[Laicite-info] Jean-Louis Bianco: « la laïcité, c’est aussi l’égalité de tous devant la loi »
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 27 Oct 09:53:47 CEST 2016
Jean-Louis Bianco: « la laïcité, c’est aussi l’égalité de tous devant la
loi »
Publié par :
http://egalites.blogs.liberation.fr/2016/10/26/la-france-laique-de-jean-louis-bianco/
Par : Béligh Nabli
Le : 26 octobre 2016
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Le président de l’Observatoire de la Laïcité prolonge son travail de
réflexion sur un principe fondamental de la République, avec son dernier
livre : «La France est-elle laïque?». Clair et précis, ce livre éclaire
la signification juridique, axiologique et pratique de la laïcité. Une
contribution salutaire.
Béligh Nabli — Votre ouvrage a d’abord une vocation pédagogique au sujet
d’un thème, la laïcité, objet d’une grande confusion. S’il existe
diverses conceptions doctrinales de la laïcité, la loi de 1905 a tranché
en faveur d’une signification précise. Quel est le sens légal de la
laïcité en France ? Est-elle si singulière à l’échelle mondiale ?
Jean-Louis Bianco — La laïcité, juridiquement, c’est d’abord la liberté
de conscience, celle de croire ou de ne pas croire avec la possibilité
d’exprimer ses convictions y compris dans l’espace public dès lors qu’on
ne perturbe pas l’ordre public. C’est ensuite la séparation des
organisations religieuses et de l’État, parce que le pouvoir politique
ne peut émaner que de la souveraineté populaire. De cette séparation
découle la neutralité de l’administration, mais pas des citoyens. Parce
que la laïcité, c’est aussi l’égalité de tous devant la loi, quelles que
soient leurs convictions. Cet ensemble contribue à l’idéal républicain
de fraternité. À l’échelle mondiale, il n’y a pas beaucoup de systèmes
équivalents au nôtre, mis à part peut-être le Mexique. Cependant,
d’autres États, sans forcément se dire «laïcs», connaissent une
séparation proche de la nôtre. D’autres, qui se disent pourtant «laïcs»,
contrôlent les cultes. Cette existence de différentes «laïcités» dans le
monde peut alimenter la confusion. Cette question est d’ailleurs abordée
précisément dans le livre de Nicolas Cadène, «La laïcité pour les Nuls».
BN — Vous rappelez combien le principe de laïcité constitue un principe
foncièrement libéral. Paradoxalement, son instrumentalisation ne
représente-t-elle pas un risque liberticide pour la société française ?
J.-L. Bianco — Oui et c’est contre ce risque que je mets en garde. Nous
avons trop longtemps cru que la laïcité était une évidence pour tous et
qu’elle ne souffrait d’aucune confusion ni d’aucune contestation. Mais
en abandonnant la pédagogie de la laïcité, nous avons laissé le champ
libre à son instrumentalisation. Il faut rester fidèle à la stratégie de
Briand, Jaurès, Buisson et Clemenceau et aller résolument à l’encontre
des conceptions liberticides de la laïcité. Il faut rappeler que la
laïcité est d’abord un outil de défense des libertés et non un outil
visant à exclure les minorités.
BN — Est-ce que la pratique de l’islam pose un problème particulier en
matière de respect de la laïcité ?
J.-L. Bianco — Non. Sauf bien sûr lorsqu’elle est politique et
volontairement provocatrice à l’égard de la République. Mais cela
concerne tous les cultes. Il suffit de penser aux prières de rue contre
le mariage pour tous et, dernièrement, devant l’église Sainte-Rita. Mais
le fait que l’islam soit minoritaire et plus récemment installé dans
l’hexagone renforce un sentiment de défiance à son égard. L’absence de
mixité sociale dans certains quartiers ou écoles alimente aussi le repli
communautaire et des revendications qui peuvent légitimement choquer.
Daech, qui se revendique de «l’islam» et commet d’horribles attentats
sur notre sol, entretient la confusion et cherche à diviser la
population. La responsabilité des politiques et des médias est de ne pas
faire son jeu, de refuser les amalgames et de ne pas céder aux surenchères.
BN — Peut-on dire que l’islam fait partie de l’identité de la France du
XXIe siècle ?
J.-L. Bianco — Oui, et d’ailleurs comme le bouddhisme désormais. La
France est un des pays les plus divers au monde, notamment du point de
vue convictionnel. Notre pays est encore présent sur cinq continents et
l’a été davantage encore dans le passé. Son histoire est, de fait,
empreinte de cultures créole, subsaharienne, maghrébine, asiatique, etc.
Nous avons tous des identités multiples par nos origines, nos croyances,
nos goûts. Mais nous sommes unis par le socle commun de valeurs, de la
langue, de la culture. C’est ce que François Mitterrand déclarait en
1987 à Bondy : «Lorsqu’on a la chance d’appartenir à un pays comme le
nôtre et que des minorités viennent s’agréger à notre vie nationale,
n’ayons pas la prétention de les dominer, mais profitons de la chance de
tirer de leur propre culture ce qui nous permettra d’enrichir la nôtre».
Jean-Louis Bianco, La France est-elle laïque? Editions l’Atelier, 2016,
68 p.
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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