[Laicite-info] Laïcité : Une doctrine politique ou sociale ?

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 30 Nov 09:03:54 CET 2015


Laïcité : Une doctrine politique ou sociale ?

Publié par : http://www.cafepedagogique.net/
Le : 30/11/15

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Comment s'est construite la laïcité à la française ? Vendredi 27 
novembre, l'IREA accueillait en ouverture de son colloque deux 
historiens, Antoine Prost et Claude Lelièvre, pour évoquer la naissance 
de la laïcité en France. Une double réflexion qui sert finalement à 
éclairer l'action présente...

La laïcité pratique sociale...

"Les martyrs chrétiens sont les premiers laïcs". Antoine Prost ouvre sa 
conférence sur ce paradoxe apparent en expliquant que le christianisme 
sépare pour la première fois l'Etat et la religion. Quant à la laïcité 
contemporaine, elle nait au 19ème siècle du combat des républicains pour 
une nouvelle société. Car, rappelle A. Prost, l'Eglise se déclare à 
l'époque contre la société moderne. Par exemple, l'Encyclique de 1864 
condamne toute idée d'adaptation de l'Eglise au monde moderne . Elle 
invite à résister à l'autorité venue de la nation. Le combat des 
républicains est donc un combat de société. Ils construisent une société 
moderne, laïque, appuyée sur l'école.

C'est tout le travail de J. Ferry que de laïciser l'Ecole à une époque 
où nombre de maitres des écoles publique sont des religieux. C'est 
l'objectif de la loi Goblet de 1886. En même temps Ferry rassure les 
parents. Les tribunaux condamnent les excès de chaque camp. Ainsi en 
1908, un instituteur qui avait traité, en classe, les croyants 
d'imbéciles est condamné. Mais l'Amicale des instituteurs fait aussi 
condamner un archevêque qui assimile l'école publique au diable...

Faut-il aller plus loin ? La question se pose au tournant du 20ème 
siècle avec l'affaire des congrégations. On passe alors à une nouvelle 
étape avec la tentation pour l'Etat d'imposer une doctrine laïque.  E 
Combes applique avec une dureté inouie la loi sur les congrégations. 2 
500 écoles libres sont supprimées du jour au lendemain. Il veut 
interdire l'enseignement aux anciens congréganistes. Mais il se heurte à 
Clémenceau qui dénonce le monopole de l'Etat en éducation. "Quelle 
concile de pions définira la doctrine du jour ?", demande-t-il. "On a 
détrôné le pape. Vive l'Etat pape ! " L'Etat pape ne verra pas le jour. 
Pour Antoine Prost, l'Etat abandonne alors toute idée d'imposer une 
doctrine.

Le modèle de société laique l'emporte jusqu'à aujourd'hui. "Aujourd'hui 
l'enjeu est à nouveau un modèle de société", explique A. Prost. "On à 
nouveau des types de religions qui différencient les pratique sociales 
ce qui n'était pas le cas du temps des laïques et des anti-laïques". 
C'est de nouveau le modèle de société, le vivre ensemble qui sont attaqués.

Et combat politique

  Claude Lelièvre fait une lecture politique de la naissance de la 
laïcité. Pour lui J. Ferry prend garde de distinguer le catholicisme, 
pour qui il marque du respect, du catholicisme politique. Ce qui lui 
importe c'est la question politique pas la question religieuse. "Nous 
sommes entrés dans la lutte anticléricale. Nous avons voulu la lutte 
anticléricale mais la lutte anti religieuse jamais", dit-il.

Ainsi les "devoirs envers Dieu" restent dans les programmes officiels 
jusqu'à un arrêté de 1923 qui va les supprimer... pour les rétablir 
aussitôt. Finalement ils disparaissent sous Vichy dans les instructions 
de Carcopino. "Pendant 60 ans l'école républicaine a enseigné les 
devoirs envers Dieu" rappelle C Lelièvre.

De la même façon "l'enseignement du fait religieux" a traversé toute la 
Vème République alors qu'à plusieurs reprises on prétend l'instituer. 
Les programmes de 2008 par exemple instituent cet enseignement. Mais en 
2010 une proposition de loi prévoit encore une fois de les "instituer". 
Cela illustre le décalage entre les programmes scolaires et le discours 
politique, le combat politique sur la laïcité. Une recherche menée par 
une thésarde montre que les manuels proposent les mêmes têtes de 
chapitre et les mêmes documents tout au long de la Vème République.  "Si 
un instituteur s'oubliait assez pour instituer un enseignement 
outrageant pour les croyances religieuses de n'importe qui il serait 
sanctionné", avait écrit déjà Jules Ferry à la fin du 19ème siècle.

Mais en même temps, Ferry lutte contre la neutralité politique du corps 
enseignant.  L'Ecole doit faire aimer la République et Ferry attend des 
instituteurs un engagement républicain. Un combat poursuivi dans les 
générations suivantes. "La plus perfide manoeuvre des ennemis de l'école 
laïque c'est de la rappeler à la neutralité et de la condamner ainsi à 
avoir ni doctrine ni efficacité.. La neutralité serait une prime à la 
paresse de l'intelligence", dit Jaurès. Claude Lelièvre appelle à 
relever aujourd'hui ce flambeau des valeurs républicaines dans un combat 
politique qui soit aussi le combat de la science et de la raison.



François Jarraud

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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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