[Infoligue] Citoyenneté : les lycéens veulent être utiles mais boudent les formes traditionnelles d'engagement
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 7 Sep 08:03:59 CEST 2018
Citoyenneté : les lycéens veulent être utiles mais boudent les formes
traditionnelles d'engagement
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Par Kim Hullot-Guiot
Le : 7 septembre 2018
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Le Conseil national d'évaluation du système scolaire publie une grande
enquête sur l'engagement civique et la confiance des lycéens dans les
institutions. On y trouve quelques surprises.
Citoyenneté : les lycéens veulent être utiles mais boudent les
formes traditionnelles d'engagement
La dernière enquête du ministère de l’Education nationale sur
l’engagement citoyen des lycéens remontait au début des années 2000. Le
Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) s’est donc
attelé à actualiser ses connaissances sur le sujet, à travers une vaste
enquête – 16 000 élèves ont répondu au questionnaire – qui paraîtra en
2019 et dont le premier volet est rendu public ce vendredi.
«Quelqu’un qui vient de l’étranger et qui regarde les textes se dit :
"Ça doit être un pays phare de l’éducation à la citoyenneté." Mais ce
discours va-t-il se retrouver dans les [actes] des élèves ? On a des
jeunes qui ne sont pas apathiques, qui souhaitent s’engager, mais
autrement. L’école ne répond pas encore tout à fait à cette demande
d’engagement», observe Nathalie Mons, présidente du Cnesco. Libération
s’est plongé dans ce rapport ; en voici les principaux enseignements.
1. Une bonne compréhension des institutions mais une défiance dans sa
propre capacité à peser dans le débat
Globalement, les lycéens français ont plutôt confiance dans les
administrations (74 % ont confiance dans l’armée, 56 % dans la police et
46 % dans la justice), et disent majoritairement (56 %) comprendre les
questions politiques françaises. Mais les lycéens sont dans le même
temps très méfiants dans leur capacité à participer à la vie politique :
63 % se disent peu ou pas du tout prêts à participer. «On a un décalage
entre le sentiment de maîtriser la vie politique et une incapacité à
avoir le sentiment d’avoir quelque chose à dire. Cela dit de notre
système éducatif : on sait faire des têtes bien faites, mais quand il
s’agit d’avoir confiance en sa capacité à agir, c’est plus limité»,
commente Nathalie Mons.
Toutes catégories de lycéens confondus, un élève sur quatre n’a pas
confiance dans notre système démocratique. Les garçons sont
surreprésentés. Quelque 78 % des lycéens n’ont pas confiance dans le
gouvernement, et encore moins dans les partis politiques, dont ils sont
87 % à se défier. Des résultats cohérents avec ceux d’autres études sur
les jeunes adultes (moins de 25 ans) : «Les jeunes adultes ont un
sentiment très faible de peser sur les politiques, d’influencer par leur
démarche la vie politique», observe Nathalie Mons.
2. Les garçons plus attirés que les filles par les formes
conventionnelles d’engagement
On retrouve dans cette enquête l’expression de stéréotypes connus : les
filles délaissent la sphère partisane et syndicale, au profit des
garçons, qui sont davantage attirés par les formes de pouvoir
traditionnelles. Ils sont par exemple 18 % à être engagés dans un parti
contre seulement 9 % des filles. C’est d’autant plus intéressant que, si
les filles ont moins confiance dans leur propre capacité à agir, elles
sont moins nombreuses que les garçons à se défier du système démocratique.
Les filles sont également plus volontiers «petites mains» dans les
organisations dans lesquelles elles s’engagent, en particulier dans les
associations humanitaires ou les activités au sein du lycée, alors que
les garçons prennent davantage la lumière (ils sont légèrement plus
souvent délégués de classe), dans les partis et les syndicats ou dans
les organisations de défense de l’environnement, où ils sont légèrement
plus représentés que les filles (28 et 24 %). Il est par ailleurs
notable que les élèves immigrés de première génération sont relativement
nombreux à s’engager dans des mouvements politiques (20 %)
3. Des engagements «à la carte» et des intentions de vote plus
intermittentes qu’avant
Si l’engagement politique et syndical est boudé, l’engagement bénévole
humanitaire ou environnemental, ponctuel et non affilié reste dynamique.
Seul un lycéen sur trois plébiscite par exemple l’adhésion à un
syndicat. «L’associatif tient le haut du pavé des engagements
structurés, sur un fond de développement fort des associations et du
bénévolat (+ 34 % en six ans)», note le rapport. Plus de quatre lycéens
sur dix (44 %) affirment prendre part ou avoir pris part à des actions
en faveur de l’environnement ou à des actions bénévoles, et 75 % se
disent prêts à faire du bénévolat plus tard dans leur vie d’adulte. Le
Cnesco observe que les lycéens s’orientent davantage vers des formes
d’engagement ponctuel (signer une pétition, participer à des
manifestations ou boycotter un produit par exemple).
