[Infoligue] Les associations et fondations caritatives victimes d’une chute historique des dons
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 10 Jan 09:31:56 CET 2019
Les associations et fondations caritatives victimes d’une chute
historique des dons
La suppression de l’impôt sur la fortune, la hausse de la CSG et la mise
en place du prélèvement à la source assèchent la générosité des Français.
Publié par : LE MONDE
Par : Isabelle Rey-Lefebvre
Le : 09/01/18
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Pour les associations caritatives et les fondations qui vivent d’abord
de la générosité des citoyens, 2018 aura été une année noire et 2019 ne
s’annonce pas moins sombre. Le syndicat France générosités, qui regroupe
97 d’entre elles, constate, sur les 2,6 milliards d’euros habituellement
collectés auprès des particuliers, une baisse de 6,5 % au premier
semestre 2018, qui pourrait atteindre 10 % sur l’ensemble de l’année.
Principale raison : la suppression, en 2018, de l’impôt de solidarité
sur la fortune (ISF), transformé en impôt sur la fortune immobilière
(IFI). Le nombre d’assujettis a fondu de 350 000 à 150 000 foyers. Une
perte de donateurs potentiels qui pouvaient, jusqu’en 2017, réduire leur
imposition de 75 % du montant de leurs dons, dans la limite de 50 000
euros, mais ne voient plus l’intérêt de le faire.
La disparition de l’ISF contribue à une baisse des dons
Au 30 juin 2018, date de déclaration du patrimoine taxable, 58 % des
dons issus de cette seule source, soit 150 millions d’euros, ont ainsi
disparu. La Fondation du protestantisme, qui irrigue la trésorerie d’une
centaine d’associations, a vu se volatiliser 38 % de ses recettes par
dons, passées de 4 à 2,5 millions d’euros : « Nos donateurs fortunés
contestaient l’ISF et préféraient nous donner que le payer, reconnaît
Elsa Bouneau, directrice générale. Cet argent va manquer à des acteurs
comme l’Armée du salut ou la Cimade et à leurs actions auprès des
sans-abri et des migrants… »
La Fondation de France, qui abrite elle-même 850 organismes et fêtera,
cette année, ses 50 ans, accuse le coup. Les sommes récoltées fondent à
100 millions d’euros, en 2018, après les 140 millions d’euros de 2017,
année, il est vrai, exceptionnelle. « Il ne faut pas voir les avantages
fiscaux de l’ISF ou de l’impôt sur le revenu comme des niches, mais
plutôt comme un impôt choisi, pour la cause qui motive le donateur,
analyse Axelle Davezac, directrice générale de la Fondation de France.
Philanthropie publique et privée se complètent et permettent au privé de
révéler des causes, comme les maladies psychiques ou l’autisme, que
l’Etat jusqu’ici négligeait et dont il s’emparera ensuite. »
Un appel d’urgence aux Français
Avec la mutation de l’ISF, la Fondation Abbé Pierre perd deux tiers de
ses dons, soit 400 000 euros en moins, et la Fondation Caritas, du
Secours catholique, la moitié, soit 4,5 millions d’euros. Seul le
Secours islamique de France voit sa collecte augmenter un peu, de 25 à
26 millions d’euros, « mais c’est moins qu’espéré, reconnaît Mahieddine
Khelladi, son directeur exécutif, car nous avons modernisé nos outils de
communication par réseau social avec des moyens de paiement par Internet
en direction de nos donateurs plus jeunes, qui versent entre 70 et 90
euros ».
Les organismes les plus touchés sont ceux œuvrant dans la recherche
médicale. Constatant la baisse sans précédent des dons (– 16 %, soit 8
millions d’euros évaporés), la Ligue contre le cancer a lancé, le 28
décembre 2018, un appel d’urgence aux Français. L’Institut Pasteur
enregistrait, en août 2018, une chute de 60 % des dons liés à l’ISF et
achève l’exercice 2018 avec un recul de 12 % à 15 %, soit environ 3
millions d’euros en moins. « Nous espérions un rattrapage en fin d’année
qui ne s’est que partiellement réalisé », regrette Frédérique Chegaray,
responsable du mécénat.
