[Laicite-info] La tribune de Claude Lelièvre : La « foi laïque » ?

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 18 Sep 09:21:27 CEST 2012


La tribune de Claude Lelièvre : La « foi laïque » ?

Publié par : http://www.cafepedagogique.net/l
Le : 18/09/12

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Qui connaît la philosophie de Ferdinand Buisson ? Certainement Vincent 
Peillon. L'auteur de "Une religion pour la République" a longuement 
étudié les ouvrages de l'auteur de "La foi laïque". Claude Lelièvre nous 
amène à réfléchir sur la "morale laïque" chère au ministre.



La laïcité, en France, est perçue le plus souvent comme nécessairement 
a-religieuse ( sinon anti-religieuse ) ; mais cela n’a pourtant rien 
d’évident. La représentation dominante de la laïcité concerne certes 
deux des moments fondateurs les plus importants, à savoir celui de 
l’institution d’une Ecole républicaine et laïque au début de la 
troisième République triomphante et celui de la Séparation de l’Eglise 
et de l’Etat en 1905. Mais c’est une vision qui doit - pour le moins - 
être mise en question, car elle ne correspond pas vraiment à la réalité 
historique, beaucoup plus complexe.



Il suffit d’ailleurs de s’intéresser de près à un personnage pourtant 
emblématique, à savoir Ferdinand Buisson, pour que les interrogations 
commencent. Ferdinand Buisson a été le principal lieutenant de Ferry au 
moment de l’institution d’une école primaire laïque, dont il a été le 
directeur durant 17 ans, et son véritable maître d’œuvre. C’est aussi à 
lui qu’a été dévolu le rôle décisif de conduire la loi de séparation de 
l’Eglise et de l’Etat en tant que président de la Commission de 
séparation. Et cela lui a valu d’être présenté par les adversaires de la 
loi de 1905 comme le mauvais génie de l’anticléricalisme. Il a été 
député radical, puis radical-socialiste ; président de l’Association 
nationale des libres penseurs, puis de la Ligue de l’enseignement. Et 
c’est pourtant le même Ferdinand Buisson qui a fait paraître en 1912 un 
ouvrage intitulé « La foi laïque ».



Ce titre étonnant ‘’interroge’’, c’est le moins que l’on puisse dire. 
Comme l’a déjà mis en évidence l’historien Jean-Marie Mayeur, il s’agit 
– et cela peut paraître à certains un oxymore – d’une « libre pensée 
religieuse, empreinte d’un spiritualisme profond, pénétrée avant tout de 
la conviction que la religion est un besoin éternel de l'âme humaine et 
qu'elle doit faire le fond de la morale laïque, une véritable recherche 
d'une religion de l'avenir ». Une pensée religieuse donc, mais libre, 
car libre vis à vis de toute religion instituée. Et l’on peut citer ici 
Ferdinand Buisson, distinguant « l’âme » et le « corps » de la religion 
: « L’âme de la religion, c’est l’anxiété intellectuelle et morale, 
l’esprit se posant la grande question, le cœur s’interrogeant en 
présence des énigmes de la douleur et de l’amour, la volonté s’exaltant 
dans un effort dont le terme lui échappe [ …] Le corps de la religion, 
c’est ce qui pourrait s’appeler le vêtement que l’esprit religieux se 
tisse avec les matériaux dont il dispose et selon son degré d’art et 
d’expérience . C’est longtemps une suite pitoyable de mythes et de 
rites, de pratiques et de recettes, de faits contre nature et d’idées 
contre raison ». Et Ferdinand Buisson affirme son refus de voir l’âme de 
la religion pétrifiée par son corps : « Ce que nous demandons, ce n’est 
pas qu’elle n’ait pas de corps, c’est que ce corps ne soit pas un cadavre ».



On pourrait se dire que tout cela est du passé, et qu’il ne saurait plus 
y avoir quelque enjeu de cette sorte. Mais cela n’est pas si sûr ; 
surtout si l’on prend en compte sérieusement quelques épisodes récents, 
par exemple l’ouvrage écrit par un certain Vincent Peillon ( et auquel 
il a consacré beaucoup de temps ) paru aux éditions du Seuil en 2010 
sous un titre très évocateur ( voire provocateur ) : « Une religion pour 
la République », avec pour sous-titre « La foi laïque de Ferdinand 
Buisson ». En effet, si l’on pense - à l’instar de Ferdinand Buisson - 
que la religion est une donnée anthropologique fondamentale, alors il se 
pourrait bien que les républicains, les laïques devraient être amenés à 
en tenir compte, voire même la reprendre à leur compte ( à leur façon ). 
Et cela d’autant plus que le déni de cette donnée anthropologique, si 
elle est effectivement fondamentale, risque à plus ou moins long terme 
de se retourner contre eux, aux mains expertes de leurs adversaires 
politiques.



La boucle paraît ainsi bouclée. Mais cette problématique ( dans les 
circonstances actuelles très tendues ) ne paraît guère avoir de chance 
d’être « à l’ordre du jour » de quelque façon que ce soit, et en 
capacité de susciter des considérations d’ordre philosophiques, 
historiques et politiques un tant soit peu consistantes. A moins d’un 
miracle, pour y croire…



Claude Lelièvre


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Denis Lebioda
Chargé de mission 
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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