[Laicite-info] Le droit accordé au Vatican de reconnaître des diplômes est une entorse à la laïcité, par Jean-Michel Baylet

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mer 20 Mai 16:57:44 CEST 2009


Le droit accordé au Vatican de reconnaître des diplômes est une entorse 
à la laïcité, par Jean-Michel Baylet

Publié par : LE MONDE
Le : 20.05.09


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Dans la conception qu'en ont toujours eue les radicaux, le principe de 
laïcité n'est absolument pas une pensée de combat antireligieuse. C'est, 
au contraire, la vision d'un rempart de neutralité absolue protégeant 
toutes les institutions publiques - et spécialement l'école - contre les 
influences confessionnelles certes, mais aussi économiques ou 
partisanes. Selon cette approche, c'est la laïcité elle-même qui 
garantit le libre exercice des choix de conscience, notamment des choix 
religieux par des citoyens librement éclairés. Telle est la philosophie 
qui nous permet aujourd'hui encore, pour ce qui concerne la France, 
d'affirmer que l'école libre est l'école de la République.


En application de ce principe, l'Etat détient le monopole de la 
délivrance des diplômes, monopole qu'il exerce, pour l'enseignement 
supérieur, par le biais des universités publiques. Hors le cas des 
départements concordataires d'Alsace-Moselle, les instituts 
d'enseignement supérieur privés existant en France doivent faire valider 
leurs formations profanes (l'enseignement théologique n'étant à 
l'évidence pas de la compétence de l'Etat) par des universités publiques 
ou par des jurys installés par l'autorité étatique.

Tout aurait pu continuer ainsi, à la satisfaction des parties 
concernées, sans la volonté du chef de l'Etat, exprimée dans son fameux 
discours de Latran, de replacer l'identité collective et républicaine 
française dans une sorte de berceau chrétien, ou encore de matrice 
catholique, renvoyant à égalité les figures emblématiques du curé et de 
l'instituteur, incarnations de la foi et de la raison.

C'est sous cet éclairage très particulier que doit être lu le décret 
subreptice paru le 19 avril et rendant applicable un accord signé le 18 
décembre 2008 entre la France et le Vatican, celle-là s'engageant à 
reconnaître, sans autre procédure, les diplômes délivrés par les 
établissements d'enseignement supérieur habilités par celui-ci. Il 
appartiendra aux juristes de dire si un accord d'une telle importance 
pouvait être rendu applicable comme une simple mesure technique et non 
par une autorisation législative. Tenons-nous en pour l'heure aux 
principes en cause. Ils sont nombreux et essentiels.

SOUS L'AUTORITÉ CANONIQUE

Tout d'abord, le monopole de délivrance des diplômes constitue une 
garantie concrète de l'égalité entre les étudiants d'une part, entre 
leurs professeurs d'autre part. C'est aux mêmes critères, à la même 
aune, que l'autorité publique évalue la qualité des formations 
universitaires. Cette règle d'égalité est aujourd'hui rompue puisqu'une 
simple habilitation par le Saint-Siège, dont on comprend bien qu'elle 
peut être accordée sur des critères non scientifiques, vaut 
reconnaissance par l'Etat de certains diplômes.

Ensuite, il convient de souligner que la colonne vertébrale laïque de 
notre enseignement supérieur garantit également l'égalité entre les 
religions elles-mêmes. Qu'adviendra-t-il demain si d'autres autorités 
religieuses exigent, comme elles y seraient fondées, la reconnaissance 
par la France de titres universitaires sur lesquels l'Etat serait privé 
de toute appréciation ? La faveur aujourd'hui accordée à la religion 
catholique fournit l'occasion de rappeler à Nicolas Sarkozy que l'idée 
laïque n'est pas le plus petit dénominateur commun des influences 
religieuses, mais un principe intransigeant, non susceptible de 
négociation, voire de modernisation.

Mais le paradoxe est peut-être ailleurs : la rupture opérée par le 
décret porte atteinte à la liberté des institutions d'enseignement 
catholique elles-mêmes. Etre strictement laïque ne signifie pas être 
intégriste de la laïcité et, pour les radicaux (qu'on se rappelle les 
controverses entre Clemenceau et Jaurès !), l'enseignement peut n'être 
pas public. Il doit toutefois éclairer les consciences. Or en étendant 
l'accord aux enseignements profanes, la France a remis sous l'autorité 
canonique mais aussi "scientifique" du Vatican des institutions qui 
s'accommodaient mieux du contrôle tolérant de l'Etat que des injonctions 
vétilleuses de l'Eglise catholique. Un seul exemple en convaincra : les 
cinq "cathos" françaises devront-elles demain traiter à parts 
"scientifiques" égales le créationnisme et l'évolutionnisme ? Allons, il 
est encore temps de reculer et de renoncer à ce funeste accord. Temps 
aussi de dire aux autorités de l'Etat que, dans une République 
conséquente, la loi doit respecter la foi, mais la foi ne doit pas 
dicter la loi.

Jean-Michel Baylet, président du Parti radical de gauche (PRG) et 
sénateur du Tarn-et-Garonne

Article paru dans l'édition du 21.05.09.

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Denis Lebioda - Ligue de l'enseignement
Chargé de mission Alpes du Sud
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