[Laicite-info] La laïcité: Jean Baubérot et Henri Peña-Ruiz

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 1 Juin 09:28:30 CEST 2015


La laïcité: Jean Baubérot et Henri Peña-Ruiz

Publié par : 
http://blogs.mediapart.fr/blog/monica-m/280515/la-laicite-jean-bauberot-et-henri-pena-ruiz
Le : 28 mai 2015

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COMPTES RENDUS DE LA CE SERVICE PUBLIC DE L'EDUCATION

Lundi 16 février et jeudi 19 février 2015

Audition de M. Jean Baubérot, président d'honneur et professeur émérite 
de l'École pratique des hautes études

Mme Françoise Laborde, présidente. - Monsieur Jean Baubérot, vous êtes 
président d'honneur de l'EPHE (École pratique des hautes études), où 
vous avez longtemps occupé les chaires d'« Histoire et sociologie du 
protestantisme » et d'« Histoire et sociologie de la laïcité ». Vous 
avez publié plusieurs ouvrages sur la laïcité et avez participé à la 
Commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la 
République, présidée par Bernard Stasi en 2003, où vous aviez marqué 
votre différence d'approche sur la question du foulard islamique. Au 
fondateur unanimement reconnu de la sociologue de la laïcité, nous 
voudrions demander comment mieux transmettre et faire vivre cette valeur.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. 
Jean Baubérot prête serment.

M. Jean Baubérot, président d'honneur et professeur émérite de l'École 
pratique des hautes études. - Présenter la laïcité en dix minutes est 
une gageure : pour m'en acquitter, je vais devoir schématiser sans 
nuances et user de formules abruptes en dix thèses.

Première thèse : un large consensus dans l'opinion publique et la classe 
politique semble s'être établi sur le double objectif de tout faire pour 
éviter le choc des civilisations et la stigmatisation et de combattre 
l'extrémisme.

Deuxième thèse : cette double préoccupation est moralement juste et dans 
l'intérêt bien compris de la société française : il serait injuste 
d'imputer à plusieurs millions de personnes le danger que représentent 
quelques centaines ou au plus 2 000 individus ; il faut surtout isoler 
ces derniers et éviter de les rendre attractifs. L'objectif est de mener 
un combat inclusif pour avoir toutes les chances de gagner.

Troisième thèse : l'Éducation nationale a pris diverses dispositions, 
mais la voie est étroite. La sagesse populaire nous apprend que l'enfer 
est pavé de bonnes intentions : il faut prendre en compte les analyses 
sociologiques et socio-historiques.

Quatrième thèse : je me réjouis de l'apparition d'un enseignement de la 
laïcité, mais ses modalités m'inquiètent, s'il s'agit bien de prévoir 
deux journées pour former des formateurs qui formeront les enseignants 
qui formeront les élèves... Cela pose un problème de moyens et un 
problème scientifique : quelle laïcité enseigner ? Une laïcité idéale, 
n'ayant jamais existé, opposée à des religions bien réelles, comme avant 
1989 où on opposait d'un côté un communisme idéal au capitalisme, de 
l'autre un monde libre idéal au totalitarisme communiste ? Ce serait une 
terrible erreur : cela reposerait non sur la connaissance, mais sur une 
autre forme d'obscurantisme ; cela donnerait du grain à moudre au choc 
des civilisations ; cela serait très peu crédible pour les élèves ; en 
définitive, cela déconsidèrerait la laïcité au lieu de la promouvoir.

Cinquième thèse : l'enseignement de la laïcité doit se faire dans une 
démarche de connaissance. Or des informations indiscutablement erronées 
circulent dans les manuels scolaires ou dans les rapports officiels, 
comme celui du Haut Conseil à l'intégration, dont l'historique de trois 
pages comporte onze erreurs. Bien des discours oublient que la loi de 
1905 fut le résultat d'un conflit entre laïcs ayant trois visions 
divergentes de la question ; or, paradoxalement, ce sont les deux 
visions perdantes qui se réclament parfois de cette loi.

Sixième thèse : prenons l'exemple de l'égalité hommes-femmes : pendant 
un siècle, le suffrage dit universel a été exclusivement masculin, un 
retard sans équivalent dans les autres pays démocratiques, et en 
particulier les pays protestants. Or la laïcité fut souvent invoquée 
pour refuser le droit de vote aux femmes, présentées comme soumises au 
clergé. L'oublier, ce serait « raconter des histoires » et non pas faire 
de l'histoire, ce serait contre-productif.

Septième thèse : tout cela montre que la République a dû combattre ses 
propres dérives. Les élèves peuvent conclure que chacun doit balayer 
devant sa porte, les religions les premières, sans que l'on doive 
diviser la société en deux camps ni envisager un choc des civilisations. 
Selon Max Weber, le début de la scientificité en sciences humaines 
consiste à affronter les faits désagréables.

Huitième thèse : l'institution scolaire doit, elle-même, affronter ses 
faits désagréables. La moitié des enseignants ont leur premier poste 
dans un établissement difficile ; pour la plupart issus des classes 
moyennes, ils - ou plutôt elles, puisque deux tiers sont des femmes - 
reçoivent un choc culturel, dont il résulte un fort taux d'absentéisme. 
Ils demandent leur mutation dès que possible, ce qui compromet la 
stabilité des équipes éducatives là où elle serait la plus nécessaire.

Neuvième thèse : la République et l'Éducation nationale consacrent plus 
de moyens aux élèves de milieux favorisés qu'aux élèves de quartiers 
populaires. Comme l'a montré la Cour des comptes, l'horaire allégé des 
professeurs de classes préparatoires leur permet d'accompagner 
individuellement les élèves en heures supplémentaires. Ne nous étonnons 
pas qu'un sentiment aigu d'injustice conduise les élèves à certaines 
provocations et que la devise de la République et la charte de la 
laïcité ne fassent pas sens pour eux. La laïcité doit concrétiser notre 
devise et non en masquer la non-réalisation.

Dixième thèse : l'école et la société doivent agir de concert. 
L'entreprise est de longue haleine. À côté de mesures qui combattent 
directement l'extrémisme, d'autres peuvent le combattre indirectement en 
le rendant peu attirant. Deux pouvaient être mises en oeuvre en peu de 
temps : rattacher le bureau des cultes au ministère de la justice, pour 
sortir les rapports - avant tout juridiques - entre l'État et les 
religions de la fonction sécuritaire du ministère de l'intérieur ; 
rétablir la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (HALDE), 
rattachée à l'ensemble trop vaste du Défenseur des droits. Lutter contre 
le terrorisme et contre les discriminations doit aller de pair.

Mme Françoise Laborde, présidente. - Merci pour votre présentation très 
efficace.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur. - Y a-t-il en fait de laïcité une 
spécificité française, ou existe-t-il des équivalents européens ? La 
laïcité est-elle une valeur suffisamment inculquée, enseignée, mise en 
pratique ?

