[Laicite-info] Noël Mamère : « Au lieu de rassembler les Français contre le fascisme religieux, Manuel Valls les divise »

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 25 Jan 09:00:37 CET 2016


Noël Mamère : « Au lieu de rassembler les Français contre le fascisme 
religieux, Manuel Valls les divise »

Publié par : Le Monde.fr
Le :  24.01.2016

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Une fois de plus, une fois de trop, Manuel Valls choisit la division de 
la gauche et accessoirement des Français, en réveillant avec cynisme et 
brutalité le débat ultra-sensible sur la laïcité. Mais quel est donc le 
but poursuivi par le nouveau porte-parole des néo-conservateurs ? A-t-il 
décidé de se lancer dans la course à la présidentielle, dès 2017, 
constatant le rejet de François Hollande et sa faveur dans les sondages ?

Dans ce contexte de mort clinique de la gauche, face à la concurrence de 
l’extrême droite, qui se précise de jour en jour, il considère que les 
thèmes de l’ordre, de la nation, de l’autorité et de l’identité sont « 
porteurs » et cherche la moindre occasion de les remettre sur la table 
de la société. En s’en prenant avec violence aux deux responsables de 
l’Observatoire de la laïcité, devant « les amis du CRIF », il n’a fait 
que « communautariser » un peu plus le débat sur la laïcité en tentant 
d’ostraciser des responsables musulmans et d’absoudre les propos 
islamophobes.

Idéologie occidentaliste

Au lieu de rassembler les Français contre le fascisme religieux, il les 
divise. Au nom d’un misérable calcul politicien, il met de nouveau la 
société en tension au moment où elle aurait le plus besoin d’apaisement. 
D’ailleurs, Marine Le Pen ne s’y est pas trompée qui, dans un exercice 
de triangulation inversée, vante « une société apaisée » sur ses 
affiches style « old school », directement inspirées de la campagne de 
Mitterrand en 1981.

Manuel Valls est devenu coutumier de ces transgressions 
néoconservatrices. Il s’en est même fait une spécialité, en déclenchant 
des polémiques à répétition, le plus souvent avec l’obsession de 
pourfendre des ennemis de l’identité de la France.

Cette monomanie identitaire recouvre en réalité une idéologie commune à 
une partie de la droite et de la gauche gouvernementale, l’idéologie 
occidentaliste. Obsédée par la crainte du déclin de la civilisation 
occidentale devant la montée des puissances émergentes, par la peur de 
l’islam considéré comme une menace pour nos « valeurs républicaines », 
une partie de la classe politique de ce pays s’est constitué un nouvel 
imaginaire du repli. Il repose sur trois éléments constitutifs.

La laïcité intégriste, ou intégrale, qui considère que l’espace public 
doit être purgé de tout signe religieux musulman, que l’islam doit 
retourner à l’âge des caves et qu’il n’y a de bon musulman qu’assimilé. 
Ainsi conçue et défendue, la laïcité est le nouveau nom d’une guerre 
antireligieuse fantasmée.

Le deuxième pilier de cette doxa est l’essentialisation. Au lieu 
d’identifier l’ennemi, le courant djihadiste, c’est-à-dire un fascisme 
religieux et politique, le premier ministre procède par amalgames 
récurrents. Ainsi les musulmans qui se réclament de courants relevant de 
l’orthodoxie seraient par nature les tremplins du djihadisme. Tous sont 
taxés, pêle-mêle, d’intégristes et d’idiots utiles d’Al-Qaida et de 
Daech [acronyme arabe de l’organisation Etat islamique]. A ce compte-là, 
toute femme voilée devient suspecte, puisqu’elle transgresse les lois 
imaginaires de la laïcité revue et corrigée par ses nouveaux hérauts.

En réalité, si l’on se place dans la perspective politique de Manuel 
Valls, le musulman est un « bon client », au même titre que l’émeutier 
cagoulé des médias quand ils traitent des quartiers populaires. Le 
premier ministre cherche en permanence des cibles, tel Jean-Louis 
Bianco, sa dernière victime en date, dans le seul but de réduire une 
réalité complexe à son imaginaire autoritaire, inégalitaire et guerrier.

Jusqu’où ce thuriféraire de Clemenceau ira-t-il pour devenir président ?

La troisième composante de cette idéologie occidentaliste, c’est l’appel 
permanent à la guerre de civilisation. La République est ainsi réduite à 
une sorte de forteresse assiégée au nom de l’idée que le premier 
ministre et ses semblables se font d’une « civilisation » occidentale 
menacée de toutes parts par les « barbares ». Il faut donc leur opposer 
une logique de guerre et considérer tous leurs représentants ou supposés 
tels, présents sur notre territoire, comme une cinquième colonne 
susceptible de nous attaquer à tout moment. La conséquence de cette 
logique infernale est une militarisation durable de la société, ainsi 
que le prouvent la nouvelle prolongation de l’état d’urgence qui 
s’annonce, la déchéance de nationalité inscrite dans notre Constitution 
et le recul du protecteur de nos libertés, le juge judiciaire, que 
prépare la réforme des codes pénal et de procédure pénale.

Jusqu’où ce thuriféraire de Clemenceau ira-t-il pour devenir président ? 
Pourtant, plus les jours passent et plus il s’installe dans une forme de 
bonapartisme décomplexé. Bonapartiste, cette tentation autoritaire de 
gouverner par l’état d’exception permanent, en se débarrassant du 
contrôle des juges ; bonapartiste, cette volonté de gouverner en 
instaurant un climat de peur ; bonapartiste, cet attrait pour les 
ordonnances, en se débarrassant de ces parlementaires inutiles qui 
empêchent l’exécutif de faire son travail ; bonapartiste, enfin, ce 
penchant pour la marginalisation de tous ceux qui osent rappeler les 
règles de l’Etat de droit et de la démocratie.

Pour mieux masquer cette dérive, Manuel Valls nous répète en boucle : « 
République, République, République. » Comme s’il s’agissait de nous 
faire oublier qu’elle a toujours été menacée par des boutefeux 
autoritaires et des va-t-en-guerre arrogants, tout autant que par les 
tenants de l’arbitraire et les autocrates de la morale républicaine.

Dans les années 1960, Sartre qualifiait déjà la gauche de « cadavre 
tombé à la renverse et qui pue ». Déjà, Guy Mollet, le représentant de 
cette gauche près du tombeau, avait fait voter l’état d’urgence et les 
pouvoirs spéciaux pour mener la sale guerre d’Algérie, au nom d’une 
vision étriquée de la France et de la République. Cinquante ans plus 
tard, nous nous retrouvons face à la même faillite idéologique. Nous ne 
pouvons nous résoudre à cette déchéance.

Noël Mamère, ancien candidat à la présidentielle, est député écologiste 
(Gironde) et maire de Bègles.


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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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