[Infoligue] Associations. L’éducation populaire mise à la porte de l’école

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 4 Sep 08:48:50 CEST 2018


Associations. L’éducation populaire mise à la porte de l’école

Publié par : 
https://www.humanite.fr/associations-leducation-populaire-mise-la-porte-de-lecole-660111
Le : Mardi, 4 Septembre, 2018
par Stéphane Guérard

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En cette rentrée, l’abandon de la semaine de quatre jours et demi par 80 
% des communes fragilise les associations organisatrices des activités 
périscolaires. Le « plan mercredi » ne devrait pas empêcher les 
suppressions d’emplois.

Marnymômes s’est fait une belle place sur les pentes du Môle. Créée en 
1989 par des parents d’élèves de Marignier pour assurer la garderie des 
enfants après les heures de maternelle et d’élémentaire, l’association 
de cette commune haut- savoyarde de 6 000 habitants, entre Cluses et 
Bonneville, s’est depuis occupée de restauration scolaire, d’accueil de 
loisirs des enfants le mercredi, puis d’organisation d’activités et de 
séjours de vacances. Si bien qu’aujourd’hui, 400 familles ont recours à 
ses services, déployés sur trois écoles en partenariat avec la 
municipalité. Et ses 38 salariés font de la structure non lucrative l’un 
des gros employeurs locaux.

Dans l’éducation populaire, Marnymômes fait donc figure de belle 
réussite qui avance sans faire de bruit. Ou plutôt avançait. Comme 
l’ensemble du secteur, l’association est aux prises avec des vents 
contraires depuis un an. Premier coup de mistral en juin 2017 : le 
décret pris par le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel 
Blanquer, conformément à une promesse électorale du candidat Macron, a 
soudainement laissé aux communes le libre choix d’organiser les rythmes 
scolaires. Entre les quatre jours et demi en vigueur depuis la loi 
Peillon de 2013, avec l’organisation d’activités périscolaires portées 
en partie par les associations d’éducation populaire, et la semaine de 
quatre jours tout court, moins chère en animation et mise à disposition 
de locaux, les villes ont choisi. Depuis la rentrée de ce lundi, 80 % 
d’entre elles sont revenues aux quatre jours d’avant 2013.

Les moyens mis en œuvre ne sont pas à la hauteur

Annoncé fin juin par Jean-Michel Blanquer, le « plan mercredi », censé « 
 offrir au plus grand nombre d’enfants un accueil de loisirs éducatifs 
de grande qualité », fait office de lot de consolation. Les ambitions de 
ce plan sont réelles. Il implique que les acteurs éducatifs locaux 
associatifs (d’éducation populaire, de jeunesse, sportifs, culturels, 
environnementaux), municipaux (élus, bibliothèques, conservatoires) et 
autres institutionnels (musées, sites naturels…) définissent un 
programme d’activités en cohérence avec le projet éducatif de territoire 
(PEDT) et les temps scolaires et périscolaires. Ce programme doit en 
plus être signé par le maire, le préfet, le directeur académique et le 
directeur de la caisse d’allocations familiales (CAF).

Mais les moyens mis en œuvre par ce gouvernement préoccupé par la baisse 
des dépenses publiques ne sont pas à la hauteur. Il est prévu que les 
CAF doublent la prestation de services ordinaire versée pour l’accueil 
des enfants le mercredi afin d’aider les collectivités à mettre en œuvre 
leur plan. Soit… un euro par enfant accueilli, au lieu des actuels 54 
centimes. Ou encore 49 euros de moins que l’aide publique moyenne versée 
dans le cadre de la réforme Peillon des quatre jours et demi. Puisqu’il 
faut faire toujours aussi bien avec si peu, faisons-le avec moins 
d’intervenants à rémunérer : Jean-Michel Blanquer a signé un décret le 
25 juillet qui diminue le taux d’encadrement pour les accueils de 
loisirs sans hébergement (ALSH). Pour les moins de 6 ans, il ne faut 
désormais plus qu’un animateur pour dix enfants, au lieu de huit 
auparavant. Pour les plus grands, on passe d’un animateur pour douze 
enfants à un pour quatorze, et même pour dix-huit s’il s’agit d’un 
accueil à la demi-journée. Et les intervenants extérieurs – autres 
qu’animateurs formés pour cela – pourront être comptés dans les encadrants.