M. Jean Baubérot. - Bien des gens à l'étranger me disent que la laïcité 
est une spécificité française ; mais lorsque je leur explique qu'il 
s'agit, pour assurer la liberté de conscience et la non-discrimination 
religieuse, de séparer l'État de la religion et d'assurer la neutralité 
de ce dernier, ils réalisent que leur pays, avec les mêmes objectifs, 
présente lui aussi des éléments de laïcité - exactement comme la France, 
où elle est d'ailleurs loin d'être absolue : on pourrait parler de 
l'Alsace-Moselle ou des écoles sous contrat ; aux États-Unis, on m'en 
parle ! Là où ces éléments n'existent pas, des forces revendiquent la 
liberté de conscience, mais sans pour autant faire référence à la 
laïcité qu'on confond avec un athéisme d'État, comme en Russie.

La laïcité française a toutefois ses spécificités, parce que la France 
moderne s'est construite face à la religion - ce qui était loin d'être 
inéluctable : un quart des membres de l'Assemblée qui a proclamé les 
droits de l'homme étaient des ecclésiastiques. Ce dissensus a duré tout 
le XIXe siècle, car l'instabilité des régimes a empêché de pacifier la 
question politico-religieuse jusqu'à la loi de 1905 et ses suites. La 
spécificité, c'est le combat entre cléricalisme et anticléricalisme. La 
laïcité a pacifié ce combat. La morale laïque a également des 
inspirations étrangères. Elle doit beaucoup à un Allemand, Emmanuel Kant 
; l'article 4 de la loi de 1905 est directement inspiré des législations 
américaine et écossaise ; Aristide Briand et les milieux maçonniques 
avaient pris en exemple le Mexique, où malgré la séparation opérée en 
1859, les églises restaient pleines. Une autre présentation de la 
laïcité sera inefficace et scientifiquement fausse. Sans dissoudre la 
laïcité dans la liberté de conscience à laquelle elle ne se résume pas, 
il ne faut pas non plus la voir comme une forteresse incommunicable. 
J'en ai parlé dans quarante pays sans avoir de difficultés à être compris.

C'est une valeur républicaine, certes, mais plus largement une valeur 
démocratique : le Danemark, cette royauté démocratique, nous le montre. 
Évitons de croire que la situation est mieux ici qu'ailleurs, ou le 
contraire. Il faut montrer ce qui va bien et mal pour être crédibles vis 
à vis des élèves. Nous sommes en retard pour l'égalité hommes-femmes, 
mais les Françaises sont à la fois celles qui font le plus d'enfants et 
les mieux insérées dans le marché du travail. La question n'est pas de 
savoir si la laïcité est suffisamment enseignée, mais quels sont les 
moyens de l'enseigner. Actuellement, les enseignants se débrouillent 
avec les moyens du bord ; certains se sentent abandonnés.

Mme Marie-Annick Duchêne. - Et l'enseignement du fait religieux ? C'est 
un représentant de la Ligue de l'enseignement qui avait posé la question 
il y a une vingtaine d'années.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. - La laïcité n'est pas seulement 
religieuse, ne faut-il pas élargir le concept de laïcité, en la voyant 
plus globalement comme la séparation de la sphère publique et de la 
sphère privée ? En tant qu'élus, nous sommes souvent confrontés aux 
ingérences de la sphère privée sur la sphère publique.

Mme Gisèle Jourda. - Vous avez évoqué le choc des civilisations. Bien 
avant les événements de janvier, la question de la laïcité était ouverte 
: ayant organisé un colloque sur ce sujet dans la ville où je vis, j'ai 
constaté une crispation. Ne faudrait-il pas voir la laïcité comme une 
valeur en marche qu'il faut adapter à la société de notre temps ?

M. Jean Baubérot. - L'enseignement du fait religieux est une idée du 
début du XXe siècle, reprise par la Ligue de l'enseignement dans les 
années 1980 puis par le rapport de Régis Debray, commandé par un 
ministre de gauche et appliqué par un ministre de droite. Pour le 
moment, la réalisation n'est pas à la hauteur du projet. L'Institut 
européen en sciences des religions (IESR) - créé à l'EPHE lorsque j'en 
étais président - fait un excellent travail mais avec trop peu de moyens.

Actuellement, l'enseignement du fait religieux s'inscrit dans une 
perspective implicitement évolutionniste : on en parle lorsqu'on évoque 
l'Antiquité, le Moyen-âge, mais la question de la religion aux 
États-Unis au XXe siècle, par exemple, a disparu des programmes. Bref, 
on donne l'impression que la religion relève du passé lointain - vision 
que les élèves peuvent récuser, de manière provocante.

Entre la sphère publique et la sphère privée, il y a l'espace public, 
lieu du débat, où les deux se rencontrent, la société n'étant pas une 
juxtaposition d'individus, mais un lieu de tractations et de conflits. 
Il faut éviter que le privé fasse irruption dans l'espace public : pas 
de crèches de Noël dans ces maisons communes que sont les mairies. La 
laïcité est partout, mais pas la même partout, les deux exigences de la 
laïcité valant tour à tour : neutralité pour la puissance publique ; 
liberté de conscience pour la sphère privée ou dans l'espace public qui 
la prolonge. Le privé n'est pas non plus hors de la République : nous ne 
tolérons plus les violences conjugales ou familiales, qui s'exercent 
pourtant dans la sphère privée, tout en respectant la Convention 
européenne des droits de l'homme, qui consacre le droit des parents à 
donner une éducation à leurs enfants selon leurs convictions religieuses 
ou philosophiques.

La morale laïque de la IIIe République véhiculait des valeurs de 
dignité, de liberté responsable et de liberté de conscience à un moment 
où les fils ne faisaient pas le même métier que leurs pères, où les 
femmes entraient petit à petit sur le marché du travail, où les Français 
gagnaient en mobilité. Le libre choix de sa religion n'était qu'un 
exemple parmi d'autres. La liberté responsable qu'elle prônait se 
déclinait dans la liberté de la presse, la liberté de réunion, la 
liberté syndicale, et ces libertés ont elles aussi profité aux 
religions. Jules Ferry disait que la presse catholique était plus libre 
en République que sous le Second Empire ; des syndicats chrétiens ont vu 
le jour. Il faut retrouver ce lien entre liberté et laïcité.

J'ai dit que nous devions éviter le choc des civilisations. 
L'Observatoire de la laïcité a fait un état de la juridiction laïque, 
qui frappe par son caractère raisonnable et terre à terre. La liberté de 
conscience ne peut être illimitée, au risque de désorganiser les 
institutions. Il ne s'agit pas d'opposer un principe absolu à un autre, 
mais la liberté de chacun aux nécessités du vivre ensemble. Nous pouvons 
faire comprendre cela. La liberté illimitée de l'un tronque la liberté 
de l'autre. La transformation de la laïcité en religion civile a généré 
conflits et crispations. Il faut l'adapter, certes ; même Émile Combes, 
ce partisan de la laïcité la plus intransigeante, avait signé une 
circulaire prévoyant l'absence de viande dans les cantines le vendredi, 
pour faire preuve de libéralisme politique mais aussi par intérêt bien 
compris, pour éviter que les enfants n'aillent dans les écoles 
congréganistes. Il nous faut inventer les mêmes genres d'accommodements 
aujourd'hui : proposer un menu végétarien - pas hallal ou casher, ce 
serait trop compliqué ! - à côté du menu habituel résoudrait bien des 
choses. Les limitations à la liberté de conscience doivent être 
raisonnables, elles ne s'opposent pas à une religion en particulier mais 
visent à permettre la coexistence de toutes. La laïcité est un équilibre 
des frustrations. Nous ne la faisons pas assez vivre si nous pratiquons 
une catho-laïcité ou une laïcité à deux vitesses.

