[Laicite-info] L'Assemblée ne votera pas la proposition de loi sur la laïcité dans les crèches privées
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 12 Mar 11:28:33 CET 2015
L'Assemblée ne votera pas la proposition de loi sur la laïcité dans les
crèches privées
Publié par : http://www.localtis.info
Le : jeudi 12 mars 2015
*************
Il y a quelques jours, la commission des lois de l'Assemblée nationale
adoptait, dans un climat consensuel - et avec le soutien de tous les
groupes -, la proposition de loi "visant à étendre l'obligation de
neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des
mineurs et à assurer le respect du principe de laïcité" (voir notre
article ci-contre du 6 mars 2015). Ce texte, déjà adopté en première
lecture par le Sénat le 17 janvier 2012, devait en principe être adopté
en séance par les députés le 12 mars.
Renvoi en commission
Il n'en sera finalement rien et le texte devrait faire l'objet d'un
renvoi en commission, en vue d'un éventuel retour devant les députés.
Selon l'entourage du Premier ministre, la proposition de loi pourrait
revenir devant l'Assemblée au mois de mai. La situation est pour le
moins paradoxale, puisque la proposition de loi émane du groupe RDSE du
Sénat, composé principalement des Radicaux de gauche, membres de la
majorité gouvernementale. Elle a reçu le soutien du groupe socialiste au
Sénat et en commission des lois de l'Assemblée, à l'exception de
quelques rares individualités, comme le député des Bouches-du-Rhône
Patrick Mennucci. Enfin, le texte avait le soutien de l'opposition. Et
finalement, le groupe socialiste ou le RDSE déposera lui-même, moins
d'une semaine après l'adoption en commission, une motion de renvoi en
commission...
Les raisons de ce revirement spectaculaire sont multiples. Certaines
sont d'ordre juridique. Le texte présente en effet des risques
constitutionnels, même si la commission des lois en a retiré la
disposition relative à la neutralité religieuse des assistantes
maternelles - adoptée par le Sénat -, qui courrait droit à une censure
du Conseil constitutionnel (voir notre article ci-contre du 6 mars 2015
sur le contenu de la proposition de loi et sur les modifications
apportées par la commission des lois).
Les religions montent au front
Mais les raisons de ce revirement sont avant tout politiques. Avec une
question de calendrier tout d'abord. S'exprimant, le 10 mars, juste
avant la réunion du groupe socialiste sur la question, Bruno Le Roux,
son président, a ainsi indiqué regretter l'inscription de ce texte "dans
cette période officielle de campagne électorale d'un texte dont on voit
bien que juridiquement il ne pose pas de grandes difficultés, mais
soulève de grands débats qui sont quelquefois loin de la réalité". En
d'autres termes, "la période me semble mal adaptée pour un examen serein".
Le texte a en effet soulevé une levée de boucliers qui n'a pas échappé
aux députés. Sans surprise, la Conférence des évêques de France avait
ainsi réagi dès la semaine dernière, en pointant une proposition qui
"n'est pas du tout dans l'esprit de la loi de 1905" portant séparation
des Eglises et de l'Etat et présente donc "un danger". Plus virulent,
l'Observatoire contre l'islamophobie - rattaché au Conseil français du
culte musulman (CFCM) - a dénoncé, le 10 mars, "une vision totalitaire
et extrémiste de la laïcité, [qui,] au mépris de la tolérance et de
l'intelligence met en danger l'esprit du vivre-ensemble porté par les
citoyens de France le 11 janvier dernier".
"Arrêter cette mécanique infernale"
Plus inattendue, la dénonciation la plus cinglante est venue de
l'Observatoire de la laïcité, rattaché au Premier ministre. Son
président, Jean-Louis Bianco, a jugé le texte "extraordinairement
dangereux ; on met le doigt dans un engrenage". Dans un communiqué,
l'ancien ministre socialiste estime qu'"imposer une neutralité générale
et absolue pourrait être contre-productif et contrevenir aux principes
constitutionnels et de la Convention européenne des droits de l'Homme
d'égalité et de liberté de conscience".
Le président de l'Observatoire de la laïcité a également affirmé à l'AFP
que "l'étape suivante, ce sera les mamans accompagnatrices de sorties
scolaires, puis le débat sur le voile à l'université, ensuite la menace
d'une stricte neutralité pour les usagers du service public, voire la
neutralité en entreprise". Conclusion de Jean-Louis Bianco : "J'espère
vraiment qu'on va arrêter cette mécanique infernale". Apparemment, le
message a été entendu...
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : proposition de loi visant à étendre l'obligation de
neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des
mineurs et à assurer le respect du principe de laïcité (adoptée en
première lecture par le Sénat le 17 janvier 2012, examinée en séance
publique par l'Assemblée nationale le 12 mars 2015).
--
-----------------------
Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
Mel : denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
-----------------------
Nos sites :
http://www.laligue-alpesdusud.org
http://www.laligue-alpesdusud.org/associatifs_leblog
-----------------------
Plus d'informations sur la liste de diffusion Laicite-info