[Laicite-info] Le débat sur le port de la burqa tourne au piège intégral,

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 28 Sep 10:04:08 CEST 2009



Le débat sur le port de la burqa tourne au piège intégral, 

par Stéphanie Le Bars
Publié par : LE MONDE 
Le : 25.09.09 

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L'ouverture du débat sur la présence de femmes intégralement voilées en
France est en train de se transformer en un piège à plusieurs détentes.
Il fournit des armes aux extrémistes de tous bords, radicalise les
positions, embarrasse les musulmans et trouble même ceux qui pensaient
avoir sur le sujet des idées claires. Enfin, l'émotion collective que
suscite la vision de ces femmes en France donne à certains l'occasion
d'un discutable amalgame, englobant dans une même condamnation les
musulmanes portant le foulard islamique "classique" et ces adeptes du
voile intégral, traduction désormais admise des termes niqab ou burqa.






Partis bille en tête sur la nécessité de légiférer pour interdire la
présence du niqab dans l'espace public français, certains députés de la
mission d'information parlementaire réunie sur le sujet à l'initiative
du communiste André Gerin mesurent, au fil des auditions menées depuis
juillet, la complexité de la tâche et l'étroitesse de la voie
législative.

Députés proches du camp laïc, familiers du combat anti-sectes ou élus
inquiets de la montée de l'islam, les membres de la mission ont lancé
leurs travaux pour "mettre un terme à cette dérive communautariste
contraire à nos principes de laïcité, à nos valeurs de liberté,
d'égalité, de dignité humaine". Mais l'éradication du voile intégral
peut-elle être obtenue au nom de la laïcité ?

Pris en tenailles entre les propos de Nicolas Sarkozy affirmant, le 22
juin à Versailles, que la burqa n'est "pas un problème religieux", et la
conviction que le niqab marque une pratique "radicale et
fondamentaliste" de la religion musulmane, les députés ont appris que,
pour la plupart des spécialistes de l'islam, "le voile intégral ne
relevait pas d'une prescription coranique". Une position évidemment
contestée par les femmes concernées et par leurs référents théologiques
issus des mouvements salafiste et tablighi. Revenait-il alors aux
députés de définir l'intégrisme religieux, de circonscrire les "bonnes
pratiques" islamiques en France et d'interroger l'éventuelle
signification politique d'une telle tenue ? Non.

Une partie des députés en appellent à une action menée au nom de la
dignité de la femme et de l'égalité entre les sexes, que beaucoup jugent
bafouées par ce drap noir. Sur ce point, les femmes en niqab et, plus
largement les opposants à la loi, ont beau jeu de pointer d'autres
atteintes à la dignité de la femme, dénudée ou chosifiée à des fins
commerciales, et demander que l'on s'attaque pareillement à ces abus.

L'assimilation à des dérives sectaires - difficiles à étayer -, le
trouble à l'ordre public potentiellement suscité par ces femmes et les
problèmes de sécurité que pose leur tenue constituent d'autres portes
d'entrée. Avec à la clé une nouvelle question : si elles acceptent de
dévoiler leur visage lorsque la sécurité l'exige, faudra-t-il que la
République décide de réglementer la tenue de citoyens sur la voie
publique ?

La volonté, largement partagée, de mettre fin à un phénomène marginal
qui choque violemment l'opinion publique soulève, on le voit, de
nombreuses questions de principe, auxquelles il faut ajouter le trouble
qui s'est aussi emparé de la communauté musulmane. Si, dans son
ensemble, elle se montre opposée à une loi, la mise en lumière de ces
nouvelles pratiques religieuses, liées à des courants marginaux de
l'islam de France, l'embarrasse.

Une forme de solidarité obligée avec les "soeurs" en niqab se dessine
dans les milieux musulmans, y compris parmi les plus hostiles à l'islam
radical. L'émergence et le développement du niqab signent aussi l'échec
de "l'islam du juste milieu" - concept dont se prévaut l'islam de France
- à rallier les franges les plus jeunes et les plus identitaires de ses
fidèles, hommes ou femmes. La "pédagogie" prônée par le Conseil français
du culte musulman (CFCM) ne suffira pas à convaincre la majorité de ces
femmes d'abandonner une pratique qui les place, de leur propre point de
vue, dans une élite religieuse nourrie de références théologiques
étrangères.

Ce débat risque enfin de compliquer la difficile normalisation de la
présence de l'islam en France. S'étant sentis particulièrement visés par
l'adoption de la loi de 2004 qui interdit les signes religieux à
l'école, nombre de musulmans ressentent le débat actuel comme une
nouvelle stigmatisation de l'islam. Les discussions en cours montrent
qu'un amalgame se dessine entre la burqa et le foulard islamique.

Suivies par une partie de l'opinion publique, de nombreuses voix
estiment que la seule différence entre les deux pratiques relève d'une
"longueur de tissu", ignorant la volonté d'intégration des unes face à
la démarche d'autoexclusion des autres. Interdites de perspectives
professionnelles dans le secteur privé et la fonction publique, les
musulmanes portant un "simple" voile dénoncent des tentatives
d'extension de la loi de 2004 à l'espace public. Une source de
frustrations qui amène celles qui le peuvent, notamment les plus
diplômées, à quitter la France.

En lançant le débat, la mission parlementaire a créé une attente et
s'est imposé une obligation de résultats. Face à la complexité du sujet,
elle pourrait avoir du mal à obtenir un consensus politique aussi
général que sur la loi de 2004.





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Denis Lebioda
Ligue de l'enseignement - Chargé de mission Alpes du Sud
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