Mme Françoise Laborde, présidente. - On ne peut pas proposer trente-six 
menus, mais il est vrai aussi que l'absence de self dans les écoles 
primaires restreint le choix. Quel niveau d'accommodement 
préconisez-vous pour les signes ostensibles lors des sorties scolaires ?

M. Jean Baubérot. - Ce qu'a dit le Conseil d'État : en l'absence d'acte 
de prosélytisme avéré, une mère portant le foulard doit pouvoir 
accompagner une sortie. J'ai volontairement omis le foulard dans ma 
présentation pour montrer qu'on pouvait parler de laïcité sans y faire 
référence. La France a commis une erreur historique, en faisant du 
foulard le critère de l'intégrisme - ce mot valise à déconstruire - 
alors qu'il peut être, certes, une manière de marquer la soumission des 
femmes, mais aussi autre chose : le féminisme musulman international est 
le fait de filles voilées comme de non voilées. La mère du soldat tué 
par Mohamed Merah intervient dans les écoles pour expliquer que le 
djihad consiste non pas à aller en Syrie mais à faire un effort sur 
soi-même. Elle porte un foulard. Faut-il avoir son fils tué pour voir 
ses droits de citoyenne respectés ? Les mères qui souhaitent accompagner 
les sorties veulent s'impliquer : lorsqu'elles faisaient des gâteaux 
avec leur foulard, personne n'y voyait d'inconvénient.

M. Gérard Longuet. - C'était par mesure d'hygiène, comme pour les bonnes 
soeurs !

M. Jean Baubérot. - Certains laïcs se sont opposés à ce que le costume 
des infirmières ressemble trop à celui des bonnes soeurs, en vain.

M. Gérard Longuet. - La coiffe peut avoir des raisons professionnelles, 
climatiques, ou de singularité et de soumission. Les soeurs 
appartiennent à Dieu et font voeu de célibat : leur voile s'en veut le 
témoignage. Ce qui choque dans le voile islamique, c'est qu'il n'a ni 
raison climatique, ni de soumission particulière, mais exprime 
l'appartenance à une société qui, profondément, n'est pas la nôtre.

M. Jean Baubérot. - C'est votre opinion.

M. Gérard Longuet. - Il y a plusieurs dizaines de siècles que nous 
sommes sur cette terre ; nous avons le sentiment d'en avoir fait quelque 
chose et ne voulons pas que cela disparaisse.

M. Jean Baubérot. - Lorsque j'ai présenté ma future femme à ma 
grand-tante, elle m'a dit : « C'est sans doute un bon choix, mais 
surtout, qu'elle ne vienne pas en cheveux ! » Ce n'était pas il y a un 
siècle. Quoique féministe, ma femme a accepté de se couvrir la tête au 
village.

M. Gérard Longuet. - Ce n'est pas choquant.

M. Jean Baubérot. - Des étudiantes portant foulard m'ont dit que ça leur 
permettait d'aller dans des endroits que leur père leur aurait interdit 
sinon. Ce peut être une liberté, même si elle est transitionnelle.

En nous focalisant sur cette question, nous avons raidi les deux côtés. 
Si nous n'avions pas irrité les mères de famille, nous aurions 
aujourd'hui des alliées. Or il nous faut des passeurs. Le système 
canadien a des défauts, mais il a permis l'apparition de tels passeurs, 
représentatifs de leur communauté mais aussi acculturés à la société. 
Nous les trouverons chez des personnes critiques de notre société. Les 
deux grandes forces d'intégration entre 1945 et 1970, l'église 
catholique d'avant Vatican II et le PCF stalinien, l'étaient. Ne parlons 
pas de communautarisme lorsque le poids du groupe n'empêche pas la 
liberté de l'individu : la vie communautaire peut être une force.

Nous manquons parfois de confiance en nos propres valeurs. La République 
est forte. Nous risquons de vivre longtemps avec ces actes terroristes 
ignobles ; mais ils ne parviendront pas à déstabiliser la République, à 
condition de garder notre sang-froid. Ne faisons pas le jeu des 
terroristes en stigmatisant une communauté, qui risque du coup d'être 
attirée par l'extrémisme. Une nouvelle classe moyenne d'origine, de 
culture, de convictions musulmanes peut jouer ce rôle de passeur. Je 
disais à mes trois doctorantes en foulard : « je veux bien que vous ayez 
le foulard sur la tête, mais pas dans la tête... » : ça a marché !

M. Jacques Legendre. - Je suis de ceux que le port du voile ne 
choquerait pas a priori, s'il n'apparaissait comme une provocation ou 
une volonté d'imposer de nouveaux comportements. Le fait de masquer 
complètement le visage pose aussi un problème de sécurité. Le visage 
doit toujours être découvert, c'est une exigence de police.

M. Jean Baubérot. - Je n'aurais jamais accepté de ne pouvoir reconnaître 
une personne qui suit mes cours.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur. - À vous entendre, il faudrait faire 
confiance à la nature humaine... Je n'en suis pas si sûr. Il y a une 
différence entre le Canada, où le vivre-ensemble s'est imposé d'emblée, 
et la France, de tradition catholique. Certes, la laïcité n'est pas 
l'athéisme, comme vous le dites, mais la paix et la liberté de 
conscience. Les Britanniques reviennent pourtant sur leur ouverture. Ne 
serions-nous pas dans le déni ? Certaines personnes constitueraient des 
intermédiaires formidables ; mais cela suffit-il ?

M. Gérard Longuet. - Élu depuis longtemps dans l'Est de la France, j'ai 
pu observer dans les communautés turques, arrivées souvent via 
l'Allemagne, deux phénomènes : grâce à la télévision par satellite, les 
jeunes continuent à parler turc chez eux et cessent de progresser sur le 
plan scolaire ; en outre, ils pratiquent une endogamie croissante. La 
République voit se renforcer des communautés qui, il y a trente ans, se 
diluaient. C'est préoccupant, car je ne suis pas sûr d'avoir envie de me 
faire Turc...

Mme Catherine Troendlé. - Une étudiante en première année de droit à la 
faculté de Strasbourg m'a rapporté que les quatre ou cinq étudiantes 
voilées dans leur cursus restaient entre elles et refusaient toute 
communication avec les autres. D'après mes informations, c'est un 
phénomène assez répandu.

M. Jean Baubérot. - Durant vingt ans des responsabilités 
administratives, je n'ai pas eu cette expérience. Parmi les problèmes 
que j'ai eu à régler, les plus graves n'étaient pas ceux qui avaient 
trait à la laïcité, mais plutôt le harcèlement des étudiantes par des 
directeurs de thèses trop pressants !

Avec Internet, on peut être relié à des personnes situées à des milliers 
de kilomètres et ignorer son voisin. La dynamique sociale d'initiatives 
comme la fête des voisins ou les journées portes ouvertes dans les 
églises et les mosquées peut y remédier. Chez moi, le surlendemain de la 
fête des voisins, à sa petite fille qui parlait du « Noir », sa mère 
répondait « Ah oui, Monsieur Untel, du troisième étage ».

