[Laicite-info] Emile Poulat : « Le code de la laïcité est insatisfaisant »

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 3 Nov 08:48:53 CET 2011


Emile Poulat : « Le code de la laïcité est insatisfaisant »

Publié par : http://www.la-croix.com
Le : 01/11/11
RECUEILLI PAR LOUP BESMOND DE SENNEVILLE

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L’historien français, spécialiste de la laïcité, aurait souhaité que le 
ministère de l’intérieur publie réellement l’intégralité des textes en 
vigueur et de la jurisprudence.

Selon lui, la laïcité définie par la loi est très différente de l’idée 
que l’on s’en fait.


ENTRETIEN Émile Poulat, historien

« La Croix » : Que pensez-vous de l’idée du ministère de l’intérieur de 
publier un code de la laïcité, ce qu’il a fait la semaine dernière (1) ?

Émile Poulat : Il y a eu un débat sur la laïcité qui a révélé beaucoup 
de confusions autour de ce thème. On s’est aperçu que personne ne savait 
ce dont on parlait, que personne n’avait lu la loi de 1905 au-delà de 
ses deux premiers articles. Et il y en a 421 qui suivent ! La laïcité 
n’est pas celle que l’on croit. On dit fréquemment que la laïcité est la 
séparation de l’Église et de l’État. Or, dans le texte de la loi de 1905 
ne figure ni le mot « laïcité », ni le mot « séparation », ni le mot « 
Église ». En réalité, la séparation entre l’Église et l’État est très 
relative : l’État est par exemple propriétaire des édifices de culte et 
l’Église affectataire. Il faut bien qu’entre eux, ils entretiennent des 
rapports. De la même façon, aujourd’hui, les commissions diocésaines 
d’art sacré sont quasiment des commissions mixtes composées de 
représentants de l’Église et de l’État. Le curé et le maire ne peuvent 
passer leur temps à se disputer. Bref, comme on a vu que personne n’y 
connaissait rien, on s’est dit qu’on allait rassembler les textes.

Quel jugement portez-vous sur le résultat ? A-t-il atteint son but ?

À mon avis non. Ce volume représente un très gros travail, mais il est 
insatisfaisant. Ce qui me paraît positif, c’est la collation qui a été 
faite ici : en dehors d’un travail effectué par le président de la Ligue 
de l’enseignement, Jean-Michel Ducomte, il n’existait aucun équivalent. 
Nous sommes ici devant des textes dont personne jusqu’à aujourd’hui ne 
maîtrisait la base, je dirais même le fatras.

Par exemple, lorsque l’on évoque la loi de 1905, de quel texte 
parle-t-on ? Cette législation a été modifiée plus de 50 fois en un 
siècle ! Elle contient encore des articles qui, même s’ils sont 
parfaitement obsolètes, sont pourtant toujours en vigueur, comme les 
dispositions concernant le service militaire des séminaristes en cours 
d’étude…

Mais c’est justement la limite du travail effectué par le ministère de 
l’intérieur. Rassembler des textes est relativement facile. Mais il faut 
non seulement les organiser – le code est classé par chapitres, « la 
laïcité dans les services publics », « l’organisation des cultes », « 
l’exercice de la liberté religieuse » – mais aussi les apprécier. Et ce 
travail-là n’a pas été fait. Il est déjà question de publier une édition 
rectifiée. Aujourd’hui, on est dans le bricolage. Il faut en sortir.

Comment auriez-vous procédé ? Faut-il rouvrir ou toiletter la loi de 1905 ?

On est devant un tel travail que tout le monde y renonce. Mais il 
faudrait au moins faire un état des lieux systématique des textes en 
vigueur. Pour cela, je pense qu’il existe une solution économique, en 
classant en trois catégories tous les textes touchant à la laïcité : 
premièrement, les textes juridiques et réglementaires actuellement en 
vigueur, en précisant s’ils sont obsolètes ou toujours actuels. 
Deuxièmement, il faudrait publier la jurisprudence. Puis dans un 
troisième étage, ce que j’appelle des compléments historiques, comme les 
lois qui sont aujourd’hui complètement abrogées mais qui peuvent encore 
servir de référence historique.

Ne faudrait-il pas aussi retoucher la loi de 1905 pour tenir compte, par 
exemple, de l’islam ?

Mais cette loi concerne tout le monde ! Sous l’Ancien Régime, seul le 
culte catholique était autorisé. Sous le Concordat, quatre cultes 
étaient reconnus. Avec la loi de 1905, tous les cultes sont libres de 
s’exercer, qu’ils soient déjà présents ou qu’ils débarquent un jour. La 
place est donc libre pour accueillir des musulmans et des hindous. Si 
nous étions sous le Concordat, comme en Alsace et Moselle, l’islam 
serait dans une situation difficile. Mais dans le régime intérieur de la 
France, l’islam a toute sa place. La seule différence est que les 
religions qui arrivent n’ont pas de lieux de culte : c’est un problème 
de moyens, pas de droit.

La laïcité sera-t-elle au centre de la campagne présidentielle ?

Je ne crois pas. La majorité des électeurs s’intéresse aux grandes 
questions, et pas à ces petits problèmes qui agitent les médias.

Faut-il défendre une forme de laïcité apaisée ?

Ce n’est pas la laïcité qui doit être apaisée, mais la société 
française. Elle l’est d’ailleurs de plus en plus, notamment parce que 
ses membres apprennent à vivre paisiblement. La Ligue de l’enseignement 
ou le Parti communiste, qui étaient autrefois très anticléricaux, le 
sont beaucoup moins. Par ailleurs, la société a des problèmes plus 
urgents à régler que le cléricalisme : le logement ou la pauvreté.

(1) Laïcité et liberté religieuse. Recueil de textes et de 
jurisprudence. Les éditions des Journaux officiels, 19 €.

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Denis Lebioda
Chargé de mission 
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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