[Laicite-info] En cinq ans, le débat a glissé d'une laïcité positive vers une laïcité restrictive

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 10 Fév 09:58:58 CET 2012


En cinq ans, le débat a glissé d'une laïcité positive vers une laïcité 
restrictive

ANALYSE
Publié par : LEMONDE
Le : 08.02.12

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Sur la laïcité, comme sur le reste, le quinquennat de Nicolas Sarkozy 
avait démarré sur des promesses de rupture. La laïcité positive, exaltée 
dans son discours de Saint-Jean de Latran, à Rome, en décembre 2007, 
devait en finir avec un supposé cantonnement des religions dans la 
sphère privée. Pourtant, cinq ans plus tard, ce sont les crispations 
suscitées par certaines outrances de ce discours qui semblent l'avoir 
emporté sur la tonalité générale du propos. Plus sensibles encore, le 
thème de l'identité nationale, les polémiques à répétition sur la place 
de l'islam dans la société et le débat sur la laïcité, voulu par l'UMP 
et le gouvernement pour faire pièce au combat du Front national sur ces 
questions, ont donné une coloration nouvelle à ce dossier.

Le chef de l'Etat a beau encourager les religieux à prendre part aux 
débats de société, ainsi qu'il l'a encore fait lors de ses voeux aux 
responsables des cultes, ces polémiques ont fini par instiller dans 
l'opinion publique, et chez nombre de responsables politiques, une 
certaine méfiance vis-à-vis des religions. Le culte musulman était 
certes le premier visé, mais l'ensemble des autres confessions semblent 
en avoir pâti. Evêques, pasteurs et rabbins s'en font désormais 
régulièrement l'écho auprès des responsables politiques de tous bords.

LIMITES FRANCHIES

La France semble faire face aujourd'hui au retour à un certain 
"laïcisme" , tout au moins dans le discours politique affiché. Ce climat 
amène les différentes forces politiques à réinterroger les équilibres 
subtils et les aménagements implicites du concept de laïcité à la 
française. En oubliant parfois que l'étalon permettant de mesurer le 
degré de laïcité d'un programme, d'un discours ou d'une décision, a été 
fixé par Marine Le Pen, engagée dans sa croisade contre l'islam.

A ce jeu, les partis républicains n'ont pas hésité à franchir quelques 
limites. A droite, c'est l'UMP qui a prétendu interdire les prêches en 
arabe - oubliant au passage qu'il faudrait aussi proscrire les messes 
arabophones des chrétiens d'Orient. Au gouvernement, c'est le ministre 
de l'éducation nationale, Luc Chatel, qui a entrepris d'interdire aux 
mères d'élèves voilées d'accompagner les sorties scolaires, ou celui de 
l'intérieur, Claude Guéant, qui, à plusieurs reprises, a laissé entendre 
que l'islam posait problème. A gauche, ce sont les sénateurs radicaux et 
socialistes qui, par une proposition de loi, adoptée en janvier, ont 
décidé d'encadrer l'expression religieuse des assistantes maternelles - 
musulmanes -, y compris lorsqu'elles gardent des enfants à leur domicile.

C'est dans ce contexte que François Hollande, candidat socialiste à 
l'élection présidentielle, a cru devoir inscrire dans ses soixante 
propositions un périlleux engagement. Au nom de son attachement 
"viscéral" à la laïcité, que son entourage estime "dévoyée", il a 
proposé de sanctuariser dans la Constitution les premiers articles de la 
loi de 1905. Et notamment l'article 2 qui indique que "la République ne 
reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte". Le message était 
censé rassurer les plus laïques de ses troupes et surenchérir sur les 
postures de ses adversaires politiques ; il a rapidement été brouillé 
par sa volonté de protéger l'exception concordataire d'Alsace et de 
Moselle qui permet aux pouvoirs publics de subventionner les cultes. Au 
final, on retient toutefois une volonté de "graver dans le marbre", 
selon les mots de Pierre Moscovici, le directeur de campagne de M. 
Hollande, un texte qui a pourtant donné lieu à de nombreux aménagements 
législatifs ou réglementaires. Des adaptations admises par tous les 
courants politiques, qui, au cours du siècle passé, ont permis, et 
permettent encore, avec pragmatisme, de "garantir le libre exercice du 
culte", autre obligation de la République (article 1 de la loi de 1905).

Les glissements vers un encadrement accru de l'expression religieuse 
dans l'espace public sont aujourd'hui perceptibles jusque dans 
l'appréciation de certains juges administratifs. Des décisions ou des 
avis du Haut Conseil à l'intégration ont récemment été rendus en 
contradiction avec la jurisprudence constante du Conseil d'Etat, qui 
défend une conception libérale de la laïcité.

M. Sarkozy avait théorisé la laïcité positive ; paradoxalement, son 
quinquennat semble avoir posé les bases d'une laïcité plus restrictive.

Stéphanie Le Bars

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Denis Lebioda
Chargé de mission 
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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