Il faut tout faire pour renforcer le lien social, en s'appuyant sur le 
tissu associatif. Les différents modèles nationaux peuvent s'enrichir 
mutuellement. La force de la France, c'est l'universalisation des valeurs.

Le Conseil d'État avait bien distingué port discret et port ostentatoire 
du foulard. Je me suis abstenu à la Commission Stasi car ma proposition 
d'autoriser le bandana n'a pas été retenue, le rapporteur ayant refusé 
de la mettre au vote. La loi de 2004 limitait l'interdiction aux jeunes 
filles mineures dans l'école publique, mais a donné le sentiment de 
diaboliser le foulard. Difficile ensuite de faire comprendre à 
l'étranger que le foulard n'était pas interdit partout en France !

La HALDE permettait de bien faire appliquer la législation, sanctionnant 
les abus discriminatoires. Il n'est pas toujours évident de savoir là où 
le port du foulard est légitime, et là où il est interdit. Il faut 
montrer que nous luttons contre les discriminations. Le rôle du 
politique est de créer des leviers ; à la société ensuite de s'en 
saisir. Le terreau associatif, très riche en France, se sent parfois peu 
soutenu. Les professeurs ne demandent pas à être payés davantage, mais 
un peu de reconnaissance. Il ne s'agit pas de confiance dans la nature 
humaine, mais de confiance dans la solidité des valeurs républicaines. 
Si elles se concrétisent, elles sont capables d'inclure le plus grand 
nombre, même s'il y a des fous partout, bien sûr.

Mme Françoise Laborde, présidente. - Ce sera le mot de la fin : la 
confiance, mais pas l'angélisme !

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Audition de M. Henri Peña-Ruiz, philosophe, écrivain, maître de 
conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, ancien membre de 
la commission Stasi sur la laïcité

Mme Françoise Laborde, présidente. - Nous recevons maintenant M. Henri 
Peña-Ruiz, professeur de philosophie, écrivain et maître de conférences 
à l'Institut d'études politiques de Paris.

Agrégé puis titulaire d'un doctorat en philosophie, vous avez enseigné 
en classes préparatoires. Au cours de votre carrière, vous avez publié 
plusieurs ouvrages consacrés à la laïcité - notamment Qu'est-ce que la 
laïcité ?, une Histoire de la laïcité et, plus récemment, un 
Dictionnaire amoureux de la laïcité - afin d'en retracer l'histoire, 
d'en préciser la définition et les implications, ainsi que de faire part 
de votre point de vue engagé sur la question.

C'est en qualité de spécialiste reconnu des questions de laïcité que 
vous avez été appelé en 2003 à faire partie de la commission de 
réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République, 
présidée par Bernard Stasi.

Enfin, vous vous êtes également intéressé à l'institution scolaire et à 
l'école républicaine en particulier, que vous décrivez comme remise en 
question et affaiblie.

La commission d'enquête souhaite recueillir votre avis sur l'état actuel 
de la transmission des valeurs républicaines, au premier plan desquelles 
figure la laïcité, dans le cadre de l'école. Comment transmettre la 
laïcité et la faire vivre au sein de nos établissements scolaires ?

Enfin, l'enseignement parfois difficile des principes républicains 
n'est-il pas le corollaire d'une relativisation du savoir, de 
l'instruction et donc de l'autorité du maître ?

Avant de vous passer la parole, le formalisme des commissions d'enquête 
me conduit à vous demander de prêter serment. Je suis également tenue de 
vous indiquer que tout faux témoignage devant notre commission serait 
passible des peines prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal.

En conséquence, je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, 
rien que la vérité : levez la main droite et dites « je le jure ».

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. 
Henri Peña-Ruiz prête serment.

M. Henri Peña-Ruiz, philosophe, écrivain, maître de conférences à 
l'Institut d'études politiques de Paris, ancien membre de la commission 
Stasi sur la laïcité. - A titre liminaire, je tenais à dénoncer la 
multiplication abusive des définitions de la laïcité qui tend à en 
relativiser la signification. Pour moi, il n'y a, en fait, qu'une 
définition de la laïcité qui réponde aux aspirations des personnes 
authentiquement attachées à un cadre républicain assurant l'accueil de 
tous et conforme au triptyque liberté, égalité fraternité. Le mot grec 
Ëáúêüò (laikos) désigne l'unité indivisible d'une population et celui de 
ËÜïò (laos) désigne le simple membre de cette population sans qu'aucune 
distinction ne lui soit accordée.

Lorsque je contemple une assemblée humaine, je suis ainsi en mesure 
d'identifier le laikos et, en promenant mon regard sur les êtres humains 
qui le constituent, je vois avant tout des êtres humains au-delà de 
leurs convictions spirituelles, les convictions religieuses et 
humanistes. D'ailleurs, d'après un récent sondage, les personnes animées 
de convictions humanistes, c'est-à-dire agnostiques ou athées, seraient 
en France majoritaires. Ainsi, la laïcité n'a pas rapport qu'aux 
religions, mais également à tous les types de conviction.

Le laos n'obéit ainsi à aucun principe de différenciation et doit 
également être animé par un principe de paix et de concorde. Avant de 
nous réclamer de telle ou telle croyance, nous demeurons avant tout des 
êtres humains et ce qui nous est commun doit primer sur ce qui vient 
après et qui nous différencie. Nelson Mandela ne se battait pas pour des 
droits noirs ou blancs, mais pour des droits qui étaient communs aux 
Noirs et aux Blancs indépendamment de leurs différences. Le droit à la 
différence est une expression ambiguë, car si ma couleur de peau me 
différencie de celle de mon voisin, cette différence ne relève pas du 
droit, mais du fait. Il vaudrait ainsi mieux souligner que quelles que 
soient les différences secondaires, les êtres humains doivent jouir d'un 
égal respect et d'une égalité de traitement excluant tout privilège 
comme toute stigmatisation. D'un point de vue étymologique, la laïcité 
désigne bel et bien la mémoire vive de l'unité première de l'humanité, 
en amont de ses différenciations, et ce rappel fournit un principe de 
concorde.

Il faut relativiser les différences et les assigner dans la sphère 
privée individuelle ou collective. Ainsi, une réunion de libres penseurs 
qui discutent ensemble est une affaire privée collective.

Quelle est la finalité d'un État républicain ? Selon son étymologie, « 
res publica », il s'agit bel et bien de la chose publique, donc du bien 
commun à tous, l'intérêt général. Il est ainsi de l'intérêt général 
qu'il y ait des hôpitaux publics, des écoles publiques, des maisons de 
la culture ouvertes à tous, qu'ils soient religieux, athées ou 
agnostiques. Les options spirituelles n'engagent que leurs adeptes. 
Ainsi est assignée la fonction universelle, qui nous importe à tous, de 
la laïcité. Celle-ci ne se définit nullement comme le refus des 
particularismes mais plutôt comme l'affirmation selon laquelle les 
particularismes ne sauraient en aucun cas primer sur l'universel et sur 
la loi générale.

