[Laicite-info] Jean Baubérot > A l’école, « il faut rappeler que la laïcité est un combat qui rassemble »

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 10 Déc 09:59:00 CET 2015


Jean Baubérot > A l’école, « il faut rappeler que la laïcité est un 
combat qui rassemble »

Publié par : Le Monde.fr
Le : 09.12.2015
Propos recueillis par Manon Rescan

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Comment expliquer l’interdiction des signes religieux à l’école, la 
séparation de l’Eglise et de l’Etat ? Que la laïcité, parfois vécue 
comme un interdit, est une garantie de la liberté de culte ? Après les 
attentats de janvier, ces questions ont taraudé les enseignants, parfois 
démunis face à la profonde remise en cause de ses principes par certains 
de leurs élèves. Des cours d’enseignement moral et civique (EMC) ont, 
depuis, été ajoutés par le gouvernement dans les programmes scolaires 
pour aborder ces questions. A l’occasion de la première journée de la 
laïcité, mercredi 9 décembre, Jean Baubérot, sociologue, auteur avec 
Rokhaya Diallo de Comment parler de laïcité aux enfants (Le Baron 
perché, 2015) revient sur cette initiative.


Pourquoi la question de l’enseignement de la laïcité à l’école a-t-elle 
ressurgi cette année ?

Après les attentats de janvier, les enseignants se sont retrouvés en 
difficulté face à des élèves qui s’étaient construit une mauvaise image 
de la laïcité, qu’ils voyaient comme un concept s’opposant à la 
religion. Dans les débats politico-médiatiques, on en a parlé comme d’un 
catalogue d’interdits, on en a fait le synonyme de la neutralité 
religieuse, ce qui n’est pas le cas. C’est pour cela qu’il faut 
renforcer la formation permanente des professeurs sur cette question. 
Des formations accélérées (de 1 000 enseignants avant juillet) ont eu 
lieu, mais il faut aller plus loin.

En quoi consiste ce nouvel enseignement ?

Jusqu’ici, la laïcité était abordée de manière moins formelle, en cours 
d’histoire en abordant les lois édictées par Jules Ferry, ou en cours 
d’instruction civique. Depuis la rentrée, elle est abordée dans le cadre 
des heures d’enseignement moral et civique, ajoutées par le gouvernement 
aux programmes scolaires. Celles-ci abordent la laïcité en mettant 
l’accent sur sa définition fondamentale : la liberté de croire ou de ne 
pas croire. C’est important d’insister sur cette définition car les 
terroristes cherchent justement à attaquer cette liberté de conscience. 
Aujourd’hui, les querelles sur les menus de substitution à la cantine, 
sous couvert de laïcité, sont contre-productifs. C’est une forme de 
laïcité rabougrie qui dresse les Français les uns contre les autres. La 
laïcité est avant tout un combat rassembleur pour la liberté et 
l’égalité de chacun, quelle que soit sa croyance. Ce recentrage sur les 
fondamentaux est selon moi la seule manière de faire en sorte que ce 
concept soit audible pour les élèves.

Dans votre livre, vous proposez des fiches pratiques à destination des 
enseignants. Quels conseils leur donnez-vous ?

Celui de lever les confusions : la religion est une affaire privée et 
personnelle, cela veut donc dire que l’Etat ne peut pas imposer une 
religion aux citoyens. Mais cela ne signifie pas que la religion est 
réduite à la sphère privée et donc qu’elle ne peut pas s’exprimer en 
public. Il faut la présenter comme une liberté pour tous, mais qui doit 
respecter la liberté de l’autre et qui a des limites, comme toute liberté.

Pour l’expliquer aux enfants de 12 à 15 ans, nous comparons le rôle de 
l’Etat à celui d’un arbitre en sport. L’arbitre ne tape pas dans le 
ballon, il ne porte pas le maillot, mais il est là pour faire respecter 
les règles, même si chaque équipe a toujours l’impression qu’il favorise 
son adversaire.

L’interdiction du port de certains signes religieux fait 
particulièrement débat chez certains élèves. Comment leur répondre ?

J’étais à titre personnel très réservé sur l’interdiction du foulard à 
l’école, et partisan d’une solution intermédiaire en autorisant 
notamment le port du bandana, qui n’est pas nécessairement un signe 
religieux. Je regrette beaucoup de n’avoir pas été entendu par la 
commission Stasi [commission de réflexion sur la laïcité mise en place 
par Jacques Chirac en 2003] sur ce point. Reste que la loi c’est la loi.

Si j’étais enseignant, j’expliquerais que la loi de 2004 a été votée peu 
après 2001, dans le contexte de l’après 11-Septembre : les passions 
religieuses étaient fortes. Elle avait vocation à calmer le jeu. Je 
rappellerais aussi que c’est aux enseignants de ne pas outrepasser la 
loi de 2004, sur les signes religieux autorisés ou non [définis par la 
circulaire du 18 mai 2004]. A eux, donc, de ne pas faire la chasse aux 
jupes longues ni au voile chez les mamans qui accompagnent les sorties 
scolaires, car ceux-ci ne sont pas interdits. Et j’insisterais sur le 
fait que même si c’est une loi qui fait débat, on n’a pas d’autres choix 
que de la respecter, qu’on soit d’accord ou non. Car ce qui fait le lien 
social et qui permet de faire société, c’est justement le respect des lois.

     Manon Rescan
     Journaliste au Monde

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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