[Laicite-info] Laïcité, ce miracle qui nous fait vivre ensemble
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 2 Fév 08:55:03 CET 2015
Laïcité, ce miracle qui nous fait vivre ensemble
Publié par : http://www.humanite.fr/
Auteur : Cédric Clérin, de l'Humanité Dimanche
Le : 1 Février, 2015
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Depuis les tueries de Paris, la laïcité se retrouve de nouveau au centre
du débat. Beaucoup voudraient faire de ce précieux principe de
vivre-ensemble une arme de guerre idéologique, l’étendard d’un sentiment
de supériorité « occidentale », d’autres encore préfèrent la nier, et
inciter au communautarisme, par intérêt. La laïcité serait-elle devenue
le cache-sexe d’une violence politique ?
Ce n’est pas nouveau mais ça s’aggrave. Depuis des années, la laïcité
est instrumentalisée pour imposer un ordre politique très éloigné de
l’esprit de la loi de 1905, fondatrice de la laïcité en France. Les
récents événements tragiques et leurs suites mettent au jour les
conceptions très différentes de la laïcité. D’outil d’émancipation
collective, elle devient arme de combat contre une partie de la
population ou bafouée au nom d’une vision communautaire de la société,
et parfois les deux en même temps. Nicolas Sarkozy aime jouer avec la
laïcité au gré du temps. Alors qu’en 2007, il voulait une laïcité
perméable à l’influence religieuse, déclarant que « l’instituteur ne
pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur », les récents événements
le font revenir sur la ligne dure. Il demande désormais que « le champ
d’application du principe de laïcité soit étendu aux accompagnateurs
bénévoles des sorties scolaires ainsi qu’à l’université pour les
étudiants ». La laïcité contre les religions.
Mme Le Pen a, pour sa part, commencé à promouvoir la laïcité le jour où
elle a compris qu’elle pouvait en dévoyer le sens et l’utiliser comme
une arme contre les musulmans. Elle développe ainsi depuis plusieurs
années la conception d’une laïcité agressive qui conserve les acquis de
la religion catholique tout en empêchant le libre exercice du culte
musulman, pourtant garanti par la loi de 1905 dont elle se réclame.
JAURÈS, EN 1905, PRÔNAIT UNE LAÏCITÉ INCLUSIVE ET NON EXCLUANTE
POUR PACIFIER LES RELATIONS ENTRE RELIGIONS ET ÉTAT ET POUVOIR
S’ATTAQUER À LA QUESTION SOCIALE.
La leader de l’extrême droite, en prenant en permanence les musulmans
comme une communauté homogène, joue en fait le jeu du communautarisme
qu’elle prétend combattre. La laïcité suppose en effet que les citoyens
soient vus comme tels et non d’abord comme des croyants.
Mais la rhétorique guerrière et communautaire infuse jusqu’au
gouvernement. Dans son discours devant l’Assemblée nationale, le 14
janvier dernier, le premier ministre, Manuel Valls, tout en faisant de
la laïcité le coeur de son discours, n’hésite pas à parler de « Français
juifs » ou à sommer les musulmans d’avoir un « débat au sein même de
l’islam », communautarisant et contrevenant ainsi à la séparation des
églises et de l’État. Au journal de 20 heures de France 2, David Pujadas
n’hésite pas non plus à parler d’un docteur « musulman marié à une
Française ».
Ces coups de canif dans l’esprit républicain et laïque vont jusqu’à la
négation de la laïcité, autre travers du temps. Ainsi, ces dernières
semaines, plusieurs dirigeants socialistes dénoncent à voix basse le
communautarisme électoral pratiqué dans certaines municipalités par leur
parti. Ce communautarisme et cette ethnicisation des rapports sociaux
ont, pour beaucoup de monde, le mérite de mettre un écran de fumée
devant la lutte des classes. C’est précisément ce que voulait éviter
Jean Jaurès lors du débat sur la loi de 1905, en prônant une laïcité
inclusive et non excluante pour pacifier les relations entre religions
et État et pouvoir s’attaquer à la question sociale.
Si, comme le souligne Jean Baubérot, historien de la laïcité, «
l’attaque de la rédaction de “Charlie Hebdo” et de l’hypermarché casher
a atteint les deux finalités de la laïlaïcité cité qui sont la garantie
de la liberté de conscience et le principe de nondiscrimination », ce
sont en réalité les suites des événements qui ont fait réagir les
pouvoirs publics.
Les entorses aux minutes de silence dans certains établissements et le
fait que des élèves puissent plus facilement se référer à un texte
religieux qu’à la devise républicaine ont souligné les lacunes de
l’apprentissage laïque à l’école. Najat Vallaud-Belkacem a ainsi annoncé
une série de mesures censées y remédier. Bien que l’initiative ne soit
sans doute pas inutile dans le vide actuel, plaquer un catéchisme
républicain sur une réalité sociale qui ne bouge pas pourrait s’avérer
contre-productif. Comme le soulignait Jean Jaurès, lors du débat du
début du siècle dernier, « laïcité de l’enseignement, progrès social, ce
sont deux formules indivisibles ». Or, que vaut la devise républicaine
pour des élèves qui ne vivent ni la liberté, ni l’égalité, ni la
fraternité au quotidien. Le volet « social » reste pour l’heure le
parent pauvre des annonces gouvernementales. C’est pourtant en réalisant
l’idéal républicain dans les faits que la laïcité redeviendra un pilier
de la société, qui nous permet, à tous, de vivre ensemble.
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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