Dès lors, comment définir la laïcité ? Pour ce faire, je me place au 
degré zéro de la constitution de la cité, à la manière d'une assemblée 
constituante. Quels sont les principes qui permettent à des personnes de 
croyances diverses de coexister le plus justement possible au sein d'une 
« civitas », nom latin de la polis (ðüëéò) grecque qui désigne la 
communauté politique ? La devise républicaine peut nous montrer le 
chemin. D'une part, liberté, c'est-à-dire la liberté de conscience : les 
croyants sont libres de croire, mais ils n'engagent qu'eux-mêmes. Les 
athées sont libres de ne pas croire en Dieu, mais ils n'engagent 
également qu'eux-mêmes et ne sont donc pas fondés à persécuter les 
religions. L'athéisme officiel de l'Union soviétique stalinienne 
bafouait autant la laïcité que l'obligation de la prière publique dans 
les écoles en Pologne. C'est ainsi une erreur majeure que de penser que 
la laïcité est une machine de guerre contre les religions.

En revanche, que fait la laïcité face aux convictions religieuses ? Elle 
leur demande de se tenir à leur place de conviction spirituelle partagée 
par certains et non par tous, et de demeurer ainsi dans l'ordre du 
particulier. La République, en mettant en avant ce qui est commun à 
tous, ne peut pas accorder à certains particularismes un quelconque 
privilège. La France républicaine n'est plus la fille ainée de l'Église. 
Elle n'est pas pour autant la fille ainée de l'athéisme, mais elle est 
plutôt devenue neutre, au sens de l'étymologie latine de ce terme qui 
signifie « ni l'un ni l'autre ». Marianne n'est ni croyante ni athée, 
mais elle porte sur sa tête l'admirable bonnet phrygien de l'esclave 
affranchie. D'ailleurs chacun peut se reconnaître dans ce bonnet, 
puisque la liberté, c'est un processus de libération qui implique 
l'arrachement aux préjugés, aux faux-semblants du vécu. L'école 
publique, laïque, obligatoire et ouverte à tous doit ainsi engager ce 
processus.

Le premier principe de la laïcité est en définitive la liberté de 
conscience ; la liberté religieuse n'étant qu'un cas particulier de 
cette dernière.

Poursuivons notre raisonnement. À côté de la liberté de conscience, les 
athées, les croyants et les agnostiques doivent jouir d'une stricte 
égalité de traitement. Ainsi, le principe d'égalité a pour conséquence 
que la religion ne plus jouir de privilège, pas plus d'ailleurs que 
l'athéisme. Si la laïcité éradique les privilèges économiques et 
financiers de la religion de naguère, ce n'est pas pour leur substituer 
les privilèges institutionnels de l'athéisme, mais pour faire en sorte 
que désormais plus personne ne puisse dominer la sphère publique en lui 
imposant son option particulière. Le mérite immense de la laïcité, qu'il 
importe de souligner en faisant montre d'une pédagogie patiente, réside 
dans ce démantèlement des privilèges publics de la religion, comme le 
souligne l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 : la République ne 
reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. L'absence de la 
reconnaissance des cultes marque ainsi la fin de ce que leur avait 
accordé Napoléon dans le Concordat, les ministres du culte ne sont plus 
payés par la puissance publique, mais par leurs fidèles, et les lieux de 
culte et tout ce qui est requis par leur usage doivent demeurer à la 
charge des fidèles.

En ne substituant pas aux privilèges des religions ceux de l'athéisme, 
ce principe d'égalité demeure conforme à l'idée républicaine. De ce 
fait, toute idée de subvention avec de l'argent public des écoles 
privées, quand bien même celles-ci enseigneraient une forme d'humanisme 
athée, doit demeurer proscrite, au risque d'employer l'argent public 
pour favoriser l'émergence de nouvelles formes de communautarisme.

En se consacrant à ce qui est commun à tous, la République permet aux 
croyants de réaliser des économies qui bénéficient, en retour, à 
l'intérêt général. Par cette dévolution exclusive de la puissance 
publique à la res publica, les personnes privées sont en mesure de 
mobiliser les financements nécessaires à la pratique des cultes auxquels 
elles adhèrent. Cette idée était, en son temps, avancée par Jean Jaurès 
lorsqu'il préconisait la suppression des cultes puisque ceux-ci 
n'engageaient que les croyants. Ainsi, l'existence de grands services 
publics permet aux croyants de dégager les ressources nécessaires au 
financement de leurs cultes particuliers. Si la République veut être 
conforme à son idée, elle n'a pas d'autre finalité que de servir 
l'intérêt général. Dans le triptyque laïc qui repose sur l'idée de 
liberté, sur l'égalité des droits et sur l'universalité, il n'y a pas, 
comme le disait Victor Hugo, de virgule, mais des traits d'union.

J'appelle donc laïcité le principe d'union de tout le peuple, laos, qui 
implique la liberté de conscience, l'égalité de droits entre athées, 
croyants et agnostiques, et l'orientation universaliste de la puissance 
publique. Toute autre définition me paraît ainsi superfétatoire. 
D'ailleurs, si on compare avec d'autres pays où les religions continuent 
à bénéficier de l'argent public, comme en Allemagne où l'on collecte 
l'impôt religieux par la voie publique, il ne saurait y avoir d'autres 
formes de laïcité. En bon platonicien, pour lequel le coeur et la raison 
sont tout proches, j'en ai assez de la sempiternelle relativisation de 
la laïcité qui se voit alors dessaisie de sa puissance et de sa force de 
conviction. Ainsi, les concepts de laïcité ouverte, inclusive, plurielle 
fournissent des machines de guerre polémiques et sémantiques contre 
l'idée même de laïcité.

Je souhaite que les élus affirment, avec force et vigueur, la laïcité. 
Lorsque François Fillon s'est rendu à Rome pour la béatification de 
Jean-Paul II, dans l'exercice de ses fonctions de Premier ministre, le 
parti socialiste a protesté au nom de la laïcité. Le déplacement de 
Manuel Valls, quatre ans après, à Rome, pour cette fois-ci, la 
canonisation de Jean-Paul II, ne suscite aucune opposition puisque cette 
démarche est mise au compte de relations interétatiques. Arrêtons de 
telles pratiques illogiques ! Il n'est pas acceptable d'afficher sa 
croyance, qui relève du domaine privé, dans l'exercice de fonctions 
ministérielles ! J'ai enseigné près de quarante-trois ans la philosophie 
dans les lycées publics, que ce soit en classes terminales, ou en classe 
de première ou de lettres supérieures, et désormais à l'Institut 
d'études politiques de Paris, jamais mes élèves n'ont su si je croyais 
en Dieu ou pas. Et je refusais de répondre à cette question, lorsqu'elle 
m'était posée, en rétorquant que c'était mon affaire et que je n'avais, 
du reste, pas à savoir ce que mes élèves croyaient, du moment qu'ils 
n'avaient pas envie de le dire. Étant respectueux de leur sphère privée, 
j'attendais, en retour, que l'on soit respectueux de la mienne.

