[Laicite-info] La morale laïque : le formatage citoyen.
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 10 Sep 14:36:03 CEST 2012
La morale laïque : le formatage citoyen.
Publié par :
http://plus.lefigaro.fr/note/la-morale-laique-le-formatage-citoyen-20120903-1163967
Le : 03/09/2012
Par Olivier Vial - président de l'UNI et directeur du CERU (cercle de
réflexion français sur l'éducation et la jeunesse).
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Saluée par une partie de la droite et des éditorialistes, l'annonce
faite par Vincent Peillon d'un retour de l'enseignement de la morale à
l'école a tout du quiproquo. Ceux qui espèrent que "la morale laïque"
promise par le ministre permette un retour aux valeurs et rappelle aux
jeunes français quels sont leurs droits et leurs devoirs vont vite
déchanter.
Si habilement, Vincent Peillon parle de "morale" faisant, ainsi,
implicitement référence à l'école des hussards de la république, ce
n'est que pour mettre en œuvre plus facilement la feuille de route sur
l'école que les socialistes ont adoptée le 11 décembre 2011, lors de la
convention nationale du PS intitulée "Pour l'égalité réelle".
Pour eux, l'objectif de l'école n'a jamais été la transmission des
savoirs. Fidèle à la ligne tracée en 1866 par Jean Macé, le fondateur de
la Ligue de l'enseignement, les socialistes attendent de l'école qu'elle
joue un rôle plus direct afin d'influencer, voire de façonner la société
selon leurs plans.
Pour Jean Macé, l'objectif premier de l'école, ce n'est pas la simple
diffusion du savoir, c'est "l'éducation au suffrage universel". De son
propre aveu, son organisation "poursuit un but essentiellement
politique", qui fixe à l'éducation le soin "de faire des électeurs"[1].
Cette thèse, même si elle n'a pas toujours été aussi clairement
affichée, n'a jamais cessé d'inspirer la gauche et ses alliés au sein du
milieu scolaire [2]. Depuis, comme le note François Ewald, l'école est
devenue le "lieu privilégié de l'initiation à la République, elle est
chargée de "fabriquer" le citoyen de la démocratie "égalitaire".[3] On
lui a, ainsi, fixé pour mission d'apprendre aux enfants "les gestes
citoyens", les comportements "éco-responsables", et le catéchisme
"politiquement correct". "Et cela, non pas en s'appuyant sur le capital
social dont l'enfant hérite de sa communauté d'origine [quitte à
l'enrichir], mais en prétendant forger un être nouveau."[4]
Dans son entretien au Journal du Dimanche, Vincent Peillon s'inscrit
dans cette tradition en précisant que sa morale laïque est plus large
que la simple instruction civique : " cela comporte une construction du
citoyen [...] mais aussi toutes les questions que l'on se pose sur le
sens de l'existence humaine, sur le rapport à soi, aux autres, à ce qui
fait une vie heureuse ou une vie bonne." Pour parvenir à cela," il faut
être capable d'arracher l'élève à tous les déterminismes, familial,
ethnique, social."[5] Et voici, la famille reléguée au rang des
déterminismes dont il convient de s'émanciper !
Dans son projet "pour l'égalité réelle", le parti socialiste fixe à
l'école l'objectif d'"éduquer pour changer les mentalités et transformer
la société" en luttant contre les " stéréotypes et les préjugés".
"L'éducation permettra de déconstruire les préjugés de genre [...]. Nous
formerons tous les acteurs éducatifs à la question de l'éducation aux
rapports entre les sexes, à partir d'un travail sur les stéréotypes et
les assignations de genre,"[6] et cet enseignement concernera tous les
élèves du CP jusqu'à la terminale.
