[Laicite-info] Il faut défendre et promouvoir la laïcité - A l’école, au travail et à l’université
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Lun 10 Avr 09:37:07 CEST 2017
Il faut défendre et promouvoir la laïcité - A l’école, au travail et à
l’université
Auteur : Florent Stora - Docteur d'Etat en science politique
Publié par :
http://www.causeur.fr/laicite-republique-voile-universite-travail-43631.html
Le : 07 avril 2017
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Alors que la laïcité – et son idéal d’émancipation – se situe au cœur de
notre édifice républicain, elle se retrouve aujourd’hui attaquée et
contestée dans sa légitimité. Certains, lui reprochant son sectarisme et
son intolérance, plaident pour une laïcité ouverte ou accommodante. Si
l’exercice du doute critique est salutaire et atteste de la volonté
d’échapper à tout dogmatisme, le relativisme sceptique est un poison
tout aussi dangereux. Pour être mieux armés et ne céder ni aux sirènes
communautaristes, ni à ceux qui voudraient dévoyer la laïcité et la
mettre au service de la xénophobie, il est urgent de rappeler l’esprit
qui l’anime et de ne pas laisser tarir la source qui lui a donné
naissance et qui doit continuer à l’alimenter.
Si la constitution française énonce en son article 1er que « la France
est une République laïque, démocratique et sociale », c’est la loi de
séparation du 9 décembre 1905 qui invente la laïcité à la française,
proclame la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes
et pose le principe de séparation des Églises et de l’État. Est laïc un
esprit, une institution qui a écarté la possibilité pour les instances
religieuses d’être invoquées et évoquées pour le gouvernement des hommes
et des choses. Il s’agit, dans le processus de laïcisation, de se
délivrer de toute entreprise de soumission des consciences. Affirmer le
principe de la liberté de conscience implique de manière nécessaire que
l’élaboration des lois ne peut relever que de l’expression de l’ensemble
des citoyens et non pas d’une conception particulière de l’homme qu’on
imposerait à tous. C’est pourquoi la foi ne peut faire loi. Avec la
laïcité, le politique s’émancipe par rapport au théologique et en
retour, le théologique est protégé de toute ingérence du politique.
Elle doit être réaffirmée à l’école…
C’est alors ce processus de séparation qui permet de réunir dans une
fraternité citoyenne des hommes séparés et divisés par leurs
appartenances. Car la laïcité rend impossible l’établissement d’une
religion hégémonique qui prétend au monopole de la pensée, de la morale,
de la politique et l’oblige à rester dans son domaine. Elle devrait
rendre impossible la condamnation des apostats, les intimidations, les
fatwas vis à vis de ceux qui pourraient mettre à distance leur
appartenance par la non pratique du jeûne, ou encore le refus de porter
le voile. Ces intimidations au sein de la société civile sont
intolérables et devraient être fortement dénoncées et combattues en nous
rappelant de la parole d’Helvétius : « Qui tolère les intolérants se
rend coupable de tous leurs crimes ».
La laïcité est donc à la fois notre héritage à préserver en même temps
qu’une promesse encore vivante d’émancipation à promouvoir. Elle doit
donc être réaffirmée avec force à l’école et promue avec courage à
l’université ainsi que dans le monde du travail. Le processus de
laïcisation commence historiquement par l’école avec les lois et textes
réglementaires de 1881 à 1886 qui instituent l’école publique gratuite,
laïque et obligatoire. Il rend possible l’émancipation du savoir par
rapport à la croyance et substitue à l’argument d’autorité, l’autorité
de l’argument. L’école est cet espace où l’on apprend à se déprendre de
toutes les servitudes. L’École a donc pour finalité ultime de construire
le citoyen et l’homme par l’instruction qui est une transmission de
savoirs libres et libérateurs. C’est pourquoi une école de la République
laïque n’inculque rien, n’impose aucune orthodoxie. Elle n’enrôle ni
n’embrigade personne. Elle engage les jeunes esprits sur la voie d’une
rationalité critique permettant de les mettre à l’abri de toutes les
séductions mortifères qui conduisent aux fanatismes. C’est pour
préserver cette noble mission que la loi du 15 mars 2004 sur
l’interdiction des signes religieux ostentatoires pour l’école primaire,
le collège, le lycée et les classes préparatoires était indispensable
pour mettre un terme au long flottement des pouvoirs publics et à
l’appréciation des situations au cas par cas. Et c’est dans cet esprit
que devrait être réaffirmée sans ambiguïté et avec autorité la
circulaire Chatel du 27 mars 2012 sur l’interdiction de ces mêmes signes
religieux ostentatoires pour les mères qui accompagnent les enfants dans
le temps extrascolaire, car celles-ci, en tant que collaborateurs
occasionnels du service public, sont soumises à une obligation de
neutralité dans l’exercice de leurs missions d’intérêt général.
