[Laicite-info] L’éducation nationale revendique la fermeté en matière de laïcité

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Mar 9 Fév 17:44:35 CET 2016


L’éducation nationale revendique la fermeté en matière de laïcité

Publié par : LE MONDE
Le : 09.02.2016
Par Mattea Battaglia et Aurélie Collas

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Le débat sur la laïcité continue d’agiter l’école. Alors que la plupart 
des établissements sont encore sous le coup de l’émotion née des 
attentats de janvier et de novembre 2015, le ministère de l’éducation 
nationale vient de lâcher un chiffre : 150 « atteintes au principe de la 
laïcité et aux valeurs de la République » ont été signalées par les 
équipes éducatives en décembre 2015. Une petite bombe, divulguée au 
hasard d’un entretien donné par Najat Vallaud-Belkacem à L’Obs du 4 
février, dans lequel la ministre de l’éducation insiste sur la « 
prégnance du sentiment religieux parmi les élèves ».

A la manœuvre, la délégation ministérielle chargée de la prévention et 
de la lutte contre les violences scolaires, léguée par le sociologue 
Eric Debarbieux à l’inspecteur général André Canvel à la rentrée 2015. « 
Ces 150 atteintes recouvrent des paroles, des propos ressentis comme 
intégristes, détaille M. Canvel, mais aussi des postures, des 
comportements exprimant une radicalité. Il n’y a pas de problème lié au 
port du voile ; en revanche, des enseignants s’alarment de l’impact du 
complotisme : des élèves s’en inspirent pour enfreindre le règlement, 
contester un enseignement. »

Quels élèves ? « Nous n’avons pas la géographie de ces atteintes, répond 
l’inspecteur. Nous savons qu’elles concernent plus le collège que le 
lycée. Que le primaire est aussi impacté. Mais attention au risque de la 
surinterprétation, prévient-il : 150, rapportés à 12 millions d’élèves, 
c’est très minoritaire. » Attention, aussi, au risque d’une surenchère 
de signalements, ceux sur les atteintes à la laïcité venant s’ajouter à 
la catégorie, déjà floue, des « suspicions de radicalisation » créée en 
2014 (857 décomptées lors de l’année scolaire 2014-2015 ; 617 depuis 
septembre).

« Jouer la transparence »

D’autant qu’on ne dispose d’aucun recul : ces remontées, permises par 
l’ajout, à la rentrée, d’une nouvelle catégorie dans la « machine 
statistique » du ministère, permettent certes d’affirmer que ces 
atteintes à la laïcité représentent 10 % des « faits graves » dans les 
établissements, mais pas de les mettre en perspective dans le temps. « 
En novembre, c’était un peu moins que 150, fait valoir M. Canvel. 
L’investissement des enseignants juste après les attentats a porté ses 
fruits. Mais en décembre, après la sidération, on a connu un 
raidissement. C’était prévisible », conclut-il.

Rue de Grenelle, on revendique la fermeté : « Le temps où l’éducation 
nationale détournait le regard est terminé : jouer la transparence, 
c’est une manière de contrer le fantasme d’une vague de fondamentalisme 
déferlant sur l’école… mais aussi les dénégations préjudiciables au 
système », martèle-t-on au cabinet de la ministre. Ses adversaires 
politiques pourront toujours souligner que cette prise de position 
intervient à un an de l’échéance présidentielle… et deux semaines après 
une prestation télévisée critiquée face à Idriss Sihamedi, président 
d’une ONG musulmane, BarakaCity, intervenant en Syrie. La ministre de 
l’éducation nationale assume : fini la « myopie », fini la logique du « 
ne pas faire de vagues ». Place à celle du « ne plus rien laisser passer ».

