[Laicite-info] Retrouver, à gauche, les valeurs de la laïcité
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 13 Avr 08:53:43 CEST 2015
Retrouver, à gauche, les valeurs de la laïcité
par Philippe GUITTET Proviseur honoraire, ancien secrétaire général du
syndicat national des personnels de direction de l’Education nationale
(SNPDEN)
Publié par : http://www.liberation.fr/
Le : 9 avril 2015
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TRIBUNE
La laïcité a des objectifs ambitieux et indissociables : liberté de
conscience, égalité des personnes indépendamment de toute considération
de croyance, de sexe ou d’origine, construction d’un avenir commun dans
un pays où l’accueil des différences se fait dans le respect des valeurs
de la République. La laïcité est un instrument de cohésion sociale et un
engagement contre toute forme de discrimination. Elle impose d’être plus
clair que ne le sont les partis de gauche, ainsi que nombre d’intellectuels.
Refuser la discrimination n’implique pas de s’aligner sur le modèle
anglo-saxon du droit à la différence, qui oppose les minorités et
favorise le communautarisme. Certains dans notre pays (Indigènes de la
République, Cran) voudraient pourtant le promouvoir. Pour ceux-ci, comme
pour l’extrême gauche, l’ethnocentrisme parfois «racialiste», qui a
servi d’idéologie à la domination coloniale, sert à la contestation de
tout universalisme. Reconnaître les différentes cultures, ce n’est pas
pour autant prôner un multiculturalisme porteur de survalorisation des
apparences culturelles ou religieuses.
La liberté d’expression doit prévaloir, mais il est vital d’affirmer par
la législation l’idéal universaliste de la laïcité face aux prétentions
communautaristes des groupes de pression politico-religieux, qui
souhaitent pour les uns (certains salafistes) abattre la République et
pour les autres (l’UOIF) imposer une vision non laïque de l’organisation
de la société. C’est le cas aussi de ceux qui veulent restreindre le
débat citoyen (mariage pour tous, PMA, avortement, contraception, fin de
vie). C’est aussi la position de Nicolas Sarkozy, pour qui seule la
culture chrétienne est compatible avec la laïcité.
Ces rétrogrades, mais aussi tous les partisans d’une laïcité
adjectivisée (ouverte, positive) veulent limiter la liberté d’expression
au nom d’une prétendue tolérance envers les religions. La tolérance,
c’est tout autre chose : des citoyens émancipés, qui se respectent en
confrontant des idées opposées. Pour permettre, en toute sérénité,
l’apprentissage citoyen par l’appropriation du savoir, et afin de
préserver les élèves des pressions religieuses, il était nécessaire
d’interdire les signes et tenues religieux ostensibles à l’Ecole.
Certains jeunes élèves, influencés par les organisations les plus
radicales, tentent de contourner la loi en portant des vêtements
religieux qu’ils proclament comme culturels. Le ministère de l’Education
nationale doit soutenir les chefs d’établissement avant que ce mouvement
concerté prenne de l’ampleur.
A l’université, les pressions se font de plus en plus fortes empêchant
certains enseignants d’assurer leurs cours. Il est urgent de pouvoir
protéger leur enseignement des oukases religieux et communautaires. Les
groupes religieux testent l’Etat en demandant des accommodements de plus
en plus larges qu’il faut endiguer. La Cour de cassation, dans l’affaire
Baby Loup, a estimé qu’une entreprise privée ou une association pouvait
aussi restreindre «la liberté de ses salariés de manifester leurs
convictions religieuses sur leur lieu de travail» si cela était justifié
par «la nature du travail à accomplir» et si la mesure «était
proportionnée au but recherché». Voilà, pour l’essentiel, les seules
restrictions nécessaires : défendre la liberté de conscience ne doit pas
se confondre avec l’interdiction de toute expression religieuse sur la
voie publique. Vouloir, comme le Front national, réduire l’expression
religieuse au domaine de la stricte intimité, confondre l’égalité avec
l’uniformité, l’intégration avec l’assimilation, est contraire aux
valeurs de la République. Cela n’empêche pas le combat idéologique
contre les plus rétrogrades : le droit incontestable des femmes de
porter le foulard sur la voie publique n’interdit pas d’affirmer que
cette prescription sous-tend l’enfermement communautaire des femmes.
Pour les enfants égarés de la République, la religion est souvent
l’affirmation d’une identité de substitution, fondée sur le
ressentiment, le repli et parfois la radicalisation. L’enjeu est donc
l’appropriation des valeurs de la République à l’Ecole. Pour cela,
celle-ci doit couvrir tous les champs du savoir, du questionnement
scientifique y compris l’histoire des faits religieux. L’école doit
mieux prendre en compte les différents apports à notre mémoire nationale
(immigration), traiter de la colonisation, évoquer les difficultés de
l’intégration. Les enseignants doivent adapter leur pédagogie, car il
est plus efficace de faire-valoir les apports scientifiques face aux
«vérités» révélées en favorisant l’échange, la confrontation.
Mais nous ne pourrons faire vivre la promesse républicaine sans
combattre toutes les fractures de la société, ethniques, culturelles et
économiques. Car le discours sur la laïcité, sur l’école émancipatrice,
sur l’égalité ne sera entendu, notamment par ceux influencés par la
radicalisation religieuse ou par l’extrême droite, que si nous
réussissons à réinvestir tous les territoires en déshérence où règnent
la ghettoïsation, la relégation et un sentiment d’abandon. La gauche
doit se retrouver sur ces valeurs communes : laïque, sociale,
fraternelle et protectrice.
Par Philippe Guittet Proviseur honoraire, ancien secrétaire général du
syndicat national des personnels de direction de l’Education nationale
(SNPDEN)
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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