En ce qui concerne le vote, si les lycéens jugent très majoritairement
qu’il est important de voter (90 %), au moins aux élections nationales
(62 % s’engagent à voter à toutes les élections, 88 % aux élections
nationales et 80 % aux scrutins locaux), les jeunes sont moins nombreux
qu’au début des années 2000 à voter systématiquement. Chez les 18-24
ans, 63 % ont voté de façon intermittente (pas à tous les scrutins ou
tours) contre 54 % en 2002, et 18 % ont voté systématiquement en 2017
contre 32 % en 2002. Les filles ont davantage que les garçons le
sentiment de devoir voter à chaque fois. «Il s’agit moins d’un recul du
vote des jeunes qu’un vote intermittent. Le sentiment de devoir tend à
disparaître, les jeunes votent plus quand ils ont le sentiment d’un
enjeu», résume Nathalie Mons.
4. «L’élite scolaire» pas forcément engagée ou confiante
On pourrait croire que les élèves en difficulté et les lycéens issus de
milieux défavorisés sont moins enclins à participer à la vie de la cité.
Ce n’est pas faux. Mais «contre-intuitivement», il ressort aussi de
l’étude que «l’élite des lycéens qui déclarent d’excellents résultats
scolaires, […] envisagent des investissements citoyens très limités à
l’âge adulte». Seuls 4 % des lycéens (28 000 par an) se disent
totalement désintéressés par la sphère publique et affirment qu’ils ne
s’engageront jamais dans le débat public ou dans la vie associative :
dans ce groupe, ils sont presque autant à avoir de mauvais résultats
scolaires (11 %) qu’à en avoir d’excellents (12 %). D’ailleurs, le taux
d’élèves aux mauvais résultats qui disent n’avoir aucune confiance dans
les institutions est identique à celui des excellents élèves (31 %) qui
tiennent le même discours.
5. Dans les écoles privées, une surreprésentation des élèves engagés
Si 44 % des élèves s’engagent dans l’associatif, le taux monte à 52 %
dans l’enseignement privé, qui reste en France majoritairement
catholique. Il est notable que les écoles privées semblent davantage que
les écoles publiques jouer leur rôle d’éducation à la citoyenneté, dans
le sens où elles sont beaucoup plus nombreuses à proposer, au sein de
l’établissement, des projets d’engagement civique, de type bénévolat ou
tutorat.
6. La famille reste un terreau important d’éveil à la citoyenneté
Si les textes officiels prévoient que l’Education nationale prenne en
charge l’éducation à la citoyenneté de la jeunesse du pays, la famille a
une grande influence sur l’engagement des adolescents. La confiance dans
le système est moins importante chez les élèves issus de milieux
défavorisés (28 % n’ont pas du tout ou peu confiance contre 21 % des
élèves issus de milieux favorisés), tout comme les intentions de vote
(81 % des défavorisés contre 94 % des favorisés ont l’intention de
voter). «Les élèves défavorisés sont, proportionnellement, quatre fois
plus nombreux (16 %) que les élèves favorisés (4 %) à déclarer qu’ils ne
voteront jamais», précise aussi le Cnesco.
De la même façon, l’engagement dans la vie civique et l’intérêt des
parents pour l’actualité joue à plein régime : les adolescents qui ne
veulent pas voter ont souvent des parents pas du tout intéressés par
l’actualité, alors que ceux qui envisagent de voter à toutes les
élections ont des parents très intéressés par le débat public. «Le bain
familial est très important, juge Nathalie Mons. Ce rôle, la famille le
joue de moins en moins donc il est important que l’école s’en empare.»
7. L’école pas assez engagée dans les actions d’éducation à la
citoyenneté, selon le Cnesco
Bien sûr, en théorie, les lycéens sont supposés suivre des cours
d’enseignement civique. Mais au-delà de ces quelques heures, trop peu
d’établissements mettent en place des projets d’engagement citoyen,
constate le Cnesco. Seuls 37 % des lycéens disent ainsi avoir déjà
participé à une action civique dans le cadre de leur scolarité.
«L’engagement dans le cadre scolaire se réduit encore trop souvent au
rôle de délégué de classe et à leur présence dans les instances de
gouvernance de l’établissement», relève Nathalie Mons. Si une très large
majorité des lycéens sont attachés au rôle du délégué de classe (83 % le
jugent important), ils ont peu confiance dans le fait que ce délégué
sera vraiment écouté par les adultes. Près d’un sur deux, et en
particulier ceux qui n’obtiennent pas de bons résultats, estiment que
les délégués ne sont pas écoutés par l’administration. «Ils font la
première expérience de ne pas être écoutés, relève Nathalie Mons. Cela
est à mettre en lien avec le fait que les Français, en général, ont le
sentiment de ne pas peser dans la vie politique.» Dans leurs choix de
délégués, ils prennent d’ailleurs en compte les résultats scolaires des
candidats, valorisant les profils appréciés par les enseignants.
Kim Hullot-Guiot
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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