[Laicite-info] Laïcité : les grands moments

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 28 Sep 10:02:55 CEST 2009


Laïcité : les grands moments 

Par Charles Conte 
Publié par :
http://www.mediapart.fr/club/blog/charles-conte/250909/laicite-les-grands-moments
Le : 25 Septembre 2009 

***************

La laïcité, qu’est-ce que c’est ? En créant une édition participative
sur ce sujet, la Ligue de l’enseignement entend ouvrir un débat
rationnel et public sur le sujet, en lien avec notre site portail
www.laicite-laligue.org 

La laïcité, qu’est-ce que c’est ? On peut répondre de bien des façons.
Par exemple à partir de cinq grands moments historiques: la Révolution
française avec une légitimité refondée sur la souveraineté du peuple et
non sur une loi divine ; la création d’un enseignement public laïque,
gratuit et obligatoire de 1881 à 1886 ; la séparation des Eglises et de
l’Etat en 1905, la série de lois libératrices en matière de mœurs votées
de 1967 à 1991 et la période actuelle avec l’apparition d’une nouvelle
société multiculturelle. 

La laïcisation du principe de souveraineté

L’Article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26
août 1789  affirme « Le principe de toute souveraineté réside
essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer
d'autorité qui n'en émane expressément ». Le peuple souverain : il est
difficile d’imaginer aujourd’hui la révolution culturelle ainsi opérée.
La monarchie sanctifiée par le corps clérical sous l’Ancien régime est
contestée dans son fondement même. Nul corps (fut-ce le clergé), nul
individu (fut-ce le roi) n’exerce le pouvoir. La légitimité réside dans
le peuple, dans la volonté générale. Ce fut une laïcisation
fondamentale, irréversible.

La laïcisation de l’école 

Pour que le peuple soit souverain, il faut qu’il soit éduqué. Condorcet
offre en 1792 la grande synthèse théorique sur l’Ecole républicaine dont
le but est « de rendre la raison populaire ». Edgar Quinet reprend ces
thèmes dans un tonique essai « L’enseignement du peuple», appelé avec
humour « mon bréviaire » par Jules Ferry. Celui-ci y trouve
l’inspiration profonde des grandes lois instaurant, pour l’enseignement
primaire, la gratuité en 1881, l’obligation et la laïcité en 1882 et la
laïcisation du personnel en 1886. Les Constitutions françaises de 1946,
puis de 1958 affirmeront « L’organisation de l’enseignement public
gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat ».

La séparation des Eglises et de l’Etat

La séparation des Eglises et de l’Etat est votée le 9 décembre 1905. Ses
deux premiers articles énoncent des principes fondamentaux.
«Art 1 La République assure la liberté de conscience ; elle garanti le
libre exercice des cultes, sous les seules restrictions édictées
ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.
Art 2 La république ne reconnaît, ne salarie, ne subventionne aucun
culte. En conséquence, à partir du 1° janvier qui suivra la promulgation
de la présente loi, seront supprimé des budgets de l’Etat, des
départements et des communes toutes dépenses relatives à l’exercice des
cultes.». 
La notion de liberté de conscience est parfois réduite au simple fait de
penser ce qu'on veut. Ce que les juristes appellent le for interne. La
liberté de conscience comporte, au contraire, un caractère public. C'est
le droit fondamental d'exprimer ce que l'on est, de vivre ouvertement
son identité. Et cette liberté n'est pas seulement individuelle. Elle a
un caractère collectif. Car un être humain ne peut se construire que
dans sa relation à d'autres êtres humains. D'abord par l'éducation, puis
par l'échange. 

Les lois de l’amour 

Les interdits d’origine religieuse qui réglementaient les relations
entre femmes et hommes semblent aujourd’hui relever d’une époque
archaïque. Et pourtant … La contraception fut illégale jusqu’au vote
d’une loi en 1967 (interdisant toujours la publicité sur les moyens).
L’éducation sexuelle était inexistante jusqu’à la création d’un Conseil
supérieur de l’information sexuelle en 1973. L’avortement fut réprimé
comme un crime jusqu’en 1975. Le viol était fort peu dénoncé et ce n’est
qu’en 1980 qu’il sera caractérisé comme tel. L’homosexualité aussi bien
féminine que masculine était condamnée. L’âge de la majorité
homosexuelle sera aligné sur l’âge de la majorité hétérosexuelle (15
ans) en 1982. La violence entre époux ou concubins n’était pas dénoncée
jusqu’à sa répression affirmée en 1990. La publicité pour les
préservatifs n’est autorisée que depuis 1991. La politologue Janine
Mossuz-Lavau donne à ces lois le joli nom de « lois de l’amour ».

La nouvelle société multiculturelle

Conséquence directe du colonialisme puis de la politique d’immigration,
la France est aujourd’hui une société multiculturelle. En une
quarantaine d’années, le pays s’est transformé avec aujourd’hui sept à
huit millions de personnes originaires de pays d’Afrique et d’Asie. Les
trois quarts sont citoyens français. Cette situation provoque un
questionnement identitaire général. Toute la querelle, qui dure depuis
déjà vingt ans, sur le port de signes religieux, en particulier du voile
musulman, n’est que la cristallisation, sur un aspect particulier.
Pourtant la France est riche d’une expérience laïque qui fut aussi une
gestion des différences, ce qui est trop oublié. Même si elles étaient
religieuses et non ethniques. La relation entre la laïcité et la
diversité est aujourd’hui au cœur de notre société. A nous de la traiter
de façon rationnelle. 




-- 
------------
Denis Lebioda
Ligue de l'enseignement - Chargé de mission Alpes du Sud
------------






Plus d'informations sur la liste de diffusion Laicite-info