[Laicite-info] « Sur la laïcité, évitons les disputes inutiles »
Denis Lebioda
denis.lebioda at laligue-alpesdusud.org
Jeu 31 Jan 08:40:31 CET 2019
« Sur la laïcité, évitons les disputes inutiles »
Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène, de l’Observatoire de la laïcité,
estiment dans une tribune au « Monde » que le droit peut évoluer à
condition de conserver l’équilibre établi par la loi de 1905.
Par Jean-Louis Bianco et Nicolas Cadène
Publié par : LE MONDE
Le : 28 janvier 2019
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Tribune.
La laïcité, pourtant principe « qui permet la concorde », comme l’a
rappelé Emmanuel Macron le 16 janvier à Grand-Bourgtheroulde (Eure),
donne lieu à des débats récurrents, tant elle renvoie à une histoire
singulière, à de longs combats et aux convictions de chacun. En débattre
est donc utile et bienvenu.
Alors qu’a été lancé par le président de la République le 15 janvier le
grand débat national, l’Observatoire de la laïcité, dans sa mission
d’information aux citoyens, se tient à la disposition de chacun pour
apporter, notamment sur son site Laicite.gouv.fr, tous les éléments
utiles à la bonne compréhension de la laïcité et de son application.
En débattre efficacement suppose de savoir de quoi l’on parle. La
laïcité, c’est, très simplement, le principe qui garantit la liberté de
conscience, celle de croire ou de ne pas croire, mais aussi l’égalité de
tous devant la loi, quelles que soient leurs croyances ou convictions.
Et ce, grâce à un Etat neutre et impartial, séparé des cultes, eux-mêmes
indépendants du pouvoir politique. Aussi, la laïcité n’est pas une
opinion. Elle est au contraire le principe qui les autorise toutes sous
réserve du respect de l’ordre public. Evitons les disputes inutiles, les
invectives et préférons le respect mutuel.
Un intouchable principe de séparation de l’Eglise et de l’Etat
Cette définition, l’Observatoire de la laïcité, commission consultative
placée auprès du premier ministre, la rappelle systématiquement, en
particulier dans le cadre des nombreux plans de formation qu’il a
accompagnés ou mis en place partout en France et qui ont déjà touché
plusieurs centaines de milliers d’acteurs de terrain.
Il reste que certains ne se satisfont pas de cette définition
originelle, celle d’Aristide Briand, à laquelle le président de la
République a rappelé qu’il était particulièrement attaché. Ceux-là
soutiennent au contraire une « nouvelle laïcité » qui se fonde
généralement sur, d’une part, l’extension du domaine de la neutralité
et, d’autre part, la remise en cause éventuelle du principe de
séparation entre les cultes et l’Etat. Les deux pouvant être portés
distinctement ou communément.
L’Observatoire de la laïcité est à l’origine de l’obligation, pour les
futurs aumôniers de tous les cultes et pour les ministres du culte
étrangers, de suivre une formation à la laïcité.
Ces orientations iraient à l’encontre de plusieurs dispositions de
valeur constitutionnelle ainsi que des premiers articles de la loi du 9
décembre 1905. En effet, la loi – éclairée par la jurisprudence – sépare
l’Etat et les cultes, et circonscrit la neutralité aux seules personnes
exerçant une mission de service public ou représentant l’administration
publique, ce qui n’inclut pas les usagers.
Le droit peut néanmoins évoluer pour s’adapter à de nouvelles réalités
sociétales, sans pour autant remettre en cause l’équilibre posé par la
loi de 1905. En ce sens, la loi du 15 mars 2004 a été votée pour, non
pas imposer la neutralité aux élèves – ce qui est trop souvent affirmé à
tort –, mais pour leur interdire, « dans les écoles, les collèges et les
lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels [ils]
manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ». Il s’agissait
de préserver ces élèves de toute pression durant l’acquisition des bases
du savoir, prolongeant les « circulaires Jean Zay » de 1936 et 1937 qui
interdisent toute propagande commerciale, politique ou confessionnelle.
Dès son installation, l’Observatoire de la laïcité a soutenu cette loi
auprès de ses interlocuteurs étrangers et ses travaux ont été repris
dans différents arrêts de juridictions internationales.
Protéger l’ordre public des messages religieux extrémistes
L’Observatoire de la laïcité a lui-même recommandé plusieurs évolutions
techniques du droit. Certaines se retrouvent dans les discussions
actuelles autour des titres IV et V de la loi de 1905. Par exemple, la
nécessité d’assurer une plus grande transparence des associations à
objet cultuel dans un paysage religieux différent en 2019 de celui de
1905 ; ou encore la nécessité de renforcer le respect de l’ordre public
dans un monde moderne où la viralité d’un message religieux extrémiste
s’est considérablement accrue. L’Observatoire de la laïcité a aussi été
à l’origine de l’obligation, pour les futurs aumôniers de tous les
cultes mais aussi pour les ministres du culte étrangers (dont les plus
nombreux sont les imams détachés, fonctionnaires d’Algérie, de Turquie
ou du Maroc) de suivre une formation à la laïcité.
En revanche, revenir sur le principe de séparation, ce serait risquer
l’instrumentalisation politique des cultes et s’attaquer à la
souveraineté populaire. Par ailleurs, étendre l’application du principe
de neutralité aurait pour conséquence de rompre avec une justification
aussi objective que possible (trouble ou non à l’ordre public et au bon
fonctionnement d’un service en raison de la manifestation de convictions
ou croyances) et d’ouvrir la porte à la subjectivité, rendant possible
demain l’interdiction de toute conviction minoritaire. Surtout, une
telle démarche offrirait l’argument de la discrimination aux voix
religieuses les plus rigoristes et multiplierait les replis
communautaristes contraires à notre modèle républicain.
Cela n’empêche aucunement le débat. En particulier, et c’est essentiel,
quant à la nécessité de renforcer la laïcité dans son application
quotidienne en 2019.
Dans ce cadre, n’oublions pas ces mots d’Aristide Briand, alors
rapporteur de la loi de 1905, prononcés à une époque où l’influence
religieuse était – on l’oublie trop souvent – considérable : « Il ne
faut pas fournir aux adversaires de la République des armes que demain
ils puissent retourner contre elle. »
Jean-Louis Bianco (Président de l’Observatoire de la laïcité) et Nicolas
Cadène (Rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité)
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Denis Lebioda
Chargé de mission
Ligue de l'enseignement dans les Alpes du Sud
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