[Laicite-info] «Cette loi met en danger l'école publique de proximité»
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 6 Oct 16:37:24 CEST 2009
«Cette loi met en danger l'école publique de proximité»
Par MARIE PIQUEMAL
Publié par :
http://www.liberation.fr/societe/0101595426-cette-loi-met-en-danger-l-ecole-publique-de-proximite
Le : 06/10/2009 à 12h26
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Des députés divers gauche ont décidé ce mardi de déposer un recours
devant le Conseil constitutionnel contre la loi Carle qui favorise selon
eux, les établissements privés au détriment des écoles primaires
publiques.
Des députés divers gauche¹ ont décidé ce mardi de déposer un recours
devant le Conseil constitutionnel. Ils s'opposent à la loi Carle adoptée
par l'Assemblée le 28 septembre dernier sur la participation des
communes au financement des écoles privées sous contrat. C'était
pourtant un compromis laborieusement trouvé, mais en France la guerre
scolaire est toujours prête à se rallumer.
Le sujet n'est pas simple, carrément compliqué même. Il touche à des
principes républicains fondamentaux: la laïcité, la liberté
d'enseignement et la conception même du service public de l'éducation.
Reprenons depuis le début.
Un vieux débat
Depuis la loi Debré, dont on célèbre cette année le 50 e anniversaire,
la commune doit assurer les frais de fonctionnement des écoles primaires
installées sur son territoire, qu'elles soient publiques ou privées.
Reste une question: qui doit payer pour les élèves scolarisés dans une
ville voisine, et a fortiori dans un établissement privé?
Un amendement de 2004 (article 89) a tranché maladroitement la question,
estimant que la commune de résidence était tenue de payer sans condition
pour les élèves résidant sur son territoire mais scolarisés ailleurs
dans le privé. Aussitôt, tollé général dans les rangs laïques mais aussi
des maires, de droite comme de gauche.
Du coup, cet article 89 n'a jamais été vraiment appliqué, de nombreuses
municipalités refusant de payer par principe ou parce que la charge
financière était trop importante. « La somme forfaitaire varie, selon
les communes, entre 400 et 1400 euros par élève par année. Et il y a
400.000 élèves potentiellement concernés... Ce n'est pas rien», explique
Laurent Escure, secrétaire général du Comité national d'action laïque
(CNAL) qui regroupe plusieurs associations et syndicats comme
l'UNSA-Education, la Ligue de l'enseignement et la FCPE.
La nécessité d'une nouvelle loi
De peur de voir la guerre public-privé se rallumer, tout le monde -y
compris l'enseignement catholique- s'accordait sur la nécessité de
revoir cet article 89 et de trouver un compromis applicable. De fait,
l'adoption d'une nouvelle loi le 28 septembre dernier pour réparer la
précédente allait plutôt dans le bon sens.
Texte de compromis, la loi Carle prévoit quatre cas dans lesquels la
commune reste tenue de participer aux frais de scolarité d'un élève
scolarisé dans le privé d'une autre ville: lorsque les capacités
d'accueil de la commune de résidence sont insuffisantes, en l'absence de
garderie ou de cantine, pour des raisons médicales, ou en cas de
rapprochement de fratrie. «C'est bien plus restrictif que l'ancien
article 89... Mais on préfère accepter ce compromis et qu'il soit
appliqué», concède avec diplomatie Jean-Marie Lelièvre, secrétaire
général de la Fédération nationale des organismes de gestion de
l'enseignement catholique.
«Même si ce n'est pas favorable pour nous, nous estimons que c'est un
bon compromis politique. Car nous avons le souci de ne jamais rallumer
la guerre scolaire», renchérit Eric De Labarre, le secrétaire général de
l'enseignement catholique, qui souligne par ailleurs l'état préoccupant
de l'immobilier dans le privé sous contrat.
«Nos écoles vont continuer à se vider»
Si l'Association des maires de France estime «avoir obtenu gain de cause
avec cet accord» (lire le communiqué), ce nouveau texte est loin de
faire l'unanimité. Remonté comme une pendule, le député UMP Pierre Cardo
juge les conditions permettant des dérogations pas suffisamment
restrictives. «Vous savez comme moi qu'il n'est pas très compliqué
d'obtenir un certificat médical... Au final, cette loi n'arrange rien,
nos écoles publiques vont continuer à se vider au profit
d'établissements privés plus réputés», regrette cet ancien maire de
Chanteloup-les-vignes (dans les Yvelines).
Le problème se pose avec une extrême acuité pour les communes rurales
qui ont parfois du mal à remplir leurs classes et à maintenir l'école
ouverte. «Cette loi met clairement en danger l'école publique de
proximité», estiment les Verts, dans un communiqué de presse qui voient
dans cette loi une façon de «déshabiller Karima et Jacques pour habiller
Saint-Paul !»
Pour le parti socialiste, «c'est encore un exemple de la politique
délibérée du gouvernement de favoriser l'enseignement privé», pointe du
doigt Bruno Julliard, chargé des questions Education. «Il n'y a qu'à
voir les suppressions de poste... Bien plus importantes dans le public
que dans le privé!» Plus grave, la conception même du service public de
l'éducation est menacée. «Tout se passe comme si l'élève était un client
à qui la commune délivre un chèque éducation qu'il est libre d'utiliser
comme il le souhaite...»
1 Les députés des groupes Socialiste, radical et citoyen (SRC) et Gauche
démocrate républicaine (GDR) ont décidé de déposer un recours.
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Denis Lebioda
Ligue de l'enseignement - Chargé de mission Alpes du Sud
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