En outre, la République ne me confie pas ses enfants pour que je leur 
inculque une quelconque forme de prosélytisme. Mon abstention est la 
condition de mon égal respect de ceux qui sont parmi vous croyants, 
athées ou agnostiques. Vous ne m'entendrez jamais proférer de critique 
contre la religion ou l'athéisme, ce qui ne m'empêchera pas d'évoquer la 
condamnation à mort de Giordano Bruno, auquel on coupe la langue et 
qu'on brûle vif à Rome pour avoir osé dire que l'univers était infini. 
Le complexe théologico-politique, que dénonce d'ailleurs Spinoza dans 
son Tractatus, doit être mis en cause, et non la religion en elle-même. 
Un professeur de philosophie peut évoquer ce fait, qui relève d'ailleurs 
de ce que l'on désigne comme le fait religieux.

Je profite de mon intervention pour souligner qu'il conviendrait, plutôt 
que d'enseigner le fait religieux, d'éduquer aux humanités qui 
regroupent notamment la mythologie gréco-latine, le contenu doctrinal 
des religions ainsi que leur histoire effective. Je ne vois pas pourquoi 
l'école réduirait l'enseignement des convictions à la seule dimension 
religieuse, ce qui instaurerait une nouvelle discrimination colportée 
par l'école de la République. Il m'est souvent arrivé d'évoquer tel ou 
tel débat doctrinal de l'Église devant mes élèves, en explicitant une 
page des Confessions de Saint-Augustin, l'opposition de la grâce entre 
Jansénistes et Jésuites, ou encore certaines idées de Blaise Pascal. Le 
professeur de philosophie doit donner à connaître les conceptions des 
uns et des autres. Il m'est, de même, arrivé d'analyser des pages de 
d'Holbach ou encore d'Helvétius, philosophes athées du XVIIIe siècle, 
car il m'importait que mes étudiants connaissent l'ensemble des 
conceptions spirituelles. Pour illustrer, devant mes élèves, la façon 
dont une religion représente l'origine du monde et de l'humanité, il 
m'est également arrivé de leur donner à lire une page de la Genèse. Je 
n'avais alors pas conscience de violer les principes de la laïcité mais, 
fidèle au rôle de l'école, d'oeuvrer en faveur d'une pensée critique qui 
soit libératrice.

Je regrette amèrement que l'école encourage désormais les élèves à se 
définir par une appartenance identitaire ou par leur croyance. L'école 
de la République se doit d'être l'école de la distance et l'enseigner 
aux élèves. Ainsi, les frères Kouachi n'éprouvaient aucune distance 
entre leur être et la religion, ce que Voltaire définissait, dans ses 
Lettres philosophiques, comme le fanatisme. On n'est pas une religion, 
on a une religion. Rappeler que cette démarche est de l'ordre de l'avoir 
et non de l'être est extrêmement important, car le rôle de l'école de la 
République, à distance de tous les groupes de pression de la société 
civile, qu'ils soient religieux, politiques ou économiques, est de 
travailler dans une distance à soi qui est un gage de tolérance. Il 
faudrait, me semble-t-il, rectifier l'article de la Constitution selon 
lequel « la République respecte toutes les croyances ». Il vaudrait 
mieux dire que la République respecte tous les êtres humains dans leur 
liberté de croire, car c'est la personne du croyant en sa liberté 
fondamentale de croire qui est respectable, et non le contenu de sa 
croyance. Occulter une telle différence revient à nourrir le fanatisme.

N'oublions pas que les élèves sont des êtres qui s'élèvent, comme le 
souligne la belle étymologie de ce terme, avant que d'être des 
apprenants. Ils peuvent le faire à la condition, comme le disait 
Montaigne dans ses Essais, de distinguer « entre la peau et la chemise 
», évoquant la distance nécessaire entre l'homme et les fonctions de 
maire de Bordeaux qu'il assumait alors. Comme le disait également 
Marc-Aurèle, il ne faut pas jouer à césariser en permanence, mais vivre 
en tant qu'homme une fois rentré en ses pénates, c'est-à-dire dans la 
distance à soi. Cette notion recoupe la « pensée de derrière » chère à 
Pascal, pour qui l'homme n'est pas réductible au personnage social qu'il 
lui faut jouer.

Enfin, la laïcité n'est pas une simple sécularisation entendue au sens 
du transfert des autorités régulières, c'est-à-dire des religieux vivant 
séparés du reste de la société, à des autorités séculières, inscrites 
dans le siècle et par conséquent civiles. Elle consiste bien plutôt en 
une émancipation. Ainsi, à Rome, le pater familias, dans une société 
certes patriarcale, reconnaissait l'autonomie de ses enfants, 
c'est-à-dire leur capacité à se fixer leurs propres règles, et les 
émancipait, c'est-à-dire les faisait sortir littéralement de la 
dépendance paternelle. L'émancipation désigne le processus de sortie de 
la dépendance, mais ne peut être atteinte sans la distance à soi. C'est 
pourquoi les élèves, dans les écoles, doivent savoir qu'ils ne sont pas 
là en tant que musulmans, catholiques, de confession juive ou 
d'humanisme athée, mais en tant qu'êtres humains. Ils doivent le savoir 
et c'est la raison pour laquelle j'étais, au sein de la commission 
Stasi, totalement favorable à la loi de 2004 qui était destinée à 
protéger les établissements scolaires de tout prosélytisme religieux. Et 
nous avions pris la peine de citer trois exemples de tenue vestimentaire 
ostentatoire, à savoir la kippa, le voile et la croix charismatique des 
Journées mondiales de la jeunesse (JMJ). Rappelons-nous qu'une affaire 
de kippa était survenue à Creil avant l'affaire du voile islamique.La 
loi de 2004 avait une vocation plus générale puisque son concernait le 
port de l'ensemble des signes religieux.

Je terminerai mon propos en évoquant l'amalgame entre la culture et les 
cultures. Au nom de la culture que ne fait-on pas ? A Paris se trouve un 
institut des cultures de l'Islam ! On dirait que Bertrand Delanoë puis 
Anne Hidalgo ont suivi les recommandations de la commission Machelon, 
instituée par Nicolas Sarkozy et qui, fort de la différence entre le 
culte qui n'est pas finançable et la culture qui l'est, préconisait la 
création d'associations culturelles qui, on le sait, deviennent 
progressivement des associations cultuelles. Voilà le genre de 
subterfuges que certains de nos élus, quelle que soit leur appartenance 
politique, cautionnent ! En effet, je repère des manquements à la 
laïcité dans les municipalités gérées aussi bien par des élus de droite 
que de gauche. Comme observateur et penseur de la laïcité, je crois 
essentiel de rappeler aux élus qu'ils ont le devoir d'appliquer les lois 
qui ont été votées. Entre culte et culture, il n'y a certes que deux 
lettres de différence, mais le glissement de l'un vers l'autre n'est pas 
acceptable.

