[Laicite-info] Bianco : «Sur la laïcité, un débat législatif risque d’être très dangereux»
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 19 Juin 09:31:51 CEST 2014
Bianco : «Sur la laïcité, un débat législatif risque d’être très dangereux»
Par : Alice GÉRAUD
Publié par : http://www.liberation.fr
Le : 15 juin 2014
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INTERVIEW
Pour Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité, une
nouvelle loi n’est pas nécessaire, alors que la Cour de cassation doit
se prononcer dans l’affaire Baby Loup.
L’an dernier, un arrêt de la Cour de cassation créait la polémique en
donnant raison à une salariée licenciée parce qu’elle portait un voile
islamique contre son employeur, la crèche Baby Loup de
Chanteloup-les-Vignes (Yvelines). Le ministre de l’Intérieur de
l’époque, Manuel Valls, sortait de son rôle en critiquant ouvertement la
décision de justice. Et le président de la République posait la question
de la nécessité de légiférer sur la laïcité en entreprise. En avril
2013, il mettait en place un Observatoire de la laïcité. Un an plus
tard, et alors que s’ouvre ce lundi devant la Cour de cassation un
nouvel épisode dans l’affaire de la crèche Baby Loup, Jean-Louis Bianco,
le président de l’Observatoire de la laïcité, répond à nos questions.
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Après l’arrêt de la Cour de cassation, François Hollande avait laissé
entendre qu’une loi pourrait régler ce genre de problème. Dans l’avis
que vous avez rendu, vous dites que ce n’est pas nécessaire. Pourquoi ?
Il y a selon nous deux solutions : la première s’appuie sur le règlement
intérieur. Il n’est pas du tout impossible dans une activité comme
celle-ci d’apporter par un règlement intérieur des limites à
l’expression religieuse. Simplement, il faut le justifier précisément.
Deuxième solution, plus sûre sur le plan juridique, c’est la délégation
de service public. La crèche Baby Loup est financée à 80% par fonds
publics, il y a donc une logique à être conventionné. Or, lorsqu’on est
en délégation de service public, on est, comme dans le service public,
soumis aux obligations de neutralité. La question du foulard ne se pose
donc plus, tout signe religieux étant alors interdit. La crèche Baby
Loup n’a pas voulu de cette solution. Mais elle existe. Nous estimons
donc qu’une loi n’est pas nécessaire.
L’affaire Baby Loup était-elle le bon angle pour poser un débat sur la
laïcité ?
Je ne suis pas sûr. C’est devenu très emblématique, avec des positions
très engagées d’un côté comme de l’autre. Et on en a fait l’emblème d’un
combat pour la laïcité alors que la réalité de l’histoire est plus
complexe. C’était un terrain hyper-conflictuel, hyper-médiatisé,
hyper-symbolisé avec une émotion particulière et légitime liée au
travail exceptionnel que fait cette crèche. L’affaire Baby Loup est très
particulière. Car, dans la jurisprudence des tribunaux prud’homaux, dans
celle des tribunaux administratifs, du Conseil d’Etat, il n’y a pas ces
contradictions… Les réponses y sont, au contraire, convergentes et très
précises.
Le plus fervent défenseur d’une loi était le ministre de l’Intérieur
Manuel Valls. Il est aujourd’hui Premier ministre, est-ce que cela ne
vous met pas dans une position difficile ?
Nous n’en avons pas parlé depuis qu’il est Premier ministre. On verra
bien, mais nous avons toujours eu des conversations très libres. Et je
note aussi qu’il avait dit que ce serait une erreur grave de considérer
la laïcité comme une citadelle assiégée. Le gouvernement et le Parlement
prendront les décisions qu’ils voudront. Mais s’ils estiment une loi
nécessaire, nous recommanderons que l’on prenne le temps. Notre pays est
terriblement tendu, il y a de l’agressivité, du désespoir, de la haine.
Nous pensons qu’un débat législatif risque d’être très dangereux.
Dans votre premier rapport annuel, vous dites qu’il n’y a pas beaucoup
de problèmes, mais on constate l’émergence de difficultés très
localisées et issues de franges radicalisées…
Il n’y a pas autant de soucis que cela autour de la laïcité. Cela ne
veut pas dire qu’il n’y a pas de problèmes nouveaux. Il y a des demandes
de type nourriture, congés, soins… Certaines faites de bonne foi,
d’autres constituant une offensive délibérée contre la République. C’est
là qu’il faut dire non. Ce que l’on constate, c’est un développement du
communautarisme.
A partir de quand est-il attentatoire à la liberté d’autrui ou à l’ordre
public ?
Ce n’est pas parce qu’une femme porte le foulard qu’elle est intégriste,
radicale, antilaïque ou antirépublicaine. D’une manière générale, il
faut que l’on comprenne mieux le phénomène. Et la réponse n’est pas
forcément la laïcité. Il y a des problèmes de ségrégation, de
discrimination, de racisme, d’intégration… Le texte qui fonde le
principe de laïcité en France date de 1905, une époque où le
catholicisme était ultramajoritaire.
Ce texte est-il adapté à la société actuelle ?
La loi a évolué dans le temps, même si l’on reste dans les principes de
1905. La réponse de l’Observatoire est que les principes qu’exprime la
loi - liberté de croire ou de ne pas croire, neutralité absolue du
service public, séparation des Eglises et de l’Etat - nous paraissent
être les bons principes. Plus que jamais dans une société compliquée,
diversifiée, fragmentée. Simplement, il faut faire vivre ces principes,
et faire un gigantesque effort d’information, de formation et de
promotion de la laïcité.
Recueilli par Alice Géraud
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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