L'école sera également mobilisée pour lutter contre les discriminations
qui "prennent racine dans les mécanismes de rejet, de domination, qui
persistent dans l'inconscient collectif. Les préjugés et les stéréotypes
ont la vie dure : le seul moyen de les faire reculer durablement est un
engagement politique déterminé de la puissance publique. En agissant sur
les représentations, la puissance publique dispose d'un levier fort pour
transformer l'égalité formelle en égalité réelle. ( Sic ) [7] Quelle
belle définition de la propagande !
La formation des enseignants, chère au nouveau ministre, devra intégrer
"à leur formation initiale et continue des modules permettant
d'appréhender les mécanismes de domination et de les déconstruire avec
les élèves." L'école devra également veiller à "enseigner la richesse et
la diversité de l'histoire de France. Il est nécessaire de montrer que
la France a toujours été traversée par des vagues de migrations"
affirme-t-on de façon péremptoire dans ce texte adopté par l'ensemble du
conseil national du PS.
Pour réussir une telle mission, les enseignants pourront compter sur
l'appui des associations d'éducation populaire. "Pour faire reculer les
préjugés, nous nous appuierons sur le mouvement social et associatif,
qui a un rôle à jouer aux côtés des pouvoirs publics pour faire évoluer
les mentalités.". Vincent Peillon, tout comme François Hollande, savent
qu'ils pourront compter sur ces associations qui demeurent de fidèles
alliées du parti socialiste. Rappelons simplement que les principales
associations d'éducation populaires sont : la ligue de l'enseignement
qui n'a jamais renié sa sympathie " pour tous ceux qui luttent pour la
construction d'une société de type socialiste"[8] et la fédération Léo
Lagrange, émanation historique du mouvement des jeunes socialistes qui
reste présidée par Bruno Le Roux, lieutenant de François Hollande.
Voilà à quoi risque de ressembler la "morale laïque" de Vincent Peillon.
Derrière ces mots se cache un catéchisme gauchisant [9] dont l'objectif
est de formater les citoyens à la pensée politiquement correcte.
Si nous ne voulons pas d'une école "Big Brother", nous devons rester
vigilant et nous rappeler l'avertissement de la philosophe Chantal
Delsol : " dans un pays libre, ce que nous nous flattons d'être,
l'éducation morale est du ressort des familles. L'État peut instruire,
mais il n'éduque pas. On peut douter d'ailleurs que la vertu s'enseigne
comme la grammaire. Nous allons avoir des manuels dans lesquels la
morale se résumera dans le bouclage de la ceinture de sécurité et
l'interdiction de fumer. Car l'ordre moral passe aujourd'hui par ces
momeries. D'autres feront la morale du gender ou bien réduiront tout à
l'écologie. Il sera donc assez utile (euphémisme !) que les parents
vérifient ce qu'on prétend apprendre à leurs enfants en terme de vertu. "
Sage Conseil !
[1] "Pour se souvenir de l'avenir. Brève histoire de la Ligue de
l'enseignement", site internet de la Ligue de l'enseignement.
www.laligue.org
[2] Extrait de "L'école malade de l'égalitarisme" d'Olivier Vial et Inès
Charles-Lavauzelle
[3] François Ewald, "Refonder l'école", la Lettre n°15, Fondation pour
l'innovation politique.
[4] Ibid.
[5] Journal du Dimanche, n°3425, 2 septembre 2012
[6] Convention pour l'égalité réelle- p 36
[7] Agir sur les représentations par le biais de l'action publique pour
changer la réalité, voilà une méthode qui n'est pas très différente de
la définition de la propagande : "la propagande désigne un ensemble
d'actions psychologiques influençant la perception publique des
événements, des personnes ou des enjeux, de façon à endoctriner ou
embrigader une population et la faire agir et penser d'une manière voulue."
[8] "Pour se souvenir de l'avenir. Brève histoire de la Ligue de
l'enseignement", site internet de la Ligue de l'enseignement.
www.laligue.org
[9] selon la formule d'Etienne de Montety dans son éditorial du Figaro,
le 3 septembre 2012.
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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