…et au travail
Mais il faut aller plus loin et ouvrir le débat sur la possibilité de
soumettre les étudiants au principe de laïcité au sein des
établissements d’enseignement supérieurs et d’introduire une limitation
dans l’expression vestimentaire à l’Université comme l’avait fait la loi
du 15 mars 2004 pour l’enseignement primaire et secondaire. Là encore,
on retrouve aujourd’hui les mêmes hésitations et la même irrésolution
qu’hier, alors que nul ne conteste la montée des revendications
religieuses à l’université, avec les contestations du contenu des
programmes, ou du mode d’organisation des travaux dirigés pour lesquels
on demande une séparation des sexes, le refus de passer un examen avec
un professeur de sexe féminin, et qui tentent d’imposer une tutelle
intellectuelle rendant impossible la sérénité indispensable au libre
exercice de l’étude, de la recherche et de la pensée critique.
Dans le monde du travail enfin, la laïcité doit pouvoir prévaloir. Un
règlement intérieur doit pouvoir fixer des règles de neutralité
confessionnelle dans les entreprises. On se souvient encore de l’affaire
de la crèche Baby-Loup, association de droit privée, qui s’était enfin
vu reconnaître dans un jugement de l’assemblée plénière de la cour de
cassation du 16 juin 2014, après de nombreux rebondissements judiciaires
et à quel prix, le droit de se donner des statuts et un règlement
intérieur prévoyant une obligation de neutralité du personnel,
impliquant interdiction de porter tout signe ostentatoire de religion.
Là aussi, le diagnostic est connu. Les entreprises privées sont de plus
en plus confrontées à des revendications religieuses, et notamment à des
demandes d’aménagement du temps de travail durant le ramadan, de salles
de prières, à des conflits sur le port de signes religieux ostensibles.
La loi du 14 septembre 2016 semble prendre acte de ces évolutions en
introduisant dans le code du travail le nouvel article L 1321-2-1 qui
indique désormais : « Le règlement intérieur peut contenir des
dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la
manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont
justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou
par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles
sont proportionnées au but recherché ». Plus récemment, une prise de
conscience semble se faire jour au niveau européen. La Cour de justice
de l’Union européenne (CJUE), dans deux arrêts du 14 mars 2017,
reconnaît de manière claire mais nuancée à une entreprise la possibilité
d’établir dans un règlement intérieur un principe de neutralité à ses
salariés, en leur interdisant l’affichage de signes religieux,
politiques et philosophiques, mais à condition que cette démarche
poursuive un « objectif légitime », qu’elle soit justifiée,
proportionnée et non discriminatoire.
Cependant, la vigilance et la lucidité restent de mise. Devant les
provocations et les intimidations incessantes, il nous faut ensemble
lutter contre ces deux maux caractéristiques de notre temps que sont le
déni de la réalité et le manque de courage. Notre culture laïque, si
elle n’est pas entretenue, finira par s’étioler et entraîner avec elle
l’écroulement de toute une architecture mentale structurée par l’idéal
d’émancipation. Et il nous faut poursuivre sans relâche cet idéal
d’émancipation qui repose sur l’idée majeure selon laquelle la
souveraineté d’un peuple sur lui-même se prépare dans la souveraineté de
chaque homme sur ses pensées, par l’ouverture à la culture universelle
permettant un décentrement critique, seul rempart contre les fanatismes.
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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