[Laicite-info] Michel Lussault : L'Ecole doit aborder frontalement la question des croyances

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 15 Jan 08:47:35 CET 2015


Michel Lussault : L'Ecole doit aborder frontalement la question des 
croyances

Publié par : http://www.cafepedagogique.net
Le : 14 janvier 2015

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" Il faut inventer une laïcité ouverte, compréhensive". Michel Lussault, 
président du conseil supérieur des programmes (CSP) annonce bien une 
révision des programmes de l'enseignement moral et civique (EMC) après 
les attentats. Il souhaite un EMC plus ouvert sur le vécu des élèves et 
qui prennent en compte réellement l'existence des croyances dans 
l'univers mental des élèves.

Après les attentats, vous avez parlé de "responsabilité collective et 
éducative". L'école a-t-elle une part de responsabilité dans les 
attentats perpétrés en région parisienne ?

La responsabilité est bien sur beaucoup plus globale. Mais le moment est 
venu de réfléchir à ces événements et ce qui s'est passé dans les 
écoles. On a bien le témoignage d'une crise du modèle scolaire français 
qui est analysée depuis longtemps.

Quel lien entre l'école et les attentats ?

Sans dire que l'école est coupable, le profil des 3 auteurs et les 
réactions que l'on a observé à plusieurs endroits montrent que l'école 
est impliquée. Un des problèmes de notre école c'est qu'elle n'est pas 
assez inclusive. Elle a tendance à renforcer les inégalités sociales. On 
n'a pas assez approfondi ce que devrait être une école dans une société 
pluraliste. Les réseaux sociaux, le numérique ont renforcé des attitudes 
qui peuvent aller jusqu'aux thèses complotistes ou la starification de 
mauvais bergers. L'école n'a pas su réagir collectivement à cela. Elle 
ne travaille pas assez collectivement les questions vives. Le profil 
scolaire des trois tueurs doit nous poser question. On a un effort à 
faire si on veut une réponse qui ne soit aps qu'un rappel au règlement. 
Il faut réfléchir sur le long terme.

Vous pensez que le caractère ségrégatif de l'école a joué ?

L'école n'est pas assez inclusive. Comme géographe je pense que ce qui 
est mis en évidence c'est que la manière dont on a pensé améliorer 
l'école avec des politiques territoriales doit être interrogée. Il faut 
réinventer un modèle éducatif, y compris pour l'éducation prioritaire. 
On voit bien en Seine Saint-Denis des effets de seuil et comment des 
école s quittent le  prioritaire alors que les difficultés scolaires 
sont énormes. Ne faudrait-il pas passer d'un soutien au territoire au 
soutien aux personnes ? Ne faudrait il pas repenser l'école, offrir une 
conception plus large de la laïcité ? Il y a eu un consentement 
collectif à une école ségrégative. Il est temps de réagir contre cela.

Il faut revoir les programmes d'enseignement moral et civique ?

La situation actuelle ne peut pas ne pas avoir d'impact sur eux. Le 
programme a été construit e essayant d'appréhender ces réalités. Par 
exemple, le programme du lycée est très orienté sur la tolérance, 
l'emprise mentale.  Mais on ne peut pas rester inerte. Le Conseil 
supérieur des programmes (CSP) va attendre la fin de la consultation 
mais à l'évidence on amendera le programme d'enseignement moral et 
civique en renforçant les questions de la laïcité, du pluralisme. Il 
doit y avoir dans la culture collective des contenus qui renvoient à la 
laïcité et à la tolérance.

Aujourd'hui l'instruction civique est une matière froide qu'on fait 
quand on n'est pas distrait par les autres programmes. Il faut que 
l'éducation civique soit plus e prise avec le vécu des élèves.

La ministre demande qu'on associe contenus et pratiques. Qu'en pensez vous ?

C'était prévu avant les attentats. Le programme d'enseignement moral et 
civique (ECM) doit être renforcé par des pratiques. Il doit impliquer 
les élèves. Les questions de tolérance, d'égalité des sexes ou sociale 
doivent être abordées à partir de leur vécu. L'école doit se saisir de 
la question de la croyance. C'est nécessaire pour aborder le complotisme.

Et cela pose la question de la formation des enseignants. Rien ne peut 
se faire si les enseignants ne s'approprient pas l'ECM et ne sont pas 
formés pour cela au delà des professeurs d'histoire-géo. Le CSP va 
envoyer un message à propos du socle et de l'EMC à ce sujet dans les 
jours qui viennent.

Le gouvernement va débloquer des fonds pour la formation ?

J'ai souligné auprès de la ministre cette question. Il faut réoutiller 
les professeurs et ça passe par la formation continue.

Faut-il faire évoluer notre conception de la laïcité ?

On a une tradition politique très différente de celle des anglo saxons. 
Donc on ne doit pas s'aligner sur eux. Par contre la notion de laïcité a 
évolué dans un sens qui n'est plus celui de Jules Ferry. Ferry et 
Buisson n'étaient pas hostiles aux religions. L'Ecole devait se détacher 
de l'église catholique au profit d'une conception pluraliste. 
Aujourd'hui il faut inventer une laïcité ouverte, compréhensive, 
apaisante et offensive. On ne peut plus faire comme si la question de la 
croyance n'était pas centrale. Il ne s'agit pas de proposer un 
enseignement des religions mais que dans les programmes scolaires la 
question de la croyance soit abordée frontalement. Si on aborde la 
question du pluralisme des valeurs, la laïcité change. Elle ne prend pas 
position pour une religion. Mais elle s'ouvre au fait qu'elle doit 
accepter que la question de la croyance se pose pour nos élèves. Il faut 
tenir sur cette corde raide.

Propos recueillis par François Jarraud







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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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