[Infoligue] « Le mouvement des “gilets jaunes” révèle un désir inédit d’association »

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 15 Jan 09:49:34 CET 2019


« Le mouvement des “gilets jaunes” révèle un désir inédit d’association »

L’erreur de diagnostic a été de croire à un individualisme forcené, à 
une société atomisée, analysent Philippe Jahshan et Roger Sue, 
spécialistes du monde associatif, dans une tribune au « Monde ».

Par : Philippe Jahshan (Président du Mouvement associatif) et Roger Sue 
(Professeur à l’université Paris-Descartes-Sorbonne)
Publié par : LE MONDE
Le : 11 janvier 2019

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Tribune. Le mouvement des « gilets jaunes » marque un tournant politique 
dans le quinquennat, mais aussi, plus profondément, une volonté commune 
d’échanger et de vivre ensemble autrement. Un désir inédit d’association 
et de lien social se manifeste spontanément, soutenu dès l’origine par 
près de 80 % des Français. L’allusion à 1968 n’est pas fortuite ; on se 
parle sans retenue dans la rue entre inconnus. Sur les places, les 
ronds-points, on interpelle sur les salaires, les fins de mois, les 
retraites ; on mange ensemble, on partage l’ordinaire dans un moment 
extraordinaire où on se sent aussi pleinement citoyen en réinventant une 
démocratie à échelle humaine.

On ne comprendrait pas la résistance et la persistance des « gilets 
jaunes », jour et nuit, dans le froid et sous la pluie, en dépit du 
travail, des enfants, du quotidien, si ne se manifestait aussi le 
plaisir d’être associé ensemble, sous aucune autorité, commandement ou 
organisation centrale. Des milliers d’associations informelles à 
l’échelle des ronds-points se réunissent le temps d’une manifestation le 
plus souvent pacifique. On retrouve ce même désir sur les plateaux de 
télévision où, sans parler en leur nom, les « gilets jaunes » invités 
représentent avec sincérité, et parfois éclat, la place légitime du 
citoyen ordinaire, à égalité avec les responsables politiques et les 
professionnels de la communication.
Il n’est donc pas surprenant qu’au-delà des mesures financières 
annoncées par Emmanuel Macron sur le smic et la CSG des retraités, 
notamment, la revendication phare du mouvement soit le référendum 
d’initiative citoyenne (RIC), manifestant qu’à l’avenir le peuple 
souhaite être associé à la vie politique du pays par de nouvelles formes 
de procédures démocratiques. En définitive, la forme associative de 
l’événement compte sans doute autant que le fond des revendications 
multiples, quoi qu’on en pense, parfois utopiques ou contradictoires.

Nouvelle « associativité »

L’erreur de diagnostic sociologique du nouveau quinquennat, comme des 
précédents, a été de croire à un individualisme forcené, enfermant les 
individus sur eux-mêmes dans une société atomisée, facile à manipuler, 
n’attendant que la figure du Commandeur pour l’unifier et la 
représenter. Sans voir que l’individualisation en question est de plus 
en plus « relationnelle », qu’elle ne s’accomplit réellement que dans la 
libre relation d’égalité à l’autre et aux autres. C’est cette nouvelle « 
associativité » des individus qui a créé les réseaux d’où est parti, sur 
Internet, le mouvement des « gilets jaunes », tout étonnés de se 
retrouver ensemble alors qu’ils se croyaient seuls.

« Le lien associatif fragilisé dans les territoires accentue les 
fractures qui les traversent »

Cette expérience ne s’effacera pas des mémoires ; elle ouvre une 
nouvelle modalité du lien social marqué par l’esprit d’association. Il 
suffit aussi de consulter les nombreuses enquêtes sur les valeurs des 
Français, qui démontrent qu’avec la famille l’association figure en 
tête, loin devant les autres institutions. On ne peut que regretter que 
le mouvement associatif ait été au départ si peu considéré, subissant 
une réduction de ses ressources, des emplois aidés et la fin les dons 
qui provenaient précisément de l’ISF, autre revendication des « gilets 
jaunes ». Le lien associatif fragilisé dans les territoires accentue les 
fractures qui les traversent.

Mais l’avenir est au grand débat annoncé par le premier ministre, avec 
un volet sur la participation démocratique. Dans un délai très court, on 
peut craindre que les réunions en mairie entraînent une moindre 
participation et paraissent pilotées par le haut. L’animation par des 
associations qui s’engagent au jour le jour auprès des populations dans 
les territoires, ou des « gilets jaunes » eux-mêmes, paraît aussi 
indispensable. Associations qui sont moins un corps intermédiaire que 
l’émanation directe du corps social qui les crée et les modèle à son 
image, comme possibilité toujours renouvelée d’articuler l’individuel au 
collectif.

N’est-ce pas Jean-Jacques Rousseau qui déclarait que, sans l’association 
préalable, le contrat social ne serait qu’un « contrat de dupes » ? A 
méditer aujourd’hui quand on évoque de toutes parts la nécessité de 
refonder le contrat social.

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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