[Laicite-info] Laïcité - 2 articles parus dans Le Monde
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 16 Déc 08:53:16 CET 2010
Les politiques contraints de se positionner sur la laïcité
Publié par : LEMONDE
Le : 14.12.10
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Oubliée, la laïcité positive théorisée par le président de la
République, Nicolas Sarkozy, au début de son quinquennat ! Alors que la
loi de séparation des Eglises et de l'Etat, fondement de la laïcité à la
française, a fêté son 105e anniversaire le 9 décembre, la "défense de la
laïcité" n'a jamais été autant invoquée dans les débats politiques ou
devant les tribunaux.
Mardi 14 décembre, le PS convoque des "Rencontres de la laïcité" pour
"se mettre au clair" sur la question. Dans une ode à la laïcité
"précieuse, orgueilleuse, glorieuse", Jean-Louis Borloo, président du
Parti radical, en a fait le sujet central de son discours lors du "dîner
de la République", organisé le jour anniversaire de la loi de 1905. Le
FN a décidé quant à lui d'ériger ce principe en thème de campagne pour
l'élection présidentielle. Il pourrait en entraîner d'autres dans son
sillage.
Les discours, à droite comme à gauche, et la multiplication des
incidents liés à l'expression d'une croyance religieuse, attestent d'une
crispation de l'opinion publique et des institutions sur ce sujet.
L'affirmation de l'islam dans la société française, vécue par beaucoup
comme un des ratés de l'intégration, et la montée des communautarismes
sont en grande partie à l'origine de cette résurgence et nourrissent les
inquiétudes. Au risque d'une certaine confusion.
Derniers exemples en date : lundi 13 décembre, le jugement du conseil
des prud'hommes de Mantes-la-Jolie (Yvelines) a validé le licenciement
d'une femme voilée. Symptomatique des interrogations actuelles, cette
position va à l'encontre d'une délibération de la Haute Autorité de
lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), qui met
régulièrement en avant la défense de la liberté religieuse.
Dans la foulée de ce jugement, le député socialiste Manuel Valls a
promis un texte de loi pour combler le vide juridique que cette affaire
a, selon lui, soulevé. Le même jour, le tribunal de police de Nantes a
annulé le procès-verbal d'une femme qui conduisait vêtue d'un voile
intégral. Depuis, la loi interdisant cette tenue sur la voie publique a
été promulguée. A l'avenir, faudra-t-il considérer une voiture comme un
espace public ou privé ?, s'interrogent déjà des juristes.
Mais si l'islam est en première ligne, les autres religions, par
ricochet, sont aussi parfois visées. Le 6 décembre, le tribunal
administratif d'Amiens a interdit l'installation par la mairie d'une
crèche de Noël sur la place d'un village, au nom de la laïcité ; le 8, à
l'occasion de la fête des Lumières à Lyon, le quotidien gratuit 20
minutes a renoncé à publier une publicité payée par le diocèse : ce
dernier y rappelait l'origine religieuse de la fête, organisée le jour
de l'Immaculée conception et y avait inséré un "Je vous salue Marie".
"On assiste aujourd'hui à un appauvrissement de la laïcité, constate le
philosophe Paul Thibaud. Elle devient négation. Or une laïcité qui fait
le vide ne saura pas répondre aux nouveaux défis posés par l'islam."
Ces faits de société, aussi différents soient-ils, obligent élus et
juristes à de nouvelles réflexions sur la laïcité. D'autant que ce
concept aussi plastique que celui de "République" est unanimement brandi
par l'ensemble de l'échiquier politique. "On s'est rendu compte durant
le débat sur la burqa ou après le discours de Nicolas Sarkozy au Latran
ou à Riyad (sur la laïcité positive) que l'on avait besoin d'être au
clair sur l'essentiel", reconnaît Jean Glavany, spécialiste de la
laïcité au PS. Une gageure dans une formation qui, sur le voile
intégral, n'a pas su dégager une position commune.
Chez les socialistes, tous ne partagent pas l'attitude de M. Valls, jugé
offensif sur les questions de laïcité. Certains s'inquiètent d'une
surenchère législative. A la suite de l'affaire de la crèche Baby Loup,
la volonté de M. Valls d'élargir le principe de neutralité et de laïcité
en interdisant tous signes religieux dans les structures accueillant des
enfants laisse perplexe. "Faudra-t-il interdire les croix dans les
écoles catholiques ?", s'interrogent certains.
Peu suspect d'accommodement avec la laïcité, l'ancien grand maître du
Grand Orient de France, aujourd'hui président de l'Observatoire
international de la laïcité, Jean-Michel Quillardet, craint aussi
qu'"une législation uniquement répressive ne se révèle contre-productive
et n'alimente des crispations inutiles". Il s'inquiète surtout d'une
instrumentalisation du principe de laïcité par les extrémistes,
notamment de droite. "La défense de la laïcité ne doit pas servir à
exprimer une xénophobie et un racisme anti-musulman", prévient-il.
Le discours du FN qui, à l'instar de ses homologues européens, mène un
combat contre "l'islamisation de la société", ou les positions d'une
association telle que Riposte laïque semblent lui donner raison. La
laïcité s'y entend uniquement comme la "catho-laïcité", communément
admise par l'imaginaire national durant des décennies.
