[Laicite-info] Le fort attachement des Français au principe de laïcité

Denis Lebioda denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 31 Jan 08:38:45 CET 2019


Le fort attachement des Français au principe de laïcité

S’ils tiennent majoritairement à ce principe, les Français sont moins à 
l’aise avec l’usage qui en est fait dans le débat public, selon un 
sondage commandé par l’Observatoire de la laïcité, dont « Le Monde » 
présente les résultats.

Par Cécile Chambraud
Publié par LE MONDE
Le 31/01/19

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Que pensent les Français de la laïcité ? Que croient-ils qu’elle est et 
que souhaiteraient-ils qu’elle soit ? Pour en avoir une idée précise, 
l’Observatoire de la laïcité, organisme public chargé d’aider le 
gouvernement à l’appliquer, avait commandé, à l’automne 2018, un sondage 
auprès de 2 000 personnes sur ce sujet à l’institut Viavoice. Le Monde 
en présente aujourd’hui les résultats.

Ils tombent à point nommé pour éclairer un sujet placé par le président 
Emmanuel Macron dans le champ du « grand débat » et autour duquel la 
controverse ne faiblit pas depuis des années entre ceux qui y voient 
d’abord un régime juridique issu du compromis dégagé par la IIIe 
République, et les partisans actuels d’une certaine neutralisation 
religieuse des individus dans l’espace public.

Globalement, l’enquête témoigne que la laïcité est vue par beaucoup 
comme un principe structurant de la vie publique. Elle « fait partie de 
l’identité de la France » pour 77 % (contre 13 % d’avis contraire), 
c’est un « principe républicain essentiel » pour 69 % (contre 16 %), 
elle n’est « ni de droite ni de gauche » pour 79 % (contre 9 %).

C’est aussi un principe auquel on tient. Les personnes interrogées se 
disent majoritairement assez ou très attachées à cette notion, quel que 
soit le contenu qu’elles lui attribuent. Celles qui déclarent 
l’attachement le plus élevé (84 %) sont aussi celles qui, les plus 
familières avec le concept, savent reconnaître sa définition juridique.

« Instrumentalisation » par des personnalités politiques

L’institut de sondage a reposé la question de l’attachement après avoir 
fourni aux enquêtés la définition ainsi formulée : « C’est le principe 
qui sépare l’Etat des religions, permet à chacun de croire ou de ne pas 
croire, garantit la neutralité des fonctionnaires et l’impartialité de 
l’administration vis-à-vis de tous ».

L’attachement est alors le fait de 73 % (contre 19 % pas attachés) de 
l’ensemble de l’échantillon. Certaines catégories – les 25-34 ans (59 
%), les ouvriers (59 %) et les employés (63 %) – se montrent plus 
réservées que les autres sur le principe.

S’ils tiennent majoritairement au principe de la laïcité, les sondés 
sont moins à l’aise avec l’usage qui en est fait dans le débat public. 
Une petite moitié (44 %) juge qu’« en théorie », il rassemble, contre 19 
% d’avis contraire et 28 % qui estime que « ça dépend ». En revanche, 
ils ne sont plus que 18 % pour trouver qu’« en pratique », ce principe 
rassemble, contre 37 % qu’il divise, 35 % répondant « ça dépend ». 
D’ailleurs, ils sont 67 % à estimer qu’il est « instrumentalisé » par 
les personnalités politiques.

Une forte proportion (60 %) trouve aussi que trop souvent, dans les 
médias ou dans le débat public, « on ne parle de la laïcité qu’à travers 
la polémique », on « n’explique pas assez » ce qu’elle est (52 %) ou 
encore on « ne parle de la laïcité qu’à travers l’islam » (49 %). La 
récurrence et la vivacité des controverses laissent des traces, mais 
elles ne sont pas forcément appréciées.

Ce constat est peut-être aussi lié au sentiment que la laïcité est « 
plus ou moins bien appliquée selon les autorités publiques » (39 %) ou 
même « mal appliquée » (30 %), quand seulement un cinquième des 
personnes interrogées la jugent bien appliquée.