Les difficultés ne s’arrêtent pas là. Le gouvernement ayant attendu fin 
juillet pour donner le mode d’emploi de son « plan mercredi », sa mise 
en œuvre dès cette semaine s’annonce compliquée. Aucune municipalité n’a 
eu le temps durant les vacances d’été de remettre à jour son PEDT. Les 
animateurs associatifs et municipaux chargés d’accueillir les enfants 
vont donc proposer des activités « de qualité » en se fiant à leur 
pifomètre. De quoi apprendre à nos petits l’expression « mettre la 
charrue avant les bœufs »…

Le retour aux quatre jours et le « plan mercredi » suffiraient bien à la 
peine des associations. Mais à ces vents contraires s’ajoutent d’autres 
coups de grisou gouvernementaux, tels la fin annoncée des contrats 
aidés, l’inutilité de leurs remplaçants très partiels, les Parcours 
emploi compétences, mais aussi les baisses de subventions liées à la 
diminution des dotations de l’État à la politique de la ville, aux 
collectivités locales… Marnymômes n’a pas dû affronter tous ces avis de 
tempête. Mais l’inéluctable fin des contrats aidés lui a fait perdre un 
salarié fin août. Et le passage aux quatre jours lui impose de revoir 
son projet associatif. « Entre la fin de l’école à 16 h 30 et la 
garderie jusqu’à 18 h 15, nous allons essayer de garder des activités 
sur inscription. Nous espérons que l’accueil du mercredi va nous 
permettre de conserver notre rôle d’animation et pas seulement de 
garderie, explique Samira Rahmoun, responsable administrative et 
financière. Mais le nombre d’heures d’accueil devrait baisser. Deux CDD 
n’ont pas été reconduits pour la rentrée et des licenciements 
économiques sont malheureusement à prévoir. »
« Le retour aux quatre jours, ce n’est pas une bonne nouvelle »

Pour l’ensemble de l’éducation populaire, la période signe la fin d’un 
cycle de développement. « Le retour aux quatre jours, ce n’est pas une 
bonne nouvelle. Quant au ‘‘plan mercredi’’, on se félicite de conserver 
le soutien financier des CAF et les projets éducatifs de territoire. 
Mais nous ne sommes pas contents du tout », résume Hélène Grimbelle, 
vice-présidente de la Ligue de l’enseignement et présidente du Collectif 
des associations partenaires de l’école (Cape). Au Cnea, fédération des 
employeurs associatifs du secteur, on est déjà dans le dur. Son délégué 
général, David Cluzeau, explique que « depuis avril, on reçoit de 
nombreuses demandes d’appui d’associations aux prises avec des 
diminutions d’emplois et d’heures de travail. Les structures étant 
petites, on ne parle pas de plans sociaux, même si, à certains endroits, 
une cinquantaine de postes peuvent disparaître. Avec les quatre jours et 
demi, on n’avait pas forcément beaucoup embauché, mais on en avait 
profité pour augmenter le nombre d’heures travaillées de salariés 
souvent en contrats précaires. Du fait du retour aux quatre jours, 45 % 
des dirigeants des associations considèrent qu’elles vont perdre de 20 à 
50 % d’heures travaillées, et 20 % envisagent même plus de 50 % d’heures 
en moins. Plus globalement, 85 % pensent devoir licencier, car 79,8 % de 
nos associations adhérentes estiment que le ‘‘plan mercredi’’ ne va pas 
compenser le retour aux quatre jours. Elles essaient donc de réduire les 
conséquences en redéployant les animateurs vers d’autres activités. Bien 
sûr, tout cela aura un impact sur la qualité éducative des 
interventions, sur le développement des enfants ».

À plus long terme, les réseaux d’éducation populaire craignent de voir 
les portes de la coéducation, entrouvertes avec la réforme Peillon, se 
refermer sur leur nez. « La semaine des quatre jours et demi a légitimé 
le rôle des associations, reconnaît Rozenn Merrien, présidente de 
l’Association nationale des directeurs de l’éducation des villes 
(Andev). Elles ont participé à l’écriture des PEDT aux côtés des 
représentants de l’éducation nationale, des collectivités, des parents 
d’élèves… Cette reconnaissance va perdurer avec le ‘‘plan mercredi’’. 
Mais le fait de revenir à quatre jours constitue un retour en arrière 
pour la mise en place des actions éducatives. Chacun des partenaires 
risque de rentrer chez soi. »

Stéphane Guérard

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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