"La laïcité n'a jamais consisté à "respecter toutes les religions"",
peut-on lire sur le site de Riposte laïque en réaction, indignée, à
l'interdiction de la crèche de Noël. "Certaines ne sont pas
respectables. La laïcité ne consiste pas davantage à étouffer nos
traditions sous prétexte qu'elles ont quelque lien (...) avec le
christianisme."
Soucieux de ne pas limiter leur réflexion aux seules questions posées
par l'irruption des pratiques musulmanes, les socialistes entendent eux
s'interroger sur l'attitude de "l'Eglise catholique face à la recherche
sur les embryons" ou "les contestations de cours de sciences de la part
d'élèves évangéliques". Une manière de ne pas "stigmatiser" uniquement
le potentiel électorat musulman.
Stéphanie Le Bars
Les partisans de Marine Le Pen veulent faire de la laïcité un thème
porteur pour 2012
Publié par : LEMONDE
Le : 14.12.10
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Laïcité" et "République". Deux concepts que Marine Le Pen entend
incarner lors de la campagne de 2012. Le tollé qu'ont provoqué ses
déclarations rapprochant les prières musulmanes dans la rue et
l'Occupation (Le Monde du 13 décembre) a fini de convaincre la
vice-présidente du FN et son entourage de faire de la "défense de la
laïcité" un de leurs axes majeurs pour 2012.
"Je persiste et signe", a déclaré Mme Le Pen lors d'une conférence de
presse au siège du FN à Nanterre, lundi 13 décembre, même si elle a
semblé revenir légèrement sur ses propos qu'elle a qualifiés
"d'hyperbole", fruits d'une "analyse mûrement réfléchie". Le Mouvement
contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) et la Ligue
des droits de l'homme (LDH) ont, par ailleurs, déposé plainte contre Mme
Le Pen pour "pour provocation à la discrimination, à la haine et à la
violence".
A un mois de la tenue du congrès de Tours, qui verra soit Marine Le Pen
soit Bruno Gollnisch succéder à Jean-Marie Le Pen à la tête du FN, la
vice-présidente du parti d'extrême droite agit déjà comme si elle avait
remporté le scrutin interne et qu'elle était entrée en campagne. "Le
vrai défenseur de la République, c'est moi !", a lancé lundi Mme Le Pen.
Répondant aux déclarations de Jean-François Copé, secrétaire général de
l'UMP, et de Martine Aubry, première secrétaire du PS, Marine Le Pen a
poursuivi : "En s'exprimant ainsi, la coalition UMPS a montré que la
réponse aux atteintes à la laïcité ne viendrait pas d'elle."
"Ce beau et grand principe"
Selon elle, il y a un vide politique sur cette question qu'elle entend
occuper, et le plus vite possible : "Je vais lancer une grande campagne
sur la défense de la laïcité, puisque le FN finit par être le seul
mouvement à être capable de défendre ce beau et grand principe de la
République française."
Son entourage partage la même analyse. "On ne s'attendait pas à un tel
retentissement, on est très contents. C'est le début de la
présidentielle", se réjouit Bruno Bilde, un de ses proches conseillers.
"La laïcité sera un des éléments importants de la campagne", a-t-il
continué. Pour lui, c'est "un thème-clé, comme l'économie et le social.
Il regroupe les questions d'immigration et d'atteintes à la République".
Louis Aliot, autre proche de Mme Le Pen, est sur la même longueur
d'onde. "La laïcité, c'est le refus du communautarisme. C'est le
meilleur rempart contre l'islamisme radical et son expansion", estime-t-il.
Pour autant, est-ce que l'électorat frontiste se reconnaît dans ces
valeurs ? Mme Le Pen veut le croire. "L'écho de ce sujet est très grand
chez les électeurs du FN, mais aussi chez les Français. Ils voient que
la laïcité est en train de s'effondrer", assure-t-elle. Louis Aliot fait
un constant similaire et ajoute que "c'est un thème porteur. Cela touche
autant la droite, les classes populaires que la gauche".
Le thème de la laïcité qui permet, par un jeu rhétorique, de justifier
de violentes attaques contre l'islam et les musulmans n'est pas nouveau
chez Marine Le Pen. Fin 2009, à l'occasion du débat sur l'identité
nationale et de la votation suisse sur l'interdiction des minarets, Mme
Le Pen se présentait déjà comme "l'une des dernières défenseuses de la
laïcité".
Cette polémique est en tout cas la preuve, pour Louis Aliot, qu'il y a
"deux diabolisations". "L'une est une diabolisation négative, qui a
trait à la seconde guerre mondiale", c'est celle-là que condamne Marine
Le Pen. "L'autre, explique M. Aliot, c'est une diabolisation "positive""
pour le FN. "Les médias diabolisent des propos qui concernent
l'immigration, l'islamisation et les revendications communautaires." Il
assure que, "dans l'opinion publique, des propos comme ceux de Marine Le
Pen, c'est une libération des esprits".
Abel Mestre
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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