Hormis l’ISF, tout contribuable peut déduire de son impôt sur le revenu
66 % de ses dons, dans la limite de 20 % de ses revenus, à des
organismes déclarés d’intérêt général. Ces dons ordinaires proviennent
des ménages de la classe moyenne, dont le salaire oscille entre 19 000
et 60 000 euros par an, et alimentent, pour France générosités, 55 % de
la collecte par 73 % des donateurs.
Ils sont, eux, perturbés, en ce début 2019, par la mise en place du
prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. « Nous sommes très
inquiets car le mécanisme complexe renforce l’attentisme des donateurs
», confie Mme Chegaray. Le gouvernement a prévu que le contribuable
donateur bénéficie, dès janvier, de 60 % de sa réduction d’impôt,
estimée sur la base des dons qu’il a faits en 2017, puis ajustée, en
cours d’année, sur la réalité de ses dons en 2018. Pas sûr que tout le
monde ait compris…
Dons aux associations
« Tsunami social »
Plus grave encore est l’impact sur les dons des mesures prises touchant
les retraités, qui forment le gros du bataillon des donateurs : 60 % ont
plus de 60 ans. « Depuis quelques mois, nous recevons des dizaines de
lettres et d’e-mails de retraités navrés, nous expliquant qu’ils ne
peuvent plus nous aider », raconte Bernard Vaginay, responsable des dons
et legs pour Les Restos du cœur, qui pouvaient, jusqu’ici, compter sur
la fidélité de quelque 350 000 donateurs actifs, plutôt âgés, versant
chacun 200 euros en moyenne.
Même écho à la Fondation Abbé Pierre qui reçoit, elle, des centaines de
messages. « Compte tenu du gel de nos pensions de retraite, de
l’augmentation de la contribution sociale généralisée [CSG, + 1,7 %
depuis le 1er janvier 2018], de celles, constantes, de notre loyer et
des charges, de nos primes d’assurances, des diverses énergies, nous ne
sommes plus en capacité de continuer à faire des dons », déplore un
couple de retraités habitant Poissy (Yvelines).
« Donatrice depuis plusieurs années, je suis au regret de vous informer
de ma décision d’arrêter mes dons mensuels par prélèvement automatique
de 15,20 euros, en raison de la diminution des revenus des retraités
imposée par le gouvernement », écrit une retraitée de Suresnes
(Hauts-de-Seine).
« Nous finissons l’année avec 10 % de ressources en moins, sur 20
millions d’euros, alors que nous faisons face à un tsunami social, une
explosion entre 35 % et 40 % du nombre de demandes d’aide d’urgence,
alerte Richard Odier, directeur général du Fonds social juif unifié. Les
personnes que nous aidons, juives mais pas seulement, se paupérisent et
nous sollicitent pour payer la cantine, le loyer, certains pour
déménager lorsqu’ils ne peuvent rester dans une cité à cause de
l’antisémitisme qu’ils y ressentent ou subissent… » Pour maintenir les
aides, ce fonds réduit autant que possible ses programmes culturels et
ses frais de locaux.
Associations caritatives prises en tenailles
Le Secours catholique choisit, lui, de renouveler ses méthodes. « Nous
incitons nos délégations régionales à refaire des quêtes de rue pour
aller à la rencontre de nouveaux donateurs, plus jeunes et sensibles aux
actions locales, détaille Véronique Fayet, sa présidente. Et même s’il y
a beaucoup de concurrence, ça marche : nous contenons l’érosion des dons
à 3 % sur un total de 65 millions d’euros. »
Les Restos du cœur explorent toutes les pistes de collecte, en
particulier auprès des grandes fortunes et par des dons en nature des
entreprises. « Mais nous nous montrons très prudents envers les
cagnottes en ligne car nous avons souvent été victimes d’usurpation
d’identité », reconnaît M. Vaginay.
Les associations caritatives sont prises en tenailles entre le retrait
de l’Etat et des collectivités locales, qui s’est traduit, par exemple,
par la suppression brutale, en octobre 2017, de 200 000 emplois aidés,
et la chute des dons, conséquence de mesures économiques et fiscales. «
C’est un accident industriel pour les associations, que le gouvernement
n’avait peut-être pas anticipé », selon le sociologue à l’université
Paris-VIII Nicolas Duvoux, spécialiste de la pauvreté.
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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