Mais laisser passer quoi, au juste ? Une enquête du CNRS et Sciences Po 
Grenoble, rendue publique le 4 février, pointe bel et bien une adhésion 
forte à la religion chez les adolescents musulmans (la religion est « 
importante » ou « très importante » pour 83 % des musulmans, contre 22 % 
des catholiques), mais elle ne permet absolument pas d’affirmer que 
cette religiosité entraîne des contestations massives des enseignements 
ou un rejet de l’école.

Les « adolescents des villes »

Ainsi, la confiance en l’école « ne varie pas nettement suivant la 
confession et la religiosité », souligne cette enquête, réalisée dans 
les Bouches-du-Rhône entre avril et juin 2015 auprès de quelque 9 000 
collégiens de 5e, 4e et 3e – âgés de 12 à 15 ans donc. Ils sont une 
majorité, entre 56 % et 65 %, à afficher cette confiance en l’école. La 
laïcité « permet de vivre ensemble » pour la plupart d’entre eux – de 62 
% à 75 %. Plus de 80 %, quelle que soit leur confession, estiment qu’on 
a le droit de changer de religion.

Malgré tout, à la lecture des résultats, il apparaît que cette 
religiosité peut avoir des incidences en classe. Il en va ainsi de la 
question des signes religieux : un petit tiers (32,5 %) pense que 
l’interdiction de porter des signes religieux à l’école est contraire à 
la liberté et à l’égalité de chacun. Un autre gros tiers (36,8 %) est 
favorable à cette interdiction, et 28,5 % n’ont pas de réponse.

A une question portant sur l’origine des espèces, au programme de 3e, 
ils sont 71,8 % chez les collégiens musulmans « affirmés », 48,2 % chez 
les catholiques « affirmés », à penser que « Dieu a créé les espèces 
vivantes », et non l’évolution. Il est « normal de séparer les hommes et 
les femmes à la piscine » pour 36,4 % des musulmans affirmés (17 % des 
musulmans moins affirmés), contre respectivement 10 % et 6,4 % chez les 
catholiques, 5 % chez ceux qui se disent athées.

Reste que cette étude, qui porte plus généralement sur le rapport des 
adolescents à la loi et s’inscrit dans un programme international de 
recherche sur la délinquance, est concentrée sur un certain échantillon, 
les « adolescents des villes », dans l’un des départements les plus 
urbains de France. C’est un parti pris des chercheurs : « C’est en ville 
que sont les enjeux de la délinquance, les clivages sociaux, religieux, 
ethniques… », assume Sébastian Roché, le directeur de la recherche, un 
politologue spécialiste de la délinquance.

Les chiffres

22,5 % des adolescents pensent que « la femme est faite avant tout pour 
faire des enfants et les élever » selon une enquête du CNRS et 
Sciences-Po Grenoble réalisée dans les Bouches-du-Rhône entre avril et 
juin 2015 auprès de 9 000 collégiens : 16,4 % chez ceux qui se disent 
athées, 29,4 % chez les catholiques « affirmés » et 41 % chez les 
musulmans « affirmés », 17,4 % chez les catholiques et 24 % chez les 
musulmans « moins affirmés ».

74,3 % estiment que les homosexuels sont « des gens comme les autres » : 
86,7 % chez les athées, respectivement 76,5 % et 53 % chez les 
catholiques et les musulmans « affirmés », 83 % et 75,6 % chez les 
catholiques et musulmans « moins affirmés ».

13 % estiment qu’utiliser une contraception devrait être interdit : 9 % 
chez les athées, 16,4 % et 27,3 % chez les catholiques et musulmans « 
affirmés », 9 % et 17 % chez les catholiques et musulmans « moins 
affirmés ».

27 % des adolescents estiment que « les livres et les films qui 
attaquent la religion doivent être interdits », 30,4 % qu’ils doivent 
être autorisés ; 39,9 % ne savent pas. Les plus « affirmés » des 
catholiques sont 32,3 % à se prononcer pour l’interdiction, 53,3 % chez 
les musulmans de cette catégorie.



     Aurélie Collas
     Journaliste au Monde



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Denis Lebioda
Chargé de mission
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