Mais au fond, que mettent les Français sous le vocable de laïcité ? Au 
début de son questionnaire, l’Observatoire a soumis leurs connaissances 
à une sorte de quiz ; 79 % savent qu’à l’école publique, les élèves ne 
peuvent manifester ostensiblement leur appartenance religieuse par un 
signe ou une tenue ; 70 % que les fonctionnaires sont tenus à la 
neutralité ; 58 % (20 % ne savent pas répondre) que l’Etat ne peut 
subventionner les religions ; 51 % (32 % font erreur) que les 
manifestations religieuses dans la rue peuvent être autorisées et 48 % 
que les étudiants peuvent porter des signes religieux à l’université 
(contre 36 % qui croient le contraire). En revanche, une majorité (58 %) 
croit à tort que « l’obligation de neutralité s’impose » dans les 
entreprises privées et 48 % qu’une municipalité peut se prévaloir de la 
laïcité pour refuser des menus sans viande dans les cantines scolaires.


Lorsqu’on leur soumet différentes définitions de la laïcité, une grosse 
moitié (57 %) des personnes sondées choisit à bon escient la réponse 
juridique déjà mentionnée. Cependant, là encore, les 25-34 ans (47 %), 
les ouvriers (42 %) et les employés (48 %) sont proportionnellement 
moins nombreux à le faire, tandis que les cadres (75 %) et les plus de 
65 ans (67 %) sont les plus nombreux.

En outre près d’une personne sur quatre (23 %) donne de la laïcité une 
définition plus restrictive, comme une neutralité qui s’appliquerait 
aussi aux usagers des services publics (12 %) ou qui interdirait signes 
ou vêtements religieux dans la rue (11 %). Cette dernière proposition 
est crue de manière beaucoup plus élevée par les 18-24 ans (21 %).

A quoi sert la laïcité ? Plus de la moitié des répondants estiment 
qu’elle « protège tout le monde sans exception » (59 %), « protège les 
pratiquants » des religions (56 %) et les non-croyants (51 %). Entre un 
quart et un cinquième sont d’avis contraire pour ces trois questions. A 
noter que les musulmans (45 %) sont significativement moins nombreux à 
juger que la laïcité protège les pratiquants.

« Montée des intolérances »

Faut-il faire évoluer le contenu de la laïcité ? La définition actuelle 
convient à une majorité relative (48 %). En revanche, un petit tiers des 
sondés souhaiteraient un régime plus restrictif pour les pratiquants : 
16 % voudraient qu’il interdise les tenues ou signes religieux dans la 
rue et 14 % qu’ils soumettent les usagers des services publics à une 
obligation de neutralité.

Si on les interroge sur d’éventuelles évolutions dans l’avenir du 
principe de séparation des Eglises et de l’Etat, les Français sont 46 % 
à souhaiter le statu quo. Mais 22 % voudraient une législation plus 
stricte pour « refuser tout dialogue entre les institutions publiques et 
les différentes religions ». A l’opposé, 11 % voudraient permettre le 
subventionnement public des cultes. Enfin, 21 % ne se prononcent pas sur 
cette question.
Les principales difficultés auxquelles pourrait se heurter la laïcité 
dans l’avenir tiennent, selon les sondés, en premier lieu à « la montée 
des intolérances entre les différentes communautés religieuses » (57 %), 
nettement devant les « crispations engendrées par le port de signes 
visibles de certaines religions » (44 %), « la montée des intolérances 
entre certains croyants et certains non-croyants » (43 %) ou encore le « 
communautarisme lié à l’absence de mixité sociale dans certains 
quartiers » (41 %).

Les personnes se sentant liées à l’islam sont significativement plus 
nombreuses (50 %) que les catholiques (35 %) à craindre que ces 
difficultés à venir soient liées « aux discriminations que subissent des 
citoyens à raison de leur religion supposée ». Entre certains Français 
musulmans et la laïcité, un certain scepticisme se fait sentir.

Cécile Chambraud


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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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