[Laicite-info] A quoi sert l’Observatoire de la laïcité ?

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 25 Jan 09:03:23 CET 2016


A quoi sert l’Observatoire de la laïcité ?

Publié par : Le Monde.fr
Le :  23.01.2016
Par Elvire Camus

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L’Observatoire de la laïcité est dans la tourmente. Lundi 18 janvier, 
c’est le premier ministre, Manuel Valls qui a eu des propos critiques et 
durs à l’encontre de sa direction. Jeudi 21 janvier, c’est l’un de ses 
membres, le sénateur Hugues Portelli (Les Républicains), qui a 
officialisé sa démission (celle-ci remonte au 19 novembre 2015).

« Je pense au fond que l’Observatoire de la laïcité ne sert à rien. 
L’Etat dispose d’une vision claire et des outils nécessaires pour gérer 
la laïcité et il n’a pas besoin d’une structure de ce genre », affirme 
M. Portelli, dans un entretien au Figaro, paru samedi 23 janvier.

Un « observatoire de la foi », « occupé à minimiser l’intégrisme » et 
qui « dénature le principe de laïcité » qu’il est censé défendre. Les 
critiques fusent, à droite comme à gauche, taxé de laxisme, l’organisme 
défend son bilan en martelant que ses travaux sont basés sur son 
expérience du terrain. Une méthode que saluent les acteurs locaux.

Pourquoi a-t-il été créé ?

Le site du gouvernement définit sa mission comme suit :

     « L’Observatoire assiste le gouvernement dans son action visant au 
respect du principe de laïcité en France. Il réunit les données, produit 
et fait produire les analyses, études et recherches permettant 
d’éclairer les pouvoirs publics sur la laïcité. »

A sa création, en avril 2013, l’Observatoire répond à « un vrai besoin 
», décrypte Jean Baubérot, historien de la laïcité, celui de « sortir de 
la confusion » :

     « Il a ce travail, très utile, d’expliquer ce qu’est le dispositif 
juridique de la laïcité. Car autant, la loi de 1905, tout le monde la 
sanctifie, mais tout le monde ne la connaît pas. »

En plus de dire le droit et d’expliquer sa raison d’être en s’appuyant 
sur l’histoire, le rôle de l’Observatoire est de faire de la pédagogie 
autour de la loi de 1905, rédigée il y a plus d’un siècle dans un 
contexte très différent du contexte actuel. Les 44 articles de la loi ne 
sont pas tous valables aujourd’hui, ajoute Jean Baubérot.


Qui le compose ?

L’Observatoire de la laïcité, organisme public placé auprès du premier 
ministre, est composé de 23 membres nommés par le chef du gouvernement 
pour une durée de quatre ans (sauf pour les parlementaires, renouvelés 
quand leur mandat prend fin) :

     1 président : Jean-Louis Bianco ;

     1 rapporteur général : Nicolas Cadène ;

     10 personnalités qualifiées, c’est-à-dire « désignées en raison de 
leurs compétences et de leur expérience » : Soraya Amrani-Mekki, Alain 
Bergounioux, Abdennour Bidar, Dounia Bouzar, Armelle Carminati, Alain 
Christnacht, Annie Guillemot, Patrick Kessel, Laurence Loeffel, Daniel 
Maximin ;

     7 hauts fonctionnaires : le secrétaire général du ministère de 
l’intérieur, le secrétaire général du ministère de la justice, le 
directeur général de l’administration et de la fonction publique, le 
directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, le 
directeur des affaires juridiques au ministère de l’éducation nationale, 
le directeur des affaires politiques, administratives et financières du 
ministère des Outre-Mer, le conseiller pour les affaires religieuses au 
ministère des affaires étrangères.

     4 parlementaires (deux issus de la majorité et deux issus de 
l’opposition) désignés par le président du Sénat et de l’Assemblée 
nationale : Hugues Portelli, sénateur (LR) du Val-d’Oise, Jean Glavany, 
député (PS) des Hautes-Pyrénées, Françoise Laborde, sénatrice (PRG) de 
la Haute-Garonne, Marie-Jo Zimmermann, députée (LR) de la Moselle.

L’Observatoire revendique son indépendance : « Nous sommes rattachés aux 
services du premier ministre au même titre que d’autres structures 
(comme le Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes), pour 
avoir un budget et des locaux notamment. Mais nos travaux internes sont 
indépendants », détaille Nicolas Cadène.

Sur quoi travaille-t-il ?

Avant tout connu pour son rôle consultatif, l’organisme ne se limite, 
cependant, pas à émettre des avis. Une partie importante de son travail 
consiste à rédiger des guides pratiques sur la gestion du fait religieux 
à destination des collectivités locales, associations éducatives, 
entreprises privées.