Il me paraît également très dangereux d'encourager les hommes à se 
définir culturellement par la religion puisque la culture concerne 
également le vivre ensemble qui se transmet par l'éducation. Une 
ambiguïté entre deux définitions distinctes de la culture demeure. 
Traditionnellement, la culture désigne un processus de transformation, 
puisque collere signifie cultiver, prendre soin de la terre. Ainsi, la 
culture désigne le dépassement du donné. Or, on nous propose, au nom de 
la culture, une soumission au donné, qui relève d'une vision 
ethnographique de soumission à la tradition. En tant que philosophe et 
républicain soucieux d'émancipation, je préfère la culture comme 
émancipation de la tradition à une conception de sujétion à cette même 
tradition. Non pas que cette dernière soit foncièrement mauvaise, 
puisqu'elle est passible du jugement critique, comme nous le rappelle 
Montaigne ou encore Molière, dans Le Tartuffe, à propos de l'obligation 
faite à la femme de cacher telle ou telle partie de son corps :

« Couvrez ce sein que je ne saurais voir :

Par de pareils objets les âmes sont blessées,

Et cela fait venir de coupables pensées ».

Et Dorine de répondre à Tartuffe :

« Vous êtes donc bien tendre à la tentation,

Et la chair sur vos sens fait grande impression !

Certes je ne sais pas quelle chaleur vous monte :

Mais à convoiter, moi, je ne suis pas si prompte,

Et je vous verrais nu du haut jusques en bas,

Que toute votre peau ne me tenterait pas. »

Molière avait parfaitement compris. Cessons ainsi de confondre religion, 
cultures et culte et maintenons des distances, car les distances sont 
émancipatrices.

J'ai ainsi souhaité, en une vingtaine de minutes, vous résumer une 
philosophie de la laïcité, car j'ai pensé que celle-ci, ainsi définie, 
n'a nul besoin d'adjectifs qualificatifs, à l'instar de la liberté et de 
l'égalité qui se suffisent à elles-mêmes. Oui, je crois que la laïcité 
se suffit également à elle-même.

Je vous remercie de votre écoute.

Mme Françoise Laborde, présidente. - Je vous remercie de votre 
intervention. Je passe maintenant la parole à mes collègues.

M. Jacques Grosperrin, rapporteur. - Merci pour votre exposé brillant et 
sans note. Vous venez de nous présenter, de manière à la fois simple et 
structurée, tout en mobilisant une grande diversité de sources, qu'elles 
soient philosophiques, littéraires et même théologiques, un ensemble de 
réflexions qui devancent mes interrogations. J'aurai toutefois trois 
questions à vous adresser. D'une part, pourriez-vous nous repréciser la 
place de la laïcité à l'école ? D'autre part, celle-ci est-elle 
suffisamment mise en pratique dans le fonctionnement des établissements 
scolaires ? Enfin, est-elle suffisante pour assurer ce qu'on a coutume 
de désigner comme le vivre-ensemble ?

Mme Marie-Christine Blandin. - Vous êtes manifestement animé par une 
sorte de foi en la laïcité. Je m'interroge cependant sur l'état des 
lieux de la laïcité aujourd'hui en France. Certes, nous sommes dans un 
État laïc, et pourtant la puissance publique finance les bâtiments 
destinés à l'accueil des croyants catholiques, ainsi que le déplacement 
des membres du Gouvernement à Rome. Comment gérer de telles entorses, 
ainsi que les discriminations qui font que les citoyens de confession 
musulmane ont l'impression d'être moins bien traités, parce qu'il y a 
des dérives pour les uns et pas pour les autres ? Comment gérer un tel 
clivage ? D'ailleurs, cette situation aboutit à faire prendre en charge 
le financement par des pays étrangers à vocation prosélyte, de centres 
de culte musulman du fait de l'absence de soutien de l'État, contrastant 
avec celui dont bénéficient d'autres cultes.

M. Henri Peña-Ruiz. - Il y a deux champs d'application de la laïcité : 
l'État et l'école. Les lois de Jules Ferry de 1881 et de 1886 assurent 
la séparation de l'école et de l'Église, qui est essentielle, comme 
l'indiquait Condorcet dans son Premier mémoire sur l'instruction 
publique afin de soustraire l'instruction aux conditions de fortune des 
élèves. Il fallait ainsi que l'instruction soit gratuite, laïque, 
c'est-à-dire indépendante de la religion, et obligatoire. En rendant 
obligatoire l'instruction publique, il considère que l'instruction est 
politiquement essentielle pour le peuple. Ainsi, dans ce mémoire, il 
rappelle qu'un peuple sans lumière, c'est-à-dire sans connaissance, 
serait susceptible de ramener au pouvoir des usurpateurs. Il ne suffit 
pas de donner le suffrage au peuple, mais aussi l'instruction qui lui 
permet d'exercer son suffrage. Ainsi, l'école n'est pas seulement un 
service public. J'avais, en 1989, contesté la définition de l'école 
impliquant qu'elle avait des usagers. Les élèves ne sont pas des usagers 
et j'avais trouvé la loi d'orientation de juillet 1989 conceptuellement 
malaisée. L'instruction est obligatoire et les élèves ne sont pas à 
l'école par choix, mais pour faire advenir le citoyen éclairé dont la 
République a besoin. Montesquieu l'explique parfaitement : tandis que le 
despotisme est innervé par la peur, la République, elle, fonctionne 
grâce à la vertu citoyenne, qui résulte elle-même de l'éducation, à la 
différence de la monarchie qui la fait reposer sur la notion de rang. 
Loin de n'être qu'un service public utile, l'école est ainsi une 
institution organique de la République. Ce qui s'accomplit à l'école 
doit être soustrait aux groupes de pression et d'intérêt que l'on trouve 
dans la société civile. L'école est « le lieu où l'on apprend ce que 
l'on ignore pour pouvoir, le moment venu, se passer de maître » comme 
aimait à le souligner Jacques Muglioni, et se passer de maître n'est 
possible que parce qu'on est devenu maître de soi-même. La République a 
ainsi besoin de citoyens intransigeants qui pensent par eux-mêmes et ne 
confondent pas obéir et se soumettre. « Un peuple libre obéit ; il ne 
sert pas » disait Jean-Jacques Rousseau. Dès lors, la laïcité, à 
l'école, suppose de la part des maîtres une déontologie laïque. Les 
fonctionnaires qui enseignent dans les écoles de la République sont des 
fonctionnaires de l'universel. Le maître qui rentre dans sa classe ne 
saurait être partisan, mais demeure le dépositaire d'une culture 
universelle qui émancipera. Telles sont la noblesse et la grandeur de 
l'enseignant. J'aurais d'ailleurs aimé que Nicolas Sarkozy, avant de 
déclarer que le prêtre était meilleur que l'instituteur, se souvienne de 
cela, ce qui lui aurait permis d'éviter de comparer l'incomparable et de 
conjecturer une telle hiérarchie.

Effectivement, l'école requiert la laïcité qui est d'abord, j'insiste 
sur ce point, la préservation d'un temps et d'un espace scolaires 
soustraits à toute pression de la société civile. Aucun document 
politique, religieux ou publicitaire n'a place dans l'enceinte de 
l'école, car les élèves ne sont pas encore citoyens. Il faut considérer, 
en évitant toute forme de démagogie, l'élève comme un citoyen en 
puissance. Il ne deviendra authentiquement citoyen qu'au terme de 
l'éducation, processus qui s'adresse à la raison qui git en tout être 
humain - « le bon sens est la chose du monde la plus partagée » 
soulignait Descartes dans son Discours de la méthode - qui demeure en 
puissance et que l'école a pour mission de faire passer à l'acte. Il 
faut tenir à distance l'ensemble des conditionnements politiques, 
religieux et commerciaux que les élèves, du reste, retrouvent dès qu'ils 
sortent de leur école.

