[Laicite-info] Manuel Valls, un "laïc exigeant" face aux religions
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Ven 1 Juin 16:32:26 CEST 2012
Manuel Valls, un "laïc exigeant" face aux religions
Publié par : LE MONDE
Le : 01.06.2012
Par Stéphanie Le Bars
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S'ils ne partagent pas tous, loin s'en faut, la conception de la laïcité
de Manuel Valls, ses futurs interlocuteurs religieux le savent intéressé
par la question et, officiellement, s'en félicitent. Le nouveau ministre
de l'intérieur, chargé des cultes, est l'un des rares responsables
socialistes à avoir adopté des positions tranchées sur des dossiers
récents liés à la laïcité et à l'islam. Désormais responsable de ces
questions, qu'il se targue de bien connaître, il pourrait être amené à
adopter un discours plus nuancé.
Dès sa première intervention devant des interlocuteurs religieux en tant
que ministre, lors du dîner du Conseil représentatif des institutions
juives de France, (CRIF) de Marseille le 21 mai, il a précisé la ligne
qu'il entendait suivre sur ces questions.
"L'esprit qui anime le président de la République et le premier ministre
est celui de la confiance et de l'apaisement. Des croyances, des
appartenances, des cultures, des origines mêmes ont été renvoyées dos à
dos. Ce n'est pas cela la République ! Dans la République, tout le monde
doit avoir sa place, aucune religion, aucune communauté, aucun groupe ne
doit en être écarté, a-t-il affirmé. Les Français de confession
musulmane n'ont pas à être stigmatisés. Ils sont la France et ils
enrichissent, comme les autres, notre pacte républicain."
LA LAÏCITÉ, UN "PRINCIPE AVEC LEQUEL ON NE TRANSIGE PAS"
Interrogé, jeudi 31 mai, sur BFM-TV-RMC, M. Valls a réaffirmé que l'"on
peut être Français musulman, pratiquer, travailler, étudier dans ce pays
sans que chaque jour quelqu'un vous désigne du doigt comme le coupable
des problèmes du pays". Il a par ailleurs estimé qu'il fallait "traiter
de manière sereine" des sujets soulevés lors de la campagne, tels que la
filière de la viande halal ou casher.
Ce ton rompt avec celui du gouvernement précédent, qui avait fait de
l'islam un thème dominant et polémique. Mais il n'empêche pas des
convictions claires sur "la séparation salutaire" entre sphère privée et
sphère publique en matière de croyances. "Toute spiritualité, qui est
avant tout un chemin personnel vers des questions pour lesquelles la
République n'a pas et ne doit pas avoir de réponse, doit être respectée,
mais aussi laissée à la sphère privée. Je serai l'un des garants
vigilants de cette séparation salutaire", a-t-il insisté à Marseille,
rappelant son attachement à une "laïcité exigeante".
En pleine campagne électorale, M. Valls avait aussi, devant la
communauté juive réunie à Paris, résumé sa conception de la laïcité. "La
laïcité n'est pas la négation du religieux, ce n'est pas la fermeture au
sacré et au spirituel. La laïcité est un équilibre permanent et
difficile entre la neutralité de l'Etat, la liberté de conscience et le
pluralisme." C'est un "principe avec lequel on ne transige pas".
Son intérêt pour ces questions est ancien. Il a publié en 2005 un
ouvrage d'entretien sur ces sujets, La Laïcité en face (Desclée de
Brouwer, 2005), dans lequel il plaidait pour une révision de la loi de
1905, estimant qu'elle est régulièrement détournée. Sur le terrain, il
se frotte depuis son élection à la mairie d'Evry en 2001, à de
nombreuses communautés religieuses : la ville abrite une cathédrale, une
des plus importantes mosquées de France et verra prochainement
l'achèvement des travaux de construction de "la plus grande pagode
d'Europe".
Certains de ses interlocuteurs religieux d'Evry voient en lui un "laïque
acharné" ; d'autres un homme surtout opposé au communautarisme, pour qui
"les religions peuvent avoir une place symbolique dans la vie de la
cité, mais pas plus". "Alors que face à l'islam les hommes politiques
français ont tendance à en faire trop ou pas assez, Manuel Valls est
moins complexé et souvent plus clairvoyant, résume aussi un de ses
interlocuteurs non musulmans, quitte à se montrer parfois un peu
interventionniste ; il a une tendance à vouloir régenter les choses." En
2002, le maire s'était opposé à l'ouverture d'un Franprix halal dans un
quartier de sa ville.
RÉPUTATION DE "LAÏCISTE"
Mais ce sont ses engagements plus récents qui ont façonné le profil du
ministre et sa réputation de "laïciste" dans les milieux musulmans,
notamment. En 2010, il fut l'un des quatorze députés socialistes à voter
la loi interdisant le port du voile intégral dans l'espace public. Il a
répété jeudi que cette loi devait être appliquée avec "discernement et
intelligence".
Puis, tout en concédant que ce dossier était "compliqué", il a aussi
rappelé qu'il était favorable à l'interdiction faite aux mères voilées
d'accompagner les sorties scolaires. Une mesure défendue par le
précédent gouvernement et actée dans la circulaire de rentrée 2012, qui
suscite un tollé chez les musulmans.
A plusieurs reprises, il a par ailleurs apporté son soutien à la
directrice de la crèche Babyloup, opposée en justice à l'une de ses
salariées portant le foulard islamique. En avril, il avait été l'un des
rares responsables politiques, hormis le Front national, à s'inquiéter
de la venue de prédicateurs jugés "radicaux" au rassemblement annuel de
l'Union des organisations islamiques de France (UOIF). Leur venue avait
finalement été empêchée par le gouvernement. M. Valls a de son côté
promis de la fermeté face "aux soi-disant théologiens qui prônent, que
ce soit avec des mots durs ou des mots doux, la haine du juif",
indiquant à Marseille qu'il ne les accepterait pas sur "notre sol".
A son nouveau poste, il lui faudra concilier son intérêt pour la
laïcité, ses positions parfois en porte-à-faux avec les embarras
socialistes face à ces questions, l'apaisement promis et les attentes
divergentes des responsables des religions en matière de relations entre
l'Etat et les cultes.
Lire Le CFCM, moribond, attaqué par ses propres fondateurs.
Stéphanie Le Bars
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Nomination du conseiller chargé des cultes au cabinet de Manuel Valls
C'est un jeune énarque de 34 ans, ex-sous-directeur des services
d'incendie et des acteurs de secours à la direction générale de la
sécurité civile et de la gestion des crises au ministère de l'intérieur,
qui sera chargé des cultes au cabinet de Manuel Valls. Nommé conseiller
sécurité civile, le 17 mai, Etienne Stoskopf travaillera sous l'autorité
de Thomas Andrieu, directeur adjoint de cabinet du ministre, au sein du
pôle libertés publiques. Plusieurs personnalités, plus chevronnées sur
ces questions, ont été sollicitées pour s'occuper des cultes mais ont
décliné la proposition.
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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