[Laicite-orga] Quand le prêtre formera l'instituteur, par Caroline Fourest

Alice et Yves Gimbert gimbert.ya at wanadoo.fr
Jeu 7 Mai 09:14:57 CEST 2009


*Quand le prêtre formera l'instituteur*
*
par Caroline Fourest*
Le Monde
Article paru dans l'édition du 02.05.09

On assiste à un assaut sans précédent pour tenter d'affaiblir 
l'enseignement républicain et laïque au profit de l'enseignement privé 
et confessionnel. En principe, la République /« ne reconnaît, ne 
salarie, ni ne subventionne aucun culte »/. En coulisse, tout est fait 
pour torpiller l'esprit de cette loi dès qu'il s'agit d'éducation 
nationale.

Dans la plus grande discrétion, tout un pan du discours prononcé par 
Nicolas Sarkozy à Saint-Jean-de-Latran vient d'entrer en vigueur. On se 
souvient de cette phrase dans laquelle le président plaçait le prêtre 
au-dessus de l'instituteur /« dans la transmission des valeurs »/. 
Depuis, il a tenté de minimiser. Ces mots traduisent pourtant une vision 
de la transmission et de l'enseignement que son gouvernement applique à 
la lettre.

Dans une autre partie de son discours, moins célèbre, le président 
regrettait que la République ne reconnaisse pas la /« valeur des 
diplômes délivrés par les établissements d'enseignement supérieur 
catholique »/. On pensait à la reconnaissance de diplôme de théologie... 
Ils n'ont pas à être validés par la République puisqu'elle ne « 
reconnaît aucun culte ». Mais le président s'obstine. Notamment avec 
l'arrière-pensée de pouvoir estampiller la formation des imams rêvée par 
le ministère de l'intérieur mais dispensée par la Catho. Un bricolage 
qui ne fait que renforcer l'impression d'une gestion postcoloniale de 
l'islam, donc la propagande islamiste. Tout en tuant à coup sûr l'esprit 
de 1905.

L'affaire est plus grave qu'il n'y paraît. Les décrets de cet accord - 
signé en catimini entre la France et le Vatican le 18 décembre 2008 - 
viennent de tomber. Ils prévoient la /« reconnaissance mutuelle des 
diplômes de l'enseignement supérieur délivré sous l'autorité compétente 
de l'une des parties »/. Or cette /« reconnaissance »/ ne vaut pas 
seulement pour les matières théologiques mais aussi profanes. Autrement 
dit, le baccalauréat ou d'éventuels masters.

L'accord feint d'appliquer une directive européenne (le processus de 
Bologne), pensée pour reconnaître les diplômes étrangers, mais il change 
de nature à partir du moment où il est signé avec le Vatican, pour « 
reconnaître » des diplômes délivrés sur le sol français par des 
établissements de l'Église. Ce qui revient non seulement à casser le 
monopole des diplômes qu'avait l'État depuis 1880, mais aussi l'esprit 
de l'article 2 de la loi de 1905.

Jusqu'ici, les établissements catholiques privés pouvaient parfaitement 
préparer des élèves au bac, mais ceux-ci devaient passer leur diplôme 
avec tous les autres. Petite astuce connue des professeurs : de nombreux 
établissements privés choisissent de ne présenter que les meilleurs 
élèves sous leurs couleurs et d'envoyer les autres en candidats libres 
pour améliorer leur score de réussite au bac. Appâtés par des 
pourcentages tournant autour de 100 %, de plus en plus de parents se 
tournent vers ces établissements au détriment de l'école publique.

Le gouvernement fait tout pour encourager ce choix : démantèlement de la 
carte scolaire, baisse du nombre de professeurs dans le public... Le 
plan banlieue est à sec, mais on racle les fonds de tiroirs pour 
financer - sur fonds publics - l'ouverture de 50 classes privées 
catholiques dans les quartiers populaires. Un grand lycée Jean-Paul-II 
est sur les rails. Un collège tenu par l'Opus Dei est déjà sous contrat.

Il ne manquait plus que ça : la fin du diplôme d'État... Justement au 
moment où l'État annonce vouloir supprimer les IUFM, brader les 
concours, et remplacer leur formation par un master que pourrait 
préparer n'importe quel établissement privé. Comme ça, en plus de 
délivrer le baccalauréat, le Vatican pourra ouvrir des masters destinés 
directement aux futurs enseignants.

Un comité 1905 vient de porter plainte devant le Conseil d'État. S'il 
n'obtient pas gain de cause, le prêtre aura le champ libre pour 
reprendre la main sur l'instituteur.

*Caroline Fourest*
Le Monde
Article paru dans l'édition du 02.05.09


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