[Laicite-info] Les Français veulent durcir les règles de la laïcité

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 11 Déc 09:01:43 CET 2014


Les Français veulent durcir les règles de la laïcité

Par Caroline Piquet
Publié par : http://www.lefigaro.fr/
Le : 10/12/2014 à 17:51

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En 2014, moins de 50% des français se disent croyants et ils sont de 
moins en moins à se déclarer pratiquants.

Les résultats d'une étude menée par l'institut Sociovision montrent que 
les Français veulent «une discrétion religieuse» dans la société civile, 
notamment en entreprise, un espace privé que la loi sur la laïcité ne 
régit pas.


Une étude menée par l'institut Sociovision révélée par RTL montre qu'une 
très large majorité des Français souhaitent «la discrétion des 
affirmations religieuses», voire la neutralité des espaces de vie en 
commun, c'est-à-dire dans la rue, à l'école ou au sein de l'entreprise 
dans laquelle on travaille. Comment l'expliquer? Réponses de plusieurs 
spécialistes.
Les pratiques et les croyances religieuses continuent de reculer

Pour comprendre cette tendance, il faut d'abord regarder le mouvement de 
sécularisation qui traverse la société française. En 2014, moins de 50% 
des Français se disent croyants et ils sont de moins en moins à se 
déclarer pratiquants. Alors qu'ils étaient 14% à l'affirmer au milieu 
des années 1990, ils ne sont plus que 10% à le revendiquer aujourd'hui. 
Et ce recul se poursuit ces deux dernières années: il y a 2 points de 
moins de croyants ou pratiquants qu'en 2013, selon l'étude. Résultats, 
les non-croyants et non-pratiquants ont progressé de 7 points en 20 ans.

Les auteurs de l'étude interprètent cette tendance comme un «refus de 
l'emprise du religieux», hérité d'une tradition des Lumières et de la 
laïcité, présente depuis la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et 
de l'Etat. «Le culte disparaît au profit d'une approche plus culturelle 
de la religion, analyse de son côté Jean-Michel Ducomte, professeur à 
Sciences Po Toulouse, spécialiste des questions de laïcité. La 
célébration de Noël, de Pâques ou de tout autre événement s'apparente 
désormais à une tradition plus symbolique qu'à un attachement pour la 
religion».

Les Français, pro laïcité

Dans ce contexte de sécularisation, une large majorité de Français 
souhaitent que la religion soit peu visible dans la vie collective. 
Toujours selon l'étude de Sociovision, menée auprès de 2099 Français 
âgés de 15 à 74 ans, 76% d'entre eux préfèrent une société qui respecte 
la neutralité en matière de religion. La proportion monte à 80% chez 
ceux qui se déclarent catholiques. Mais les Français semblent vouloir 
aller encore plus loin que la loi, qui s'exerce dans les institutions et 
services publics: ils veulent aussi que des endroits privés, comme les 
entreprises, restent des lieux neutres. Ils sont ainsi majoritairement 
opposés au port de signes religieux sur le lieu de travail (82%) ou à 
l'aménagement du temps de travail pour motifs religieux (70%). Par 
ailleurs, ils sont majoritairement (75%) contre la création ou le 
financement sur fonds publics d'écoles privées dispensant des cours 
religieux. Des proportions qui restent identiques chez les catholiques 
déclarés.

Les musulmans réclament moins cette neutralité

Cette perception est pourtant loin d'être partagée par tous. Près de la 
majorité des musulmans français (47%) souhaitent une société où chacun 
puisse exprimer publiquement son appartenance religieuse. D'ailleurs, 
plus de la moitié (56%) trouvent «normal qu'on suive d'abord les règles 
de sa religion avant celles de la société», contre 23% des Français. De 
même, les musulmans pratiquants interrogés ont une vision beaucoup plus 
souple de la religion au travail : par exemple, 60% d'entre eux trouvent 
acceptable le port de signes religieux et la prière sur le lieu de 
travail, contre 18% dans l'ensemble de la population française.

Comment expliquer ce clivage? Pour les auteurs de l'étude, la réponse se 
trouve dans «le rapport des Français à l'Islam, religion minoritaire 
certes, mais qui est le lieu d'affirmations identitaires parfois 
fortes». Philippe Portier, historien et sociologue des religions, 
abonde: «Depuis le début des années 1990, on assiste à un durcissement 
de l'identité musulmane chez les jeunes dûe à une défiance vis-à-vis de 
la société française qui ne tient pas ses promesses d'intégration».

La laïcité française, pas suffisante?

C'est pourquoi les Français cherchent à durcir les règles de la laïcité. 
«Il y a là l'expression d'une peur vis-à-vis d'une population qui 
pourrait remettre en cause le vivre ensemble», poursuit le politologue 
qui pense que cette défiance s'est renforcée depuis l'attentat du 
11-Septembre, l'affaire des caricatures de Mahomet ou plus récemment 
depuis les départs de candidats au djihad en Syrie et en Irak. «En 
laïcisant la société civile, les Français tentent ainsi de restreindre 
la capacité d'affirmation religieuse de l'autre», ajoute celui qui est 
aussi directeur du groupe Sociétés Religions Laïcités (GSRL) au CNRS.

Finalement, cette demande de «discrétion religieuse» globale des 
Français remet en cause les contours de la laïcité française. En effet, 
«la loi vise à faire respecter la neutralité de l'Etat et des services 
publics par rapport à la religion, et non pas à régenter la vie de tous 
les jours», rappellent les auteurs qui concluent ainsi: «Ce qui est en 
jeu, désormais, c'est la séparation du religieux et de la vie civile 
(...) question difficile car elle pose celle des limites de la liberté 
religieuse, mais questions auxquelles n'échapperont ni les institutions 
de la vie civile, comme les entreprises, ni le débat politique».

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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