[Laicite-info] Petite enfance : l'Assemblée adopte une version très allégée du texte sur la laïcité
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 19 Mai 08:42:00 CEST 2015
Petite enfance : l'Assemblée adopte une version très allégée du texte
sur la laïcité
Publié par : http://www.localtis.info
Le : mardi 19 mai 2015
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Au final, la proposition de loi telle qu'amendée et adoptée par les
députés se contente d'étendre l'obligation de neutralité "aux structures
privées en charge de la petite enfance". Il n'est plus question des
assistantes maternelles, ni des centres de loisirs et autres accueils de
mineurs avec ou sans hébergement.
Tout ça pour ça ? Après avoir donné lieu à de très vives polémiques et
avoir été retirée en catastrophe de l'ordre du jour à quelques heures de
son examen par l'Assemblée nationale (voir nos articles ci-contre des 12
et 25 mars 2015), la proposition de loi "visant à étendre l'obligation
de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant
des mineurs et à assurer le respect du principe de laïcité" (selon son
intitulé originel) est finalement arrivée devant les députés, qui l'ont
adoptée le 13 mai 2015. Auparavant, elle avait été votée sans difficulté
par le Sénat, le 17 janvier 2012 (oui, 2012...) puis, le 4 mars dernier,
par la commission des lois de l'Assemblée, qui avait toutefois exclu les
assistantes maternelles du champ d'application du texte (voir notre
article ci-contre du 6 mars 2015).
L'officialisation de la jurisprudence "Baby Loup"
Le texte adopté par les députés revient, pour l'essentiel, à donner un
cadre législatif à la jurisprudence "Baby Loup". Lors de la discussion
générale, Laurence Rossignol a d'ailleurs bien précisé qu'"il ne s'agit
pas aujourd'hui de recommencer les grands débats qui ont abouti à
l'affirmation de la laïcité comme valeur fondatrice de notre République,
même si j'ai conscience que cette perspective puisse être tentante". La
secrétaire d'Etat chargée de la famille a rappelé qu'"alors que notre
pays a plus que jamais besoin d'unité, la laïcité doit être pour nous
une valeur d'apaisement et de rassemblement". Elle a également affirmé
souhaiter que "le débat (...) soit empreint de sobriété et de
responsabilité, qu'il ne provoque pas la surenchère et qu'il respecte
l'objet du texte". Message reçu, puisque le texte a été voté par
l'ensemble des groupes, seul le Front de Gauche s'étant abstenu.
Des restrictions "proportionnées"
Cette approche qui se veut plus consensuelle se lit d'abord dans le
nouvel intitulé de la proposition de loi. Celle-ci vise en effet
désormais à étendre l'obligation de neutralité
"aux structures privées
en charge de la petite enfance"
et non plus "à certaines personnes ou
structures privées accueillant des mineurs", ce qui incluait les
assistantes maternelles, mais aussi des structures comme les centres de
loisirs et de vacances.
Le texte adopté par l'Assemblée - après réécriture de l'article Ier par
un amendement (n°22) du rapporteur - prévoit ainsi que "les
établissements et services accueillant des enfants de moins de six ans
gérés par une personne morale de droit public ou par une personne morale
de droit privé chargée d'une mission de service public sont soumis à une
obligation de neutralité en matière religieuse", ce qui n'est pas
vraiment nouveau compte tenu de la jurisprudence constante du Conseil
d'Etat et de la Cour de cassation.
Les autres structures privées - de type Baby Loup - accueillant des
enfants de moins de six ans "peuvent apporter, dans les conditions
prévues aux articles L.1121-1 et L.1321-3 du Code du travail, des
restrictions, de caractère proportionné, à la liberté de leurs salariés
de manifester leurs convictions religieuses. Ces restrictions figurent
dans le règlement intérieur ou, à défaut, dans une note de service".
Dans tous les cas, les établissements d'accueil de la petite enfance
"assurent le respect de la liberté de conscience des enfants", ce qui
écarte le prosélytisme.
Afin de lever toute ambiguïté, le texte précise que les dispositions
prévues par la proposition de loi "ne sont pas applicables aux
établissements et services assurant l'accueil familial non permanent
d'enfants de moins de six ans au domicile d'assistants maternels".
Pas d'extension au-delà des crèches
Par un autre amendement (n°15), le rapporteur a également obtenu la
suppression de l'article 2. Dans la rédaction adoptée par le Sénat - et
déjà modifiée par la commission des lois de l'Assemblée -, cet article
prévoyait d'étendre l'obligation de neutralité à diverses personnes
morales de droit privé accueillant des mineurs protégés (accueils avec
hébergement, accueils sans hébergement, accueils de scoutisme d'au moins
sept mineurs avec et sans hébergement...). La commission renvoyait à un
décret en Conseil d'Etat la "détermination des conditions d'application
de l'article pour chaque catégorie de mode d'accueil collectif à
caractère éducatif".
Devant la forte diversité des situations, mais aussi devant la
difficulté à concilier un régime général posé par la loi et des
applications différenciées relevant du pouvoir réglementaire,
l'Assemblée, suivant en cela son rapporteur, a préféré - pour reprendre
l'expression de l'exposé des motifs - "renoncer à régir globalement par
la loi les personnes morales concernées". Le texte ainsi modifié doit
maintenant retourner au Sénat pour l'examen en deuxième lecture.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : proposition de loi visant à étendre l’obligation de
neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et à
assurer le respect du principe de laïcité (adoptée en première lecture
par le Sénat le 17 janvier 2012 et par l'Assemblée nationale le 13 mai
2015).
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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