L'autonomie est ainsi rectrice et je considère que si un voyage scolaire 
répond à une finalité pédagogique, il faut que son encadrement respecte 
les conditions de neutralité vestimentaire précisées dans la circulaire 
Chatel. Lorsqu'on prétend que des mères voilées peuvent bien accompagner 
leur enfant dans le cadre d'un voyage scolaire d'une vingtaine d'élèves, 
il faut garder à l'esprit qu'elles assurent des fonctions 
d'accompagnatrices au nom de l'État et doivent, à ce titre, être tenues 
à la même neutralité vestimentaire que les enseignants ou encore les 
conseillers principaux d'éducation. Imaginerait-on un accompagnant 
scolaire avec une kippa ou un tee-shirt arborant l'expression « 
humaniste athée » ? Aucun de ces signes ostensibles, y compris la croix 
charismatique, n'est recevable dans le cadre d'un voyage scolaire, qui 
n'est nullement une sortie touristique mais obéit à une finalité 
pédagogique.

S'agissant des lieux de culte et de leur financement, je viens de 
publier, ce matin même, un article dans le quotidien Libération sur le 
Concordat, dont je demande évidemment l'abrogation. Le Concordat est en 
effet l'appel, au nom du ciel, de privilèges terrestres. Napoléon s'en 
explique dans Le Mémorial de Sainte-Hélène en rappelant que les 
allégations spirituelles servent aux religieux pour s'emparer de la 
sphère terrestre. En outre, le Concordat s'inscrit, toujours selon 
Napoléon, dans une logique d'Ancien régime reposant sur le lien entre 
paiement et contrôle. « Je paie, donc je contrôle », et le catéchisme 
impérial renouera avec les exégèses de l'Écriture sainte de Bossuet, qui 
dépeignait le roi comme « le ministre de Dieu sur laterre », 
enprésentant à son tour l'Empereur comme l'envoyé de Dieu sur la terre. 
Sortons, une bonne fois pour toutes, de cette logique du mécénat 
intéressé et réfléchissons sur la manière d'éviter le fanatisme.

La République n'a pas à faire un mécénat visant à acheter le conformisme 
des ecclésiastiques et à instaurer avec eux un rapport d'interdépendance 
personnelle. Quel religieux peut accepter une telle sujétion ? Au 
rapport de dépendance interpersonnelle et verticale hérité de l'Ancien 
régime se substitue une conception républicaine verticale des relations 
entre les citoyens qui ont des droits, mais qui ont également des 
devoirs. Lorsque l'imam Bouziane à Lyon appelle à battre une femme 
adultère, il est immédiatement traduit en justice, et c'est bien, car 
c'est au nom de la loi que le peuple se donne à lui-même, qu'un contrôle 
est exercé et ce, loin d'un rapport de dépendance interpersonnel. Je 
considère louable de vouloir que les citoyens de confession musulmane 
échappent à l'emprise des Wahhabites, mais il n'est pas louable de le 
faire en payant. La bonne solution passe par ce que préconise M. 
Abdennour Bidar, selon lequel c'est aux croyants de faire le ménage chez 
eux ! Si la construction d'une mosquée relève d'une sorte de troc contre 
la possibilité de choisir les imams, la démarche est indigne ! On ne 
saurait acheter des hommes car c'est aux croyants eux-mêmes de 
s'organiser conformément à la loi. Les catholiques l'ont fait à la 
lumière de l'exigence laïque, à l'instar de l'abbé Félicité de Lamennais 
qui militait en faveur d'une conception libérale du christianisme et 
considérait que la séparation entre l'Église et l'État rétablirait 
l'Église dans sa vocation spirituelle désintéressée. L'aggiornamento 
conduit par les catholiques, du fait de la pression de la laïcité, est 
une démarche que les musulmans devront, à leur tour, conduire. Mais ce 
n'est pas à la République d'imposer les dirigeants du culte musulman, 
moyennant de l'argent pour construire des mosquées.

Je suis ainsi hostile à la construction de mosquées financée sur fonds 
publics. Mais, me direz-vous, les catholiques, avec leurs 34 000 lieux 
de cultes recensés en 1905, bénéficient d'un réel privilège. Soit, car 
une telle couverture demeure un legs de l'histoire. La loi de 1905 
énonce deux types de normes : celles qui, d'une part, prévalent à 
compter du 1er janvier 1906 et qui mettent toute construction d'un lieu 
de culte à la charge de ses fidèles, et celles qui, d'autre part, 
concernent les bâtiments antérieurs, comme les églises et les 
cathédrales, dont certaines sont classées monuments historiques, et dont 
l'entretien est financé par l'État au titre du patrimoine culturel. Il 
est normal que l'État ait réparé les flèches de Notre-Dame-de-Paris 
détruites par la grande tempête et cette démarche s'analyse comme une 
subvention à la culture et non au culte. Cette démarche n'est nullement 
à mettre au compte d'une quelconque forme de discrimination ! Le recteur 
Dalil Boubakeur a récemment souligné l'absence de déficit de lieux 
cultes musulmans en France. Il a par ailleurs rappelé que l'organisation 
de deux services de prières à la mosquée de Paris serait suffisante pour 
l'ensemble des fidèles présents en région parisienne. Certaines mosquées 
sont d'ailleurs peu fréquentées et l'imagerie de « l'Islam des caves », 
valable il y a une décennie, est aujourd'hui dépassée. Il faut ainsi 
arrêter de financer des lieux de cultes au risque d'attiser les 
revendications de l'ensemble des cultes.

Mme Marie-Christine Blandin. - Je vous précise que je n'en ai nullement 
l'intention !

M. Henri Peña-Ruiz. - Je me permets de raisonner à voix haute. Mais je 
souhaitais dénoncer le principe selon lequel le paiement vaut contrôle, 
une idée indigne de la République et une survivance de l'Ancien régime !

Mme Françoise Laborde, présidente. - Je reviendrai sur la petite 
polémique...

M. Henri Peña-Ruiz. - Ce n'est pas une polémique, c'est un désaccord !

Mme Françoise Laborde, présidente. - S'agissant des accompagnateurs 
scolaires. Je suis très proche de ce que vous énoncez et la polémique 
vient du fait du texte de référence en la matière. S'agit-il de la 
Circulaire Chatel ou plutôt de l'avis du Conseil d'État selon lequel les 
accompagnateurs scolaires n'appartiennent pas au service public ? Je ne 
suis pas d'accord avec une cette conception, car toute personne qui 
accompagne relève de l'assurance scolaire de l'école alors que les 
élèves doivent, quant à eux, être couverts par une assurance 
personnelle. Cette dimension assurantielle vaut, à mes yeux, soumission 
aux principes du service public ou de la délégation de service public. 
Il est de la responsabilité des autorités scolaires, conformément à la 
circulaire Chatel, de veiller à ce que les accompagnateurs scolaires 
respectent une stricte neutralité vestimentaire. Je vous rejoins ainsi 
totalement sur cette question et je souhaitais vous le dire !

Nous vous remercions pour votre intervention de grande qualité.

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
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Nos sites :
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