ? Des « 
volontaires » en services civiques, sous-payés et sans droits sociaux ? 
Des auto-entrepreneurs facturant des micro prestations çà et là ? A y 
regarder de plus près, il y a une grande cohérence avec la casse du 
droit du travail, menée en parallèle par le même gouvernement. Pourquoi 
le secteur associatif serait-il épargné ? Et que se passera-t-il lorsque 
les associations les plus fragiles auront mis la clef sous la porte ? 
Qui remportera les appels à projet ? Des grosses associations régionales 
ou nationales qui profitent déjà de dispositifs taillées sur mesures ? 
Va-ton vers une logique de fusion acquisition, chère à M. Macron, 
appliquée au monde associatif ?

Merci les jeunes ! ne répond bien évidemment pas à ces questions, mais 
propose une histoire subjective de la richesse des relations humaines 
que propose le secteur associatif, des contradictions et tensions qui 
l’habitent. Bientôt un document d’archive ?

Jérôme Polidor, réalisateur

Dessin : Rodho

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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