Des réunions de l’assemblée plénière de l’Observatoire ont lieu deux à 
cinq fois par mois pour répondre aux saisines de ministères ou 
d’autorités judiciaires confrontés à des problématiques liées à la 
laïcité et ayant besoin d’être éclairées sur l’application du principe.

Ces réunions donnent aussi lieu à des autosaisines en fonction des 
besoins identifiés par l’Observatoire. Selon Nicolas Cadène, même si 
l’organisme est « beaucoup sollicité », les autosaisines sont plus 
nombreuses.

Comment travaille-t-il ?

« Nous défendons la laïcité en en faisant la promotion sur le terrain où 
nous sommes deux à trois fois par semaine », a affirmé Jean-Louis Bianco 
dans un entretien au Monde en début de semaine.

La méthode de l’Observatoire semble appréciée des acteurs locaux. La 
Fédération protestante de France indique, par exemple, dans un 
communiqué « saluer la qualité du travail de l’Observatoire de la 
laïcité depuis sa création » et qu’elle « a toujours pu faire entendre 
sa voix et ses positions dans le cadre des auditions régulières qu’elle 
a eues avec celui-ci ».


Guides pratiques.

Selon Charles Conte, en charge de la laïcité à la Ligue de 
l’enseignement, un mouvement qui englobe 27 000 associations 
culturelles, sur l’éducation, le sport ou les loisirs, les fascicules de 
l’Observatoire sont réalisés avec le droit comme base et enrichis par 
des consultations avec les acteurs de terrain concernés :

     « L’Observatoire nous consulte avant d’écrire ses guides qui sont 
très clairs et très précis. Ils font référence pour des acteurs de 
terrain comme nous. »

La Ligue de l’enseignement a d’ailleurs lancé, samedi, une pétition sur 
le site Change.org en soutien à Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène.


Avis.

Avant de rendre ses rapports, l’Observatoire dresse un état des lieux de 
la situation, se refusant à traiter d’une problématique en partant d’une 
idée reçue. Si l’on prend le cas du port du voile à l’université — dont 
l’organisme s’est saisi de son propre chef « à la suite d’une importante 
médiatisation de désaccords ou de conflits à ce propos » —, 
l’Observatoire a procédé à diverses auditions : personnel administratif 
et associations d’élèves, mais aussi syndicats de chercheurs ou 
d’élèves. Des questionnaires ont également été adressés aux dirigeants 
de 130 universités, afin d’évaluer leurs éventuelles difficultés liées 
au fait religieux.

Après dépouillement, l’Observatoire a conclu qu’il n’était pas 
nécessaire de légiférer : « Quelque 40 % [des établissements publics 
questionnés] ont répondu, et les autres ont répondu à nos relances en 
disant qu’ils n’avaient pas eu de difficulté », affirmait, en décembre 
2012, Nicolas Cadène au Monde. Il en ressort « une situation globale 
respectueuse de la laïcité », avec seulement 140 cas de « désaccords ou 
conflits ponctuels » signalés par ces établissements, qui accueillent 
quelque 2 millions d’étudiants.



Pourquoi est-il remis en cause ?

En début de semaine, l’opposition entre les partisans d’une laïcité dite 
« fermée », c’est-à-dire attachée à la stricte neutralité religieuse 
dans l’espace public, et ceux favorables à une laïcité « ouverte », 
opposée à gommer tout signe d’appartenance religieuse et incarnée, entre 
autres, par Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène, a viré à 
l’affrontement. Les premiers accusant les seconds d’être laxistes 
vis-à-vis de l’intégrisme religieux, les seconds répétant qu’ils se 
réfèrent strictement au droit qui présente le principe avant tout comme 
une liberté.

« C’est une bonne chose que l’Observatoire existe et nous n’avons rien à 
redire aux travaux réalisés par ses membres. Mais il y a des prises de 
position sur lesquelles on ne peut être d’accord. Nous avons 
l’impression que cette structure, qui dépend de l’Etat, travaille plus à 
un dialogue interreligieux qu’à défendre la laïcité », assure Laurence 
Marchand-Taillade, cosignataire, avec Mohamed Sifaoui, d’une pétition 
pour la démission de Jean-Louis Bianco.

Or, pour Jean Baubérot, ce débat n’a rien à voir avec l’application du 
droit : « L’Observatoire dérange, car des gens présentent la loi de 1905 
comme autre chose que ce qu’elle est réellement. Ils font un travail de 
rectification, et ça déplaît énormément. »


     Elvire Camus
     Journaliste au Monde



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Denis Lebioda
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Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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