[Laicite-info] La seule vraie menace contre la laïcité : le sectarisme laïc

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mer 18 Sep 09:42:27 CEST 2013


La seule vraie menace contre la laïcité : le sectarisme laïc

Publié par : 
http://www.liberation.fr/societe/2013/09/16/la-seule-vraie-menace-contre-la-laicite-le-sectarisme-laic_932447
Le : Mardi 17 Septembre 2013
Par : GABRIEL COHN-BENDIT

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Dans les écoles publiques dont je rêve, les jeunes filles avec voile et 
les garçons avec kippa ou avec turban auraient toute leur place. Une 
institution laïque se doit d’accepter des jeunes de toutes confessions 
en respectant leurs prescriptions. Tout jeune professeur en 1968, je me 
suis battu pour le droit à l’expression politique des élèves. La laïcité 
n’a rien à voir avec ce côté lisse qui exclut toutes les aspérités et 
les contradictions de notre société. Elle se doit de les accepter et de 
trouver les formes de leur coexistence. D’où mon indignation à 
l’exclusion de chaque élève pour port de voile de kippa ou de turban. Je 
suis même persuadé qu’à la fin d’une scolarité fondée sur la liberté la 
majorité des élèves entrés avec foulard et kippa ressortiront sans. 
C’est ça, pour moi, le vrai pari de l’école laïque.

Je dirai même plus. Pour moi, dans un établissement public et laïc, il 
pourrait y avoir des enseignants non seulement croyants, ce qui est 
évident, mais appartenant à un ordre religieux - curés, pasteurs, 
rabbins, imams, «bonnes sœurs» - avec tous leurs insignes, d’où mon 
indignation à l’idée d’une nouvelle loi permettant d’exclure 
définitivement une employée de crèche parce qu’elle portait un foulard. 
Après 1968, mon nom était à lui seul un insigne visible d’appartenance 
politique, car je n’ai jamais renié la proximité avec les idées 
proclamées par mon frère, Daniel, je me suis même vanté de les lui avoir 
soufflées. Combien de professeurs marxistes ont marqué leurs élèves, et 
alors ?

Encore une fois, l’école ne peut appartenir à un courant religieux ou 
idéologique y compris athée et se doit d’être ouverte à tous. Il faut 
combattre la laïcité sectaire, ce front uni qui va de l’extrême droite à 
l’extrême gauche en passant par la droite la gauche et le centre qui 
mènent allègrement et ensemble la chasse au foulard. La chasse à la 
kippa n’a jamais existé, personne n’aurait osé après 1945, mais 
aujourd’hui, hélas, tous les enfants juifs de familles croyantes vont 
dans des établissements confessionnels. Demain, il en ira de même pour 
les jeunes filles à foulard, ce sera la grande victoire des «laïcards».

Oui, l’école laïque se doit de respecter, autant que possible, les 
prescriptions de nourriture religieuses, comme l’interdiction de manger 
du porc pour les juifs ou les musulmans, ou idéologiques, comme le refus 
de manger de la viande pour les végétariens. Dans nos établissements 
publics et laïcs, jadis, on ne mangeait du poisson le vendredi, par 
respect pour les catholiques. Respecter n’est pas se soumettre.

Que les élèves aient le droit de remettre en cause la parole de 
l’enseignant est pour moi une évidence, qu’ils aient le droit de 
contester le contenu de telle partie du programme, et alors ? Où est le 
drame? Autre chose serait de supprimer des parties de programmes qui ne 
plaisent pas à X ou Y. Ne pas reculer sur le contenu des programmes des 
sciences et techniques de la vie, mais là encore se rappeler que dans 
les années 1950, on abordait, et seulement en terminale, la 
reproduction… des oursins. Et aujourd’hui, la littérature érotique n’est 
toujours pas au programme des classes de première et terminale, même 
s’il s’agit de romans d’Alfred Musset comme Gamiani, ou d’Apollinaire 
comme les Onze Mille Verges , alors qu’avec de tels livres, nos 
adolescents prendraient sans doute goût à la littérature.

Bien sûr qu’il ne faut pas reculer sur la mixité à l’école. Mais il ne 
faut pas oublier que l’école publique laïque n’est devenue mixte 
qu’après 1950, quant aux grands lycées parisiens, il fallut la secousse 
de 1968 pour qu’ils le deviennent dix ans plus tard.

Un mot sur la morale laïque : elle n’existe pas. Il y a des morales 
religieuses, des morales non religieuses, mais pas UNE morale laïque. 
Ceux qui sont croyants ont une morale toute faite, les autres souvent 
aussi, et un petit nombre tente difficilement de s’en construire une, 
mais qui, pas plus que les autres, n’a le privilège de se dire la seule. 
Alors la toute nouvelle «Charte de la laïcité» fruit du combat des 
laïques sectaires est au mieux inutile, au pire dangereuse.

Je vis en Bretagne. Les «pardons» [procession de pèlerins catholiques, 
ndlr] y sont nombreux, et c’est bien l’espace public qui est utilisé et 
cela ne gêne nullement l’athée que je suis, mais quand il s’agit de 
musulmans…

Si demain une femme était élue et portait un foulard, les députés quasi 
unanimes hurleraient au scandale et pourtant, l’un des personnages les 
plus populaires de notre époque, l’abbé Pierre, a siégé en soutane à 
l’Assemblée, sans que cela fasse scandale, et c’était normal. L’école 
est menacée par bien des choses contre lesquelles il faut se mobiliser 
et là on se mobilise contre quelque chose qui ne la menace pas.

Dernier livre paru : «Pour une autre école, repenser l’éducation, vite 
!» Autrement.

PAR GABRIEL COHN-BENDIT ANCIEN PROFESSEUR, MILITANT DE L’ÉDUCATION 
ALTERNATIVE ET FONDATEUR DU LYCÉE EXPÉRIMENTAL DE SAINT-NAZAIRE
Mardi 17 Septembre